COMMERCE: Ressentiment comme l’Afrique du Sud parle d’affaires pour le continent

JOHANNESBURG, 12 mars (IPS) – Il y a un ressentiment croissant en Afrique au sujet de la façon dont l'Afrique du Sud prétend parler au nom du reste du continent dans son rôle de membre de blocs importants de pays en développement, ont prévenu des chercheurs et des experts.

L'Afrique du Sud est membre du regroupement de pays en développement comprenant l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud (IBSA), ainsi que du bloc naissant regroupant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud (BRICS).

Mais le consultant en relations internationales et en commerce, John Maré, a déclaré à IPS que l'Afrique du Sud pourrait être en train de s’aventurer “sur un terrain politique glissant”.

“Je pense que beaucoup de dirigeants africains, politiques et économiques, sont irrités par le fait que l'Afrique du Sud ait un rôle trop grand dans le leadership de l'Afrique”, a-t-il dit.

Bien qu’il ait ajouté qu'il peut y avoir un pragmatisme accru qui ait accepté les forces dont l'Afrique du Sud dispose dans plusieurs domaines, cela pourrait devenir bientôt agaçant.

“Ce pragmatisme peut diminuer si l'Afrique du Sud compte trop sur ses forces, en particulier dans des contextes comme le BRICS où d'autres pays africains ne bénéficient pas de formes parallèles de relations spéciales”, a-t-il souligné. Il a ajouté que d'autres pays africains avaient, cependant, des relations spéciales avec l'Union européenne, même si l'Afrique du Sud avait été choisie au début comme partenaire stratégique spécial du bloc.

“La manière dont l'Afrique du Sud agit dans le contexte du BRICS devient particulièrement pertinente et, étant donné les perceptions (en dehors de l’Afrique) que le continent veut que l'Afrique du Sud soit son leader, elle ne diminuera pas trop – même si une désapprobation exprimée peut être lente à apparaître et se fera de façon variée”, a-t-il indiqué.

Il a ajouté que la croissance des économies régionales en Afrique a également contribué à saper le droit de l'Afrique du Sud à être la principale porte d'entrée du continent.

La Banque africaine de développement (BAD) a prédit que malgré le ralentissement économique mondial, l'Afrique subsaharienne devrait connaître une croissance économique de 6,6 pour cent en 2013. Selon le rapport de la Banque mondiale intitulé “Africa’s Pulse” (Le Pouls de l’Afrique), publié en octobre 2012, “de nouveaux gisements de pétrole, de gaz et d'autres minéraux dans des pays africains généreront une vague de richesses minérales importantes dans la région”. En outre, l'Ethiopie peut être l’un des pays les plus pauvres d'Afrique, mais son économie devrait croître de sept pour cent pour la période 2012-2013, selon le Fonds monétaire international.

Memory Dube, une chercheuse à l'Institut sud-africain des affaires internationales, une organisation non gouvernementale qui met l'accent sur les affaires internationales de l'Afrique du Sud et du continent, a indiqué que l'Afrique du Sud devrait consulter davantage afin de renforcer ses atouts pour parler au nom de l'Afrique.

“Ce sur quoi l'Afrique du Sud à besoin de se lancer, c’est un processus approprié de consultation, en particulier avec les autres Etats clé comme le Nigeria, l'Algérie, le Kenya, l'Egypte et l'Ethiopie”, a-t-elle déclaré à IPS.

“Les dirigeants du BRICS vont s'engager avec des institutions africaines telles que le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, l'Union africaine (UA) et la BAD, ainsi qu’avec les communautés économiques régionales”, a-t-elle souligné, ajoutant que ce serait une bonne démarche, en particulier si les priorités africaines, telles que définies par l'Afrique du Sud, sont dressées à partir d'un dialogue continental.

“Toutefois, les relations bilatérales demeurent toujours essentielles et les engagements avec les institutions devraient être complémentaires aux relations bilatérales avec d’autres champions importants d'Afrique”, a-t-elle expliqué.

Mais la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Maite Nkoana-Mashabane, a rejeté les déclarations selon lesquelles le pays ne consulte pas correctement ses voisins africains.

“Je m’assieds dans les réunions où je sais que nous nous engageons vraiment et fidèlement avec tous les pays indépendants sur le continent”, a-t-elle déclaré à IPS.

“Ils ont tous une politique de perspectives individuelles, mais nous appartenons tous à l'UA, et prenons des décisions ensemble. Nous avons des relations amicales et cordiales avec eux et ne prenons aucune pour acquise”, a-t-elle dit, ajoutant que l'Afrique du Sud fait partie intégrante du continent.

“Ce que nous souhaitons pour l'Afrique du Sud, nous le souhaitons pour tous les pays du continent. Nous défendons la cause de l'Afrique, comme l'Afrique a pris la lutte de l'Afrique du Sud (contre l'apartheid) comme sa cause”.

Nkoana-Mashabane ne regrette pas les relations de l’Afrique du Sud avec ses partenaires du BRICS et de l'IBSA, et apporte son soutien ferme aux blocs économiques de pays en développement.

“Nous défendons également la coopération Sud-Sud, et c'est ce que nos ancêtres envisageaient”, a-t-elle expliqué. “A cause de notre histoire, nous n'ignorons pas nos liens historiques avec les pays du Nord non plus”.

La ministre a insinué qu'il y aurait des avantages pour tous à partir du sommet du BRICS, qui se tiendra à Durban, en Afrique du Sud, du 26 au 27 mars. Elle a annoncé qu’avant le sommet, et pour la première fois, “les dirigeants du BRICS se réuniront à huis clos avec environ 20 chefs d'Etat d'Afrique”.

“Les Etats membres du BRICS savent que investir en Afrique n'est pas de la charité – il n'y a pas meilleur endroit que d’être qu’en Afrique”, a-t-elle affirmé. “Ils savent qu'ils obtiendront de bons bénéfices pour leurs investissements, et de leur propre gré, ils ont choisi l'Afrique en tant que partenaire”.

Nkoana-Mashabane a ajouté que l'Afrique du Sud appellerait à des investissements dans les infrastructures en Afrique lors du sommet.