OUGANDA: La surpopulation sur le Mont Elgon tue des centaines de gens

BUDUDA, Ouganda, 14 juil (IPS) – Le gouvernement ougandais dit qu'il expulsera les gens qui s'installent sur les pentes abruptes du Mont Elgon, dans le district de Bududa, dans l'est de l'Ouganda, puisque la croissance démographique y a entraîné une augmentation des glissements de terrain ces dernières années.

Dans le tout dernier glissement de terrain survenu le 25 juin, environ 100 personnes auraient trouvé la mort et jusqu'à 250 ont été portées disparues lorsque trois villages ont été emportés après de fortes pluies dans la région.

Au cours des trois dernières années, des glissements de terrain ont enseveli vivantes plusieurs centaines de personnes habitant sur les pentes du Mont Elgon.

En mars 2010, 365 personnes ont été tuées dans le district de Bududa lors d’un glissement de terrain. Cependant, avant cela, il y avait moins de décès dans la région. En 1997, 48 personnes ont été tuées dans un glissement de terrain.

Mais le nombre croissant de décès dus aux glissements de terrain n'a pas empêché les gens de s'installer ici. Le Mont Elgon, selon le Bureau des statistiques de l'Ouganda, a la plus forte densité de population de 1.000 habitants au kilomètre carré avec un taux de croissance démographique de 3,4 pour cent par an.

Beaucoup d'habitants ont hésité à aller vers des zones à basse altitude puisque certains estiment que le sol est très fertile pour l'agriculture, tandis que d'autres revendiquent des attachements culturels et historiques avec la montagne.

Toutefois, Dr Steven Malinga, ministre ougandais de la Préparation aux Catastrophes, a déclaré à IPS que le gouvernement est désormais déterminé à promulguer une loi l’autorisant à expulser tous ceux qui vivent sur les parties dangereuses de la pente de la montagne afin de les réinstaller ailleurs.

“Cet endroit a été l'une des zones les plus à risque concernant les glissements de terrain. Et ils deviennent plus fréquents et plus graves. Alors, un comité spécial du gouvernement a été formé. Ce comité fera le tour de la montagne pour sensibiliser les gens sur une réinstallation volontaire”, a expliqué Malinga à IPS.

Le récent glissement de terrain a laissé un grand vide dans la montagne de la taille de 10 terrains de football. Un monticule de terre mélangé avec des arbres d'eucalyptus, des drageons de bananes et des feuilles de tôle froncées qui faisaient autrefois partie des maisons des gens au bas de la montagne. Des corps humains et des carcasses de bovins sont ensevelis au-dessous.

Malinga a dit que si les gens ne veulent pas partir volontairement pour leur propre sécurité, le gouvernement utilisera la force.

“S’ils ne partent pas, nous n'aurons pas d’autres choix que de les évacuer de force. Nous utiliserons nos forces de sécurité, si nécessaire, pour faire partir ces gens”, a-t-il affirmé.

Il a ajouté que la constitution actuelle du pays ne permet pas au gouvernement d’expulser de force les communautés, même si elles étaient en danger.

“C'est pourquoi nous avons besoin d'une nouvelle loi autorisant l'évacuation forcée des personnes vivant en danger. Sinon, elles diront que leurs droits sont en train d’être violés”, a-t-il indiqué.

Plus de 600 personnes ont été réinstallées sur des domaines publics dans le district de Kiryandongo, dans l’ouest de l’Ouganda, après les glissements de terrain de mars 2010. Toutefois, Malinga a dit que beaucoup sont retournées.

“Ce genre de chose ne devrait pas se produire. Nous devons enseigner à nos gens que ce sont des zones à risque”, a-t-il déclaré.

Il a ajouté que le gouvernement aiderait ceux qui ne pourraient pas acheter des terres ailleurs.

Le directeur de la conservation dans la zone du Mont Elgon, Adonia Bintora, a indiqué à IPS que bien que les glissements de terrain surviennent dans le district de Bududa depuis le début des années 1900, ils sont susceptibles de devenir plus fréquents et plus meurtriers au fur et à mesure que la population augmente.

Bintora a souligné que la croissance démographique a exercé plus de pression sur la terre et la végétation naturelle, laissant le sol dénudé et donc vulnérable aux glissements de terrain.

“Alors, si les collines sont dépouillées de leur végétation, le sol devient saturé d'eau de pluie et par conséquent, il s’effondre facilement”, a expliqué Bintora.

Dr Mary Goretti Kitutu, une spécialiste des systèmes d’informations sur l'environnement à l'Autorité nationale de gestion de l'environnement de l’Ouganda, a étudié en profondeur les apparitions de glissements de terrain dans le district de Bududa et leurs causes.

Elle a expliqué que la surpopulation dans la région a exercé une pression sur les sols riches en argile puisque les habitants défrichent les forêts des collines pour le bois de chauffage et l'agriculture.

“Et quand il n'y a pas d'arbres avec des racines complexes pour maintenir le sol en place après des pluies constantes, alors vous vous retrouvez avec des glissements de terrain. Dès lors que les arbres sont enlevés, l'eau devient la seule force motrice vers le bas, et vous vous retrouverez avec des glissements de terrain”, a-t-elle souligné.

En dehors de l'abattage des arbres et du labour extensif de la terre, Kitutu a déclaré à IPS que la pratique consistant à empiéter sur les pentes pour la construction de maisons et de routes a déclenché la rupture des pentes.

Lorsque IPS a visité les zones touchées, il était facile d'observer des maisons construites sur des pentes excavées. Les arrières de ces maisons sont situés près de hauts murs de boue qui pourraient s’effondrer facilement.