Q&R: "D'ici à 2020, il sera trop tard"

DURBAN, Afrique du Sud, 13 déc (IPS) – Malgré le risque élevé, il est difficile de convaincre les politiciens de prendre des mesures immédiates pour empêcher d’éventuels changements climatiques et de rendre disponibles les fonds nécessaires à cet effet.

Les scientifiques ont à plusieurs reprises attiré l’attention sur les effets des changements climatiques – si les gouvernements n'agissent pas au plus tôt, cela provoquera une catastrophe irréversible.

Voici des extraits de l’interview que Régine Günther avait accordée à IPS un peu avant la fin des travaux de la 17ème Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, à Durban, en Afrique du Sud.

Q: Quelles peuvent être les conséquences si le 17ème sommet des Nations Unies sur le changement climatique à Durban se termine sans résultats concrets ni objectifs? R: Il y a plusieurs scénarios. Si les pays parviennent à prendre des engagements volontaires de réduction des émissions de carbone qu’ils avaient pris au cours des deux derniers sommets de Copenhague et de Cancun, nous allons constater une augmentation des températures entre trois et quatre degrés Celsius en moyenne. S'ils parviennent à lancer un processus à Durban qui mènera à des objectifs de réduction à forte échelle des émissions d'ici à 2020, nous pourrions réussir à ne pas dépasser une élévation de deux degrés Celsius.

Mais pour l'instant, cela semble inquiétant. Si nous continuons comme avant et nous ne mettons même pas en œuvre les engagements volontaires, nous allons atteindre une élévation dangereuse de température de six ou sept degrés Celsius.

Q: Que se passera-t-il si des températures moyennes augmentent de plus de deux degrés Celsius? R: Une augmentation de deux degrés Celsius a déjà des effets négatifs. Si nous allons au delà, le changement climatique deviendra dangereux. Les glaciers vont fondre, jusqu’à trois milliards de personnes souffriront de graves pénuries d'eau, principalement dans les pays en développement, nous pourrions perdre jusqu'à 30 pour cent de notre biodiversité, la sécheresse conduira à l'insécurité alimentaire, de vastes régions seront inondées en permanence, y compris les petites îles, et ainsi de suite. C'est pourquoi le changement climatique n'est pas seulement un problème environnemental. C'est une menace pour les moyens de subsistance et les économies.

Q: Tout le monde parle des effets drastiques du changement climatique sur les pays en développement. Quels seront en général les effets sur les pays du Nord? R: Rappelez-vous la vague de chaleur importante en Europe en 2003. C’était un été très chaud (avec plusieurs personnes décédées de coups de chaleur). Si nous ne parvenons pas à un contrôle du changement climatique, l'été de 2003 deviendra un été normal en 2040. En 2060, il sera considéré comme un été frais. Les Etats-Unis ont également ressenti l'impact de l'évolution des conditions météorologiques cette année, avec un nombre inhabituel d'ouragans et de tempêtes. Alors, le monde industrialisé connaîtra également beaucoup de changements et devra s'adapter.

Q: Beaucoup de gens des pays en développement devront-ils migrer, comme le prédisent certains scientifiques? R: Cela est fort probable. Et affectera également le Nord en général. Si la sécheresse et la famine augmentent dans le Sud, les gens seront incapables de continuer de vivre là. Et s’il y a des milliers et des milliers de migrants climatiques, la question est de savoir, bien sûr, qui pourra leur offrir un refuge. De nombreuses personnes attendront beaucoup du Nord.

Q: A quel moment sera-t-il trop tard d’agir? R: Si vous mesurez les dangers du changement climatique sur la base limite des deux degrés Celsius, nous devrons atteindre le pic des émissions de carbone mondiales au cours de cette décennie. Les scientifiques affirment qu’une réduction drastique des émissions de CO2 d'ici à 2020 serait encore une option, mais vraiment la toute dernière. Je crois que d’ici à 2020, il sera trop tard. Néanmoins, nous devons continuer à faire tous les efforts possibles, parce qu’il y a une grande différence si nous vivons dans un monde plus chaud de deux, cinq ou six degrés.

Q: Pourquoi pensez-vous qu’il sera trop tard pour les réductions d'émissions d'ici à 2020? R: Plus les émissions mondiales de carbone tendent vers le pic, plus forte doit être la tendance nécessaire des réductions. Il sera non seulement très coûteux, mais aussi extrêmement difficile d’atteindre ce résultat. Il y aura des moments précis où il ne faudra pas beaucoup de choses pour maintenir le changement climatique sous la limite des deux degrés Celsius. Une fois que nous aurons atteint cette limite, ce qui signifie qu'une certaine quantité de gaz à effet de serre se trouve dans l'atmosphère, le processus de tentative de réduction des températures prendra des décennies, parce que l'atmosphère réagit lentement aux changements.

Q: Pourquoi est-il si difficile de convaincre les politiciens d'agir, malgré ces scénarios d'horreur? R: Les facteurs prépondérants de l’action humaine contribuant au changement climatique, les industries de charbon, de pétrole et de gaz, sont les plus gros bénéficiaires de nos économies industrialisées actuelles. Ils travaillent avec de grands groupes de pression et d’importantes sommes d'argent contre la tendance visant à réduire leur part de l'économie.

Il est également important de noter que les politiciens sont élus pour quatre ou cinq ans, pas jusqu’en 2040. En quatre ans, les effets du changement climatique ne se ressentent pas très fortement. Les grands changements se situent dans l'avenir et viennent très lentement. En conséquence, il y a un fossé entre la réalité d'aujourd'hui et les connaissances scientifiques sur les effets du changement climatique si nous n'agissons pas.