RD CONGO: Développer l’horticulture urbaine pour améliorer la nutrition

KINSHASA, 6 fév (IPS) – Une cinquantaine de producteurs, membres de l’Association agro-pastorale et piscicole de la N’sele (APPN), font des cultures maraîchères depuis 2006 sur 20 hectares le long de la rivière N’djili, à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC).

Dans les quartiers Pasa et Bibwa, de la périphérie de Kinshasa, IPS a visité fin-janvier le périmètre maraîcher de l’APPN, dont une partie leur a été donnée par la Fondation Olangi Wosho, responsable de l’église «Combat spirituel». Les maraîchers y ont creusé trois puits en 2009, pour avoir accès à l’eau destinée à l’arrosage. «A N’djili-Brasserie, un autre site exploité par l’APPN, nous produisons des tomates, des ciboulettes, des poivrons, du chou, des aubergines, des amarantes, des épinards et des feuilles de manioc», déclare Kokolo Mami, ingénieur agrovétérinaire et président de l’APPN. Selon Mami, ils avaient produit 11 tonnes de tomates en 2011 sur tous les trois sites – Pas-Bibwa et N’djili-Brasserie – contre neuf tonnes en 2010 et sept tonnes en 2009. Mais en 2012, la production de tomates était tombée à huit tonnes. Ils avaient produit aussi en 2011 sept tonnes d’amarantes, 12 tonnes de feuilles de manioc, quatre tonnes d’épinard, deux tonnes d’aubergines et trois tonnes de safou. Selon Evelyne Mokango, une technicienne agricole, les membres de l’APPN cherchent à intensifier la production des légumes pour promouvoir leur valeur nutritionnelle. «Les gens consomment plus de produits congelés sans les légumes qui sont pourtant recommandés par l’Organisation mondiale de la santé et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture», affirme-t-elle à IPS. Mais, les maraîchers évitent d’utiliser des engrais organiques ou de développer une technique moderne pour accroître leur production. «Ils utilisent les déchets de riz décortiqué comme fertilisant. Cela donne des résultats satisfaisants dont sept tonnes d’amarantes, quatre tonnes d’épinards, deux tonnes d’aubergines et une tonne de poivron par trimestre depuis 2010 sur le site de N’djili-Brasserie», indique-t-elle. «Nous n’étions pas habitués à consommer des légumes ni des fruits», admet Lucie Mosampo, une vendeuse de vivres frais au marché Gambela, à Kinshasa. Elle reconnaît que les conseils des agents de services de santé ont énormément aidé à changer leurs habitudes alimentaires. Gilbert Mayala, nutritionniste et propriétaire d’un restaurant au centre-ville de Kinshasa, rapporte que la plupart de ses clients exigent toujours un plat accompagné de légumes. «Je profite du petit temps qu’ils passent avec moi pour leur parler de l’apport de tout ce qui pousse sur le sol et sur les arbres, notamment les légumes, pour la santé de l’Homme», dit-il.

Pamphile Engbolu, un consommateur de produits horticoles, affirme à IPS: «Nous connaissons bien la provenance de ces produits par leur état. Les légumes qui présentent du sable sont sans danger car ils sont cultivés dans de vastes espaces de la périphérie de Kinshasa». «Il est important d’éviter de consommer toujours des produits congelés si vous voulez vivre longtemps», conseille Dr Samuel Esala, orthopédiste à l’hôpital de Kintambo, à une femme souffrant de rhumatisme. De son côté, Dr N’Kuli Itombo, un médecin gynécologue dans le même centre médical, affirme que des cas de myomes, d’hypertension, de kystes ovariens sont liés à la consommation régulière des produits congelés. «Nos légumes sont sains car ils sont cultivés et récoltés naturellement», explique Mokango, exaltant le travail des femmes maraîchères dont la production des feuilles de manioc qui a atteint 14 tonnes dans les deux derniers trimestres de 2012 grâce à l’abondance des pluies. Elle ajoute: «Le revenu régulier que ces femmes tirent de cette activité leur permet de payer les frais de scolarité de leurs enfants et de disposer d’un compte épargne à la Trust Merchant Bank, une des banques de la place». Le message sur la consommation régulière des fruits et légumes a eu un écho favorable tant du côté des consommateurs que de celui des maraîchers qui essaient d’intensifier leur production pour permettre aux ménages de Kinshasa d’améliorer la nutrition dans leurs familles. Eugène Nduaya, du Service national de l’horticulture urbaine et périurbaine (SENAHUP), affirme que l’horticulture promeut la valeur nutritionnelle de ses produits. Maurice Kapita, un maraîcher qui exploite un lopin de terre le long de la rivière Musthioli, dans la commune de la N’sele, à Kinshasa, déclare percevoir 140.000 francs congolais (environ 150 dollars) par mois de la vente des feuilles de manioc. «Je profite de la proximité de la rivière pour arroser les jeunes pousses et cela me permet d’avoir toujours une quantité à vendre, même en période de pénurie sur le marché», explique-t-il à IPS. Selon le rapport 2012 du SENAHUP, l’activité horticole joue un rôle important dans les grandes villes congolaises. Sa contribution sera encore plus significative dans les années à venir, en fonction de l’expansion urbaine. L’horticulture offre aux populations l’opportunité d’améliorer la sécurité alimentaire, mais aussi des moyens de subsistance. Ce besoin est particulièrement ressenti chez les gens qui arrivent vers la capitale, fuyant la guerre dans l’est de la RDC. Venue de Goma avec ses trois enfants, Lucie Mwarabu témoigne: «Ma famille et moi vivons de la vente des légumes cultivés dans la concession d'un parent qui nous a offert l’hospitalité. Avec les revenus journaliers, quelque 15.000 FC (environ 15 dollars), nous assurons notre existence». Selon elle, cette activité leur a permis de quitter le camp des réfugiés pour vivre à Bibwa, près de Kinshasa.