KENYA: Une station de radio prône la paix dans le bidonville de Kibera

NAIROBI, 23 mars (IPS) – Dans un taxi minibus desservant Kibera, le chauffeur change de chaîne au moment où il tourne sur la 'Ngong Road' (rue Ngong), située à des kilomètres du bidonville de Nairobi, au Kenyan. Il capte la 'Pamoja Radio', 99.9 FM, une radio communautaire locale qui émet uniquement sur Kibera.

“Wacha tupate ushauri”, déclare en swahili le chauffeur au passager à côté de lui. Traduit, cela signifie: “Recevons quelques conseils”. “Chaque fois que je capte 'Pamoja Radio', j'apprends quelque chose de nouveau, une nouvelle leçon de vie. Ils discutent des questions familiales qui sont bien connues par la plupart d'entre nous, ils abordent les problèmes de chômage, et plaident notamment pour l'auto-emploi”, a indiqué ce chauffeur de taxi minibus, ajoutant que le week-end précédent, il avait écouté un jeune homme local expliquer comment il a réussi à se sortir de la pauvreté grâce à un prêt auprès d'une institution de micro-finance. C’est la mi-matinée, alors le présentateur local, Asmani Maringa, anime, et la chanson appelée “Umejuaje Kama si Umbea?” ou “Comment savez-vous que ce n'est pas du commérage?”, émanant des ondes, est l'une des chansons swahilies les plus populaires dans le pays. Elle provient d'un genre musical appelé 'Taarab', qui est populaire au Kenya et en Tanzanie. Pendant que la chanson s’éteint, la voix de Maringa vient réintroduire le thème du jour. “Au cas où vous venez de nous capter, nous discutons de la paix dans les familles. Je veux comprendre pourquoi les femmes dans certaines parties du pays battent leurs maris pour être rentrés tard”, a-t-il annoncé. Ce sujet, quoique déchaînant les passions, laisse des sourires sur les visages des passagers du taxi minibus, ou 'Matatu' comme ont l’appelle localement. Le sujet a fait la une des journaux il y a un peu plus d’un mois lorsque des hommes originaires de Nyeri, dans la Province centrale, ont été hospitalisés après que leurs épouses les auraient battus. “Nous utilisons des genres musicaux populaires pour introduire les sujets qui font la promotion de la paix parmi les habitants de la banlieue de Kibera”, a déclaré Adam Hussein, le fondateur et directeur général de la 'Pamoja Radio'. “A part les informations, toutes les autres émissions doivent avoir un thème de discussion, avec une possibilité pour les auditeurs de contribuer par des appels téléphoniques, 'Facebook' et des services de messageries courtes (SMS)”, a ajouté cet ancien journaliste. “Pamoja” est un mot swahili qui signifie “ensemble”. La station de radio a été créée en 2007 pour promouvoir l'unité entre ceux qui vivent à Kibera et autonomiser économiquement les jeunes de la région à travers l'éducation, l'information et le divertissement. La station est animée par neuf bénévoles de Kibera, et émet sur un rayon de deux kilomètres. 'Internews Network-Kenya', une organisation non gouvernementale qui est spécialisée dans la formation en journalisme, joue un rôle décisif en offrant une instruction gratuite sur les supports de diffusion à tous les bénévoles. Suite aux violences post-électorales qui ont secoué le pays vers la fin de l'année 2007, la station a eu du pain sur la planche en essayant de ramener la paix et l’entente dans la région. Après que le président sortant, Mwai Kibaki, a gagné les élections, les partisans du candidat de l'opposition, Raila Odinga, ont dénoncé une fraude électorale. Plus de 1.500 personnes ont été tuées dans les violences qui ont suivi et plus de 500.000 déplacées. “Etant donné que Kibera est dans la circonscription électorale d’où est originaire Odinga, il a été l'une des zones les plus volatiles où des maisons ont été incendiées, des êtres humains massacrés, et des biens détruits”, a déclaré Hussein. A l'époque, la direction de 'Pamoja Radio' consacrait une grande partie de son temps d'antenne à des messages de paix diffusés dans les différentes langues locales représentées à Kibera. “Nous avions réussi à maîtriser les violences dans une certaine mesure. Nous avions l’habitude d’inviter les habitants les plus furieux qui désiraient exprimer leurs opinions au public à travers un canal comme la radio. Nous avions promis de leur donner un temps d'antenne pour le faire. Mais à leur arrivée à la station, nous les invitons à une courte séance de conseils après laquelle nous les convainquions de passer à l'antenne et de prêcher la paix pour le reste de la communauté”, a expliqué Hussein. En conséquence, 'Pamoja Radio' a depuis ce temps élaboré des émissions et activités visant à promouvoir la paix au niveau communautaire et familial. Avec l’appui de l'Agence américaine pour le développement international, la station parraine également des tournois de football à Kibera “comme un moyen d'utiliser le sport en tant qu’instrument pour promouvoir l'unité”, a souligné Hussein. Outre le sport, la station met l'accent sur les problèmes qui touchent la vie quotidienne des habitants de Kibera. Nancy Mweu anime une émission appelée 'Mwanamke ni Mwangaza', qui signifie en swahili “la femme est une source de lumière”. C’est une émission à ligne ouverte en direct avec des invités qui sont des membres de renom de la société, ou qui ont vécu des expériences particulières qui, selon Mweu, doivent être partagées avec d'autres habitants. “Grâce à des expériences réelles de la vie dans l’émission, j'ai pu convaincre les femmes que malgré leur état de pauvreté, elles peuvent toujours réussir dans la vie. Que le planning familial marche, et que le fait d'être séropositif ne signifie pas une condamnation à mort”, a déclaré Mweu.