NATIONS UNIES: L'agenda de l'eau risque d'être détourné par de grandes entreprises

NATIONS UNIES, 13 fév (IPS) – Alors que de nouvelles menaces de conflits potentiels sur des ressources en eau en diminution rapide dans les régions arides du monde augmentent, les Nations Unies commémoreront 2013 comme l'Année internationale de la coopération pour l'eau (IYWC).

La courtoisie des Nations Unies Mais Maude Barlow, présidente du Conseil des Canadiens et une ancienne conseillère principale sur l'eau du président de l'Assemblée générale de l'ONU de 2008 à 2009, prévient que l'agenda des Nations Unies sur l'eau risque d'être détourné par de grandes entreprises et conglomérats d'eau.

“Nous n'avons pas besoin que les Nations Unies fassent la promotion de la participation du secteur privé sous le couvert d’une 'coopération' plus grande alors que ces mêmes entreprises forcent leur chemin dans les communautés et font d'énormes profits à partir du droit fondamental à l'eau et à l'assainissement”, a déclaré Barlow à IPS.

En cette période de pénurie et de crise financière, a-t-elle dit, “nous avons besoin que les Nations Unies veillent à ce que les gouvernements s'acquittent de leurs obligations de fournir des services de base au lieu de les céder aux sociétés transnationales”.

L'organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), basée à Paris, qui a été désignée comme l’agence principale de l’ONU, a officiellement lancé l’IYWC lors d'une cérémonie dans la capitale française, lundi.

A New York, le secrétaire général, Ban Ki-moon, a prévenu contre les nouvelles pressions sur l'eau, notamment la croissance démographique et les changements climatiques. Un tiers des 7,1 milliards d'habitants du monde vivent déjà dans des pays à stress hydrique allant de modéré à élevé, a-t-il indiqué.

“La concurrence augmente entre les agriculteurs et les éleveurs; l'industrie et l'agriculture; la ville et la campagne”, a souligné Ban. En amont et en aval, et à travers les frontières, “nous avons besoin de coopérer pour le bénéfice de tous, maintenant et dans l'avenir… Mettons à profit les meilleures technologies et partageons les meilleures pratiques pour obtenir plus de cultures…” En décembre 2010, l'Assemblée générale composée de 193 membres a adopté une résolution déclarant 2013 comme l’IYWC, suite à une proposition faite par le Tadjikistan.

La Journée mondiale de l'eau en 2013, qui sera célébrée le 22 mars, sera consacrée à la coopération pour l'eau.

Barlow a déclaré à IPS que de grandes sociétés d’eau ont gagné en influence dans presque toutes les agences travaillant aux Nations Unies.

Le 'CEO Water Mandate', une initiative du secteur public-privé lancée par les Nations Unies en juillet 2007 et conçue pour aider les entreprises dans le développement, la mise en œuvre et la divulgation de politiques et pratiques durables de l'eau, met des sociétés comme Nestlé, Coca-Cola, Suez et Veolia directement dans une position d'influence sur la politique mondiale de l'eau et présente un conflit d'intérêts clair, a-t-elle expliqué.

“Les entreprises privées à but lucratif ne peuvent pas défendre l'intérêt public s'il est incompatible avec leur ligne de fond”, a souligné Barlow, qui est également fondatrice du Projet planète bleue.

Même le Rapport mondial sur le développement de l'eau est désormais recommandé par un groupe industriel sur “les affaires, le commerce, la finance et l'implication du secteur privé”, a-t-elle ajouté.

Tom Slaymaker, un analyste principal de la gouvernance à 'WaterAid', une organisation internationale non gouvernementale basée à Londres, a déclaré à IPS que les Nations Unies ont reconnu le “droit humain à l'eau et à l'assainissement” en 2010.

“Mais aujourd'hui, plus de 780 millions (de personnes) manquent d'approvisionnements améliorés en eau et 2,5 milliards ne disposent pas d’installations d'assainissement de base”, a-t-il ajouté.

L'Année internationale de la coopération pour l'eau 2013 sera une année cruciale pour les Nations Unies de réfléchir à la raison pour laquelle l'accès universel n'a pas encore été atteint, a-t-il dit.

Slaymaker a indiqué qu'il était aussi temps de réfléchir sur le type de leadership politique et les nouvelles formes de partenariat nécessaires pour accélérer les progrès vers l'accès universel comme faisant partie du cadre émergent de développement post-2015 des Nations Unies.

Selon les Nations Unies, l'objectif principal de l’IYWC est de sensibiliser, à la fois sur le potentiel d'une coopération accrue, et sur les défis auxquels la gestion de l'eau est confrontée à la lumière de l'augmentation de la demande pour l'accès, la distribution et les services de l'eau.

Depuis que l'Assemblée générale a reconnu le droit humain à l'eau et à l'assainissement, un nombre de pays, dont le Mexique, le Kenya, la Bolivie, la République dominicaine, le Rwanda, l'Ethiopie, l’Equateur, El Salvador, les Pays-Bas, la Belgique, le Royaume-Uni et la France, ont soit adopté des lois reconnaissant le droit à l'eau ou modifié leur constitution pour le faire.

Le Vatican a récemment reconnu le droit humain à l'eau et a ajouté que “l'eau n'est pas un produit commercial, mais plutôt un bien commun qui appartient à tous”.

Et en juin 2012, les 193 Etats membres de l’ONU ont signé la Déclaration de Rio+20 qui comprend la reconnaissance du droit humain à l'eau et à l'assainissement comme un droit universel.