KENYA: L’Eucalyptus, une plante efficace pour l'absorption du carbone

NAIROBI, 21 déc (IPS) – Sur une terre en pente abrupte dans le village de Thangathi dans la Province centrale du Kenya, Peter Nyaga observe son champ d'eucalyptus vieux de quatre ans. Il calcule la valeur de chaque arbre sur sa terre de deux hectares à l'échéance de trois ans.

Au prix courant du marché de 90 dollars par arbre, pour 600 arbres par demi-hectare, il totalise un montant qu'il pense pouvoir utiliser pour acheter une autre terre.

“Je les ai plantés il y a quatre ans comme un moyen de contrôler l'érosion du sol sur ce terrain en pente. Et là, ils sont déjà devenus de grand arbres que l'on peut utiliser comme bois, pour la production du charbon ou d'autres affaires”, a déclaré à IPS, ce père de trois enfants, âgé de 39 ans.

Alors que ses arbres peuvent constituer pour lui une source de revenu, Nyaga ne savait pas du tout qu’en les plantant, il aidait le monde à éliminer les gaz à effet de serre de l'atmosphère.

Pourtant, les conclusions non encore publiées d'une étude en cours par l'Institut kényan de recherche en foresterie (KEFRI) révèlent que l'arbre pourrait être utilisé pour atténuer l'impact dévastateur du réchauffement climatique.

L'étude vise à estimer la capacité de séquestration du carbone des trois espèces exotiques les plus courantes du Kenya, l'eucalyptus, le pin et le cyprès, par rapport au cèdre local – l'une des espèces autochtones les plus courantes dans la même zone.

Il ressort de cette étude que dans la Province centrale, une terre d’un hectare avec 840 eucalyptus saligna séquestre 337 tonnes de carbone sur une période de plus de huit ans.

La Suède, qui a été classée récemment comme le premier pays au monde dans la lutte contre le changement climatique en fonction de l’Index de performance 2012 relatif au changement climatique, produit 50.600 tonnes d'émissions de CO2 par an.

“Le résultat a été déterminé en calculant la quantité de carbone qui avait été séquestrée par les Eucalyptus saligna et deux autres types d'arbres exotiques: le Pinus patula (pin), qui séquestre 99,4 tonnes de carbone sur une période de 10 ans, et le Cupressus lusitanica (Cyprès), qui séquestre 73,3 tonnes de carbone en huit ans. Cela a donc été comparé aux espèces autochtones d'arbres de cèdre cultivées dans leurs zones écologiques favorites”, a indiqué Dr Vincent Onguso Oeba, l'investigateur principal de l'étude qui dirige également la division biométrique de KEFRI.

“Le cèdre autochtone (Juniperus procera), dans sa meilleure zone écologique dans la Province centrale, avec 587 arbres sur une superficie d'un hectare, était capable de séquestrer seulement 55 tonnes de carbone sur une période de 19 ans”, a ajouté Oeba.

Toutefois, l'arbre exotique d'eucalyptus n'est pas très accueilli au Kenya. En 2009, John Michuki, le ministre kényan de l'Environnement, dans une tentative d’atténuer l'impact de la sécheresse dans le pays, avait émis une directive selon laquelle tous les arbres d'eucalyptus qui poussent près des sources d'eau du pays doivent être déracinés.

Dans la Province centrale, certains agriculteurs, qui avaient investi dans les arbres d’eucalyptus améliorés, n’avaient eu d'autre choix que de les abattre. Toutefois, le champ de Nyaga a survécu parce qu'il était à plus de 30 mètres du ruisseau le plus proche. Au Kenya, la loi permet de planter des arbres exotiques à plus de 30 mètres d'un cours d'eau large de plus de deux mètres.

“Si vous plantez des arbres d’eucalyptus près du lit de l’eau, les racines vont sentir la présence de l'humidité, et vont donc ouvrir les stomates de façon très large entraînant la perte d’une grande quantité d’eau du sol”, a expliqué Muraya Minjire, un expert en pépinière qui travaille pour le 'Tree Biotechnology Project in Kenya' (Projet de biotechnologie de l’arbre au Kenya). “Mais si les mêmes arbres sont plantés dans une zone de haute altitude, ils sentiront la réduction de la quantité d’eau dans le sol, et refermeront donc les stomates autant que possible pour conserver le peu d'eau disponible”, a-t-il ajouté. (Les stomates sont des pores microscopiques à la surface des plantes terrestres. Ils agissent comme des passerelles pour des échanges gazeux efficaces et les mouvements de l'eau).

Actuellement, le KEFRI fait le suivi de la capacité de séquestration de carbone de 10 autres espèces d'arbres autochtones.

“Nous sommes également en train d'élaborer des équations acceptées à l’échelle internationale qui seront utilisées localement pour estimer avec précision la quantité de carbone qu’un arbre donné est capable de séquestrer de l'atmosphère, à un âge particulier, pour que ceux qui sont impliqués dans le business du carbone puissent comprendre le commerce”, a déclaré LCEO.

Selon l'étude, la quantification du carbone devrait provenir d'espèces spécifiques afin de renforcer les systèmes comptables des émissions de gaz à effet de serre.

“Nous avons également besoin d'inclure l'aspect des arbres dans les politiques d'adaptation au changement climatique”, a ajouté Oeba.

En attendant, Nyaga prévoit toujours de couper ses arbres une fois qu'ils seront matures.

“Mon objectif final est de les vendre à la Société nationale d’énergie électrique du Kenya comme des pôles de fourniture d'électricité quand ils auront sept ans”, a-t-il indiqué à IPS.

* Cet article fait partie d'une série soutenue par le Réseau de connaissance sur le climat et le développement.