AFRIQUE DE L’OUEST: La subvention des engrais, une mesure nécessaire pour les agriculteurs

DAKAR, 24 jan (IPS) – Le gouvernement malien faits des efforts pour maintenir une subvention sur le prix de l’engrais tandis qu’au Sénégal, l’Etat l’a supprimée partiellement après plusieurs années d’aide financière à cet intrant essentiel pour l’accroissement des rendements agricoles.

Au Mali, le prix du sac d’engrais de 50 kilogrammes est maintenu à 12.500 francs CFA (environ 25 dollars), aussi bien pour le coton que pour les cultures vivrières, alors qu’au Sénégal, le gouvernement n’apporte son soutien financier qu’aux intrants de l’arachide.

Oumar Guindo, directeur de Toguna Agro-industrie, spécialisée dans la fabrication d’engrais, au Mali, déclare que même si l’Etat a mis en place, depuis deux ans, un système d’appui à l’engrais à hauteur de 25 pour cent, les usines de fertilisants sont confrontées au problème de matières premières.

«Les matières premières pour la fabrication d’engrais, comme le sulfate, l’ammonium, la potasse et le phosphate, sont importées. Leur prix est onéreux. Vivement que l’Etat subventionne chaque année l’engrais et aussi que les agriculteurs soient encadrés et formés» pour son utilisation, explique-t-il à IPS.

Selon Daniel Kéléma, directeur de l'agriculture au Mali, l’état végétatif des cultures au Mali est satisfaisant. “Nous avons effectué des visites dans les campagnes agricoles. Les paysans ont unanimement salué la subvention des engrais et des semences par l’Etat. Ils ont reconnu que cette intervention du gouvernement leur a permis de faire face aux charges des opérations de culture”, explique-t-il à IPS.

Tahirou Diarra, un agriculteur habitant le village de Tigagoni Wérékébougou, dans l'est du Mali, a souligné que sans la subvention des engrais et des semences, il n'aurait pas réalisé une bonne campagne agricole en 2011. Diarra et Kéléma étaient à Dakar, la capitale sénégalaise, pour un forum sous-régional sur l'agriculture, en janvier. Au Sénégal, par contre, la suppression partielle de la subvention gouvernementale a ouvert le marché de l’engrais au secteur privé, créant des problèmes aux agriculteurs. Pourtant, le ministre sénégalais de l’Agriculture, Khadim Gueye, soutient que le gouvernement a pris des mesures incitatives pour diminuer le coût de l’engrais. Selon lui, les prix officiels de l’engrais ont été uniformisés par l’Etat, après négociation avec les fournisseurs.

«Le prix de l’engrais, qui est la principale préoccupation des producteurs, est revu à la baisse par les Industries chimiques du Sénégal. Ces industries ont accepté de réduire de 15 pour cent le prix de ces intrants pour certaines cultures, comme le coton et le riz», indique Gueye.

Dans l’agriculture pluviale, explique-t-il, pour faire un hectare d’arachide par exemple, il faut dépenser en moyenne 35.000 à 40.000 FCFA (entre 75 et 80 dollars) en engrais et urée, alors que le coût de la semence du mil n’atteint même pas 1.000 FCFA (deux dollars).

L’Etat débloquera quelque neuf milliards de FCFA (environ 18 millions de dollars) pour soutenir la campagne des 60.000 tonnes d’arachide prévues en 2012, affirme Gueye. Il ajoute que le prix de l’engrais baissera cette année pour les différentes cultures: l’engrais de l’arachide passera de 8.250 FCFA à 6.000 FCFA (de 16,5 à 12 dollars) le sac de 25 kg; celui du mil tombera de 8.000 à 6.000 FCFA (de 16 à 12 dollars); et celui du maïs de 9.350 à 8.000 FCFA (de 18,7 à 16 dollars) le sac.

Toutefois, Abdoulaye Faye, maître d’étude du Programme de croissance économique, une institution du secteur privé, estime que le rôle que joue l’Etat dans la fourniture d’engrais pose des problèmes aux opérateurs privés pour la constitution de stocks à vendre. En plus des retards importants de remboursement de l’Etat aux privés agréés pour la vente de l’engrais, il influe également sur les offres, notamment au niveau des prix, explique-t-il à IPS. «Les fournisseurs trouvent que l’octroi des marchés publics par l’Etat entrave les règles de compétition. Le constat est que les importateurs importent peu sans une commande ferme préalable de l’Etat. Ils investissent peu dans la filière et n’ont pas de stratégie de promotion de leurs produits. L’environnement de la filière est donc caractérisé par de nombreuses faiblesses», ajoute-t-il.

Les acteurs du monde rural sénégalais, au cours d’un atelier de deux jours à la mi-janvier à Dakar, ont plaidé pour la suppression définitive de la subvention directe de l’Etat sur l’engrais au Sénégal, car une telle mesure favoriserait un accès plus équitable des producteurs aux différents types d’engrais.

«L’aide de l’Etat à l’engrais ne profite qu’aux intermédiaires et aux gros producteurs affairistes. L’Etat doit plutôt baisser la Taxe sur la valeur ajoutée à l’importation de l’engrais afin d’encourager les fournisseurs privés à augmenter leurs commandes. Une telle mesure pourrait contribuer à accroître la consommation d’engrais dans les superficies emblavées», affirme Penda Guèye Cissé, présidente de la Fédération des groupements et associations des femmes productrices de Saint-Louis, dans le nord du Sénégal. Selon Maria Wanzala, conseillère spéciale au Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), l’Afrique n’utilise que 17 kg d’engrais par hectare, dont à peine six kilogrammes en Afrique subsaharienne, contre 118 kg en moyenne dans le monde. «Les intrants coûtent trop cher, un agriculteur subsaharien doit payer deux à quatre fois le prix moyen constaté sur le marché, car il n’y a pas assez de production locale, les matières premières sont importées et le marché intérieur est trop étriqué pour séduire les investisseurs privés”, indique-t-elle.

Elle ajoute que l’Afrique est le continent où la productivité agricole est la plus faible, avec 1,22 tonne à l’hectare pour les céréales, contre 37,3 tonnes dans les pays industrialisés. “Il est donc important que les Etats prennent en charge la subvention de l’engrais pour une bonne productivité agricole».