OUGANDA: Les réfugiés du Nord-Kivu espèrent y trouver la paix

NYAKABANDE, Ouganda, 9 mars (IPS) – Pendant que le jour se lève à Nyakabande, un village du sud-ouest de l'Ouganda, des gens s'alignent devant une tente d’accueil, épuisés et transportant seulement les quelques biens personnels qu'ils pouvaient amener par la frontière.

La plupart d'entre eux ont marché pendant des jours après avoir fui les différents groupes rebelles opérant dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), traversant la frontière pour se rendre au Centre de transit de Nyakabande, en quête d'une vie meilleure – celle qui est sans guerre.

“Le conflit dans l'est de la RDC ne finira jamais. Nous cherchons un meilleur avenir ici en Ouganda”, a déclaré à IPS, Ndagigimana Ndayambaje, peu après leur arrivée – lui, sa femme et leurs deux enfants – dans ce centre d’accueil des réfugiés de ce pays d'Afrique de l’est.

Ce n'est pas un voyage facile pour la plupart. Selon Dr Bruce Murray de 'Medical Teams International' (MTI), une organisation chrétienne de santé mondiale, basée au Centre de transit de Nyakabande, les femmes qui arrivent ici “souffrent essentiellement de violences sexuelles et de viol”.

“Les enfants souffrent principalement de la malnutrition, des maladies respiratoires et diarrhéiques. Le taux d'enfants infectés par la varicelle est très élevé”, a-t-il indiqué à IPS.

Depuis avril 2012, les combats dans la province du Nord-Kivu en RDC ont déplacé quelque 2,2 millions de personnes dans le pays et poussé près de 700.000 à fuir vers l'Ouganda et le Rwanda voisins, selon le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Mardi, le HCR a lancé un appel pour près de 70 millions de dollars de dons afin d’aider ces citoyens congolais qui ont été déplacés par des combats opposant les forces gouvernementales aux différents groupes rebelles, principalement les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), le Mouvement du 23 mars (M23) et les Maï-Maï.

De décembre 2012 à février 2013, le nombre de nouveaux arrivants a été relativement stable dans le camp, en moyenne 50 à 100 personnes arrivent chaque jour. Mais le 1er mars, entre 1 heure et 5H du matin, des combats internes au sein du groupe rebelle M23 ont entraîné un nouvel afflux de réfugiés. Les premiers estimés à environ 4.000 réfugiés sont arrivés à 2H du matin, traversant par le poste-frontière proche de Bunagana. Le HCR, la Croix-Rouge ougandaise et la MTI ont eu du mal à fournir une assistance à un si grand nombre.

Ici, les combats se déroulent essentiellement la nuit, et les réfugiés arrivent au camp de Nyakabande le matin après avoir traversé le poste-frontière de Bunagana.

Un agent des frontières, qui s'appelait seulement M. Patrick, a déclaré à IPS: “Les gens sont libres de traverser la frontière des deux côtés dans la journée”.

Quand il a été demandé à Patrick si la police effectuait des contrôles de sécurité sur les arrivants, et si les responsables craignaient la contrebande de minéraux et d'armes, il a répondu par la négative.

Patrick a dit que, parfois, les rebelles du M23 traversaient la frontière pour entrer en Ouganda – sans armes et en tenue civile – pour faire des emplettes ou pour rendre visite aux parents.

Selon un rapport provisoire de l'ONU, obtenu auprès du Groupe d'experts sur la RDC, publié en juin 2012, cela laisse ouverte la question de savoir le degré d’implication du gouvernement ougandais dans des activités au-delà des lignes de ses frontières.

Se remettre en Ouganda Au centre de transit, les demandeurs d'asile sont enregistrés auprès de la Croix-Rouge ougandaise et du HCR. Ensuite, ils obtiennent le statut officiel de réfugiés et peuvent revendiquer les mêmes services qui sont disponibles pour les nationaux, y compris les services de santé gratuits et un permis de travail.

“Les rebelles du M23 venaient tous les jours et demandaient de la nourriture et de l'argent, menaçant de nous tuer si nous ne leur donnions pas ce qu'ils voulaient. Mais ici, en Ouganda, je peux même obtenir mon propre lopin de terre pour cultiver”, a affirmé David Byirangiro, un réfugié de l'est de la RDC.

Pendant ce temps, le Programme alimentaire mondial (PAM) a du mal à maintenir les fournitures de vivres, puisque le conflit au Nord-Kivu semble se poursuivre sans relâche.

Lydia Wamala, une porte-parole du PAM en Ouganda, a déclaré à IPS: “Même si nous avons eu quelques contributions des Etats-Unis, du Japon et du Royaume-Uni cette année, le PAM a encore un déficit de financement pour les réfugiés en Ouganda. Une grande partie de l'attention du monde est sur le Mali, la Syrie et autres, mais il faut que le monde sache que l'instabilité politique continue également en RDC”.

L'organisation a déjà commencé à réduire les fournitures de vivres de jusqu'à 50 pour cent dans les camps de réfugiés. Si le nombre de demandeurs d'asile continue d'augmenter, la situation pourrait empirer.

Et rien n'indique que cela finira tôt. Le samedi 23 février, un jour avant la signature officielle de l'accord de paix à Addis-Abeba, en Ethiopie, il y avait des informations indiquant la reprise des combats au Nord-Kivu.

Le 24 février, les dirigeants de 11 pays africains et le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, se sont rencontrés dans la capitale éthiopienne, Addis-Abeba, pour mettre un terme à la guerre dans l'est de la RDC. Les délégations ont également discuté du déploiement d'une force d'intervention sous l’égide des Nations Unies. Cependant, les principaux acteurs dans ce conflit – les groupes rebelles, en particulier les FDLR et le M23 – n'ont pas été invités aux négociations de paix.

Et les négociations n'offrent pas beaucoup d'espoir à ceux qui sont pris dans le conflit.

“Les négociations de paix sont complètement inutiles. Nous en avons marre de ce conflit qui semble ne jamais prendre fin”, a déclaré à IPS, Florence Mahirwe, une réfugiée.

Elle n'a pas espoir que le conflit dans son pays prendra fin bientôt, mais elle espère trouver la paix en Ouganda. “Je n'envisage pas de retourner en RDC. J’ai besoin de paix, de sécurité et de stabilité”.