LIBYE: La situation des droits humains est pire après Kadhafi

TRIPOLI, 17 juil (IPS) – “La situation des droits humains en Libye aujourd’hui est pire que sous l'ancien dictateur Mouammar Kadhafi”, a déclaré à IPS, Nasser al-Hawary, chercheur à l'Observatoire libyen des droits de l'Homme.

Hawary a montré à IPS des témoignages de familles dont les proches ont été battus à mort sous la garde des nombreuses milices qui continuent de contrôler une grande partie de la Libye.

“Au moins 20 personnes ont été battues à mort sous la garde des milices depuis la révolution, et ceci n’est qu’un chiffre modeste. Le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé”, explique Hawary, montrant des photos de corps ensanglantés qui accompagnent les témoignages.

Hawary n'est pas un fan du régime de Kadhafi. Cet ancien Salafiste et opposant politique de Kadhafi a été emprisonné à plusieurs reprises en tant que dissident politique par la police secrète de Kadhafi.

Hawary est sorti de ses périodes d'incarcération battu et ensanglanté, mais pas fracturé. Des choses encore pires sont arrivées à ses amis islamistes sous le régime de Kadhafi qui était farouchement opposé à l'intégrisme islamique.

Hawary a finalement fui vers l'Egypte où il est resté jusqu'à ce que la révolution libyenne du 17 février 2011 ait fait que lui et d'autres islamistes pouvaient revenir en toute sécurité.

Des actes de vengeance, assassinats et des enlèvements contre les anciens partisans de Kadhafi et les Noirs, que les rebelles considèrent comme ayant travaillé en tant que mercenaires pour Kadhafi durant la guerre, se poursuivent bien après la “libération” du pays.

Il y a plusieurs mois, Muhammad Dossah, 28 ans, a été enlevé par des miliciens armés au niveau d’un poste de contrôle dans la ville de Misrata, dans le nord, alors qu'il conduisait la voiture de son employeur, 'Forrestor Oil Company', de la ville de Ras al Amoud vers la capitale, Tripoli.

“Je ne sais pas s'il est mort ou vivant. Nous n'avons pas eu de nouvelles de lui depuis qu'il a disparu du poste de contrôle des milices et la police qui enquête sur sa disparition dit que la piste s'est refroidie”, indique à IPS, son frère Hussam Dossah, 25 ans.

La police a réussi à retrouver la voiture à travers plusieurs villes situées vers l’est de la Libye, mais la piste a pris fin là. Muhammad n’a pas été vu depuis ce temps, et sa famille ne sait pas ce qui lui est arrivé.

“Il pourrait avoir été enlevé parce qu'il est noir ou parce que les hommes armés voulaient la voiture qu'il conduisait. Nous sommes des Libyens, mais mon père est d’origine tchadienne”, affirme Hussam.

L’histoire de Hussam est l'un des nombreux récits d’enlèvements, de meurtres aléatoires, de torture et de vols puisque les miliciens continuent de prendre en main la loi.

Malgré la promesse du Conseil national de transition (CNT) de juger ou de libérer les plus de 6.000 personnes actuellement en détention, seules quelques-unes ont été libérées alors que les atrocités commises par les rebelles prorévolutionnaires ont été négligées.

Des milices armées qui contrôlent les rues et appliquent leur version de la loi et de l'ordre constituent un problème, même dans les grandes villes où le CNT a soi-disant repris le contrôle.

Des coups de feu ponctuent régulièrement la nuit à Tripoli, et parfois la journée. “Tous les jeunes hommes ici ont de fusils”, affirme à IPS, Suheil al Lagi, un ancien combattant rebelle. “Ils sont habitués à régler des différences politiques et petites querelles de cette façon, ou bien ils volent les biens des gens en utilisant des armes. Le taux de chômage élevé et les difficultés financières aggravent la situation”.

Alors que la sécurité est un problème à Tripoli, la situation dans les provinces est pire. Des miliciens inébranlables, débraillés vêtus de treillis militaires mal assortis, extorquent souvent l'argent des gens qui transitent par leurs points de contrôle, en particulier s’ils sont des étrangers ou des Noirs.

Le voyage de la frontière de Salloum, en traversant l'Egypte pour se rendre à Tripoli, implique la traversée de dizaines de postes de contrôle tenus par de nombreuses milices, qui comprennent des clans locaux avec des loyautés divisées.

A un point de contrôle à Misrata par lequel ce correspondant de IPS est passé, un milicien barbu a décidé que les étrangers subissent des tests du SIDA avant que leurs documents de voyage ne leur soient retournés. Seule l'intervention d'autres personnes a évité cela.

A un certain nombre de points de contrôle dans la région de Tobrouk, des migrants ouvriers égyptiens ont été contraints par des miliciens de payer des pots-de-vin atteignant 30 dollars chacun avant que leurs passeports ne leur soient retournés.

“Nous sommes conscients des difficultés auxquelles notre pays est confronté et tentons de résoudre les problèmes”, indique Hassan Issa, un membre du CNT, originaire de la ville d’Ajdabia. “Ce n'est pas facile pour nous de contrôler tous les groupes en ce moment”, déclare à IPS, Abdel Karim Subeihi, un membre du CNT.

“Ce n'est pas la nouvelle Libye pour laquelle nous nous sommes battus et nous pourrions être obligés de reprendre les armes si la corruption et la cupidité continuent. Cette fois-ci, contre le nouveau gouvernement”, prévient al Lagi.