BRESIL-AFRIQUE: Enseigner la diplomatie

RIO DE JANEIRO, 23 sep (IPS) – Les pays africains acceptent de plus en plus l'offre de formation de la part du Brésil dans l'art de la diplomatie, considérant ce pays comme un partenaire qui pourrait les aider à créer ou à améliorer leurs propres instituts de services étrangers.

“Chaque demande est analysée séparément pour évaluer la viabilité de l'offre d’un appui et d’une coopération dans ce domaine au pays intéressé”, a déclaré à IPS, Georges Lamazière, directeur général de 'Rio Branco Institute' (Institut Rio Branco), chargé de la sélection et de la formation des diplomates brésiliens.

“Chaque année, nous offrons des bourses à 15 étudiants étrangers pour aller à Brasilia, dont la plupart viennent des pays d’Afrique d’expression portugaise”, a indiqué Lamazière.

Une autre initiative récente, c’est le Cours pour des diplomates africains offert par la Fondation Alexandre de Gusmão du ministère des Affaires étrangères.

La deuxième édition de ce cours, qui se déroule du 12 au 23 septembre à Rio de Janeiro, est actuellement suivie par des délégués venus de 12 pays africains: Angola, Botswana, Ghana, Kenya, Namibie, Nigeria, Afrique du Sud, Soudan du Sud, Soudan, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe.

Selon le ministère des Affaires étrangères, l'objectif est de renforcer la coopération Sud-Sud et l'échange d'expériences à travers cette formation au cours de laquelle des cours sont donnés par des experts venus du Brésil ainsi que des différentes nations africaines.

Isabel Patrícia Ribeiro, la troisième secrétaire de la coopération bilatérale au département Afrique du ministère des Affaires étrangères de l'Angola, a confié à IPS: “Il est toujours bon de chercher l'expérience en diplomatie pour notre pays. Aujourd'hui, le Brésil et l'Angola coopèrent dans différents domaines, comme l'éducation, la construction civile et les infrastructures post-conflit”.

Cette jeune diplomate, la seule représentante de l'Angola – et de l’Afrique lusophone – dans la formation, a vécu au Brésil pendant huit ans, où elle a obtenu un diplôme d'études supérieures en relations internationales. Selon elle, il n'y a pas d’obstacles à la coopération bilatérale, et le Brésil n’agit pas non plus d'une manière impérialiste.

“Un pays qui a vécu des moments de guerre a besoins de partenaires; je ne vois pas cela comme une invasion. L'Angola doit faire preuve d'ouverture afin de se développer”, a-t-elle ajouté, se référant à la guerre d'indépendance de l'Angola à l’égard du Portugal de 1961 à 1974, et de la guerre civile de 1975 à 2002.

Bernard Kaporo Legoti, un membre du département Brésil au ministère des Affaires étrangères d'Afrique du Sud, a déclaré que le cours offert par le Brésil était, paradoxalement, un bon endroit pour rencontrer des diplomates venus de différentes régions d'Afrique et en apprendre sur les situations dans leur pays, qui varient énormément.

“C'est désormais l'occasion de se rapprocher les uns des autres et de s'asseoir pour débattre des autres questions que nous considérons comme étant discutables pour améliorer nos relations en tant qu'Africains”, a ajouté Legoti.

Par ailleurs, a-t-il affirmé, le Brésil et l'Afrique du Sud – en tant que membres du forum IBSA , avec l'Inde – pourraient acquérir une meilleure compréhension mutuelle des défis auxquels l'Afrique du Sud est confrontée dans des domaines comme l'économie, la santé et l'agriculture.

“Nous avons des problèmes avec le VIH/SIDA, peut-être que le Brésil partagera la façon d'obtenir des informations pour améliorer” la distribution des médicaments, a-t-il dit.

“Nous savons aussi que le Brésil a pris des initiatives pour réduire la pauvreté”, dont, a-t-il observé, son pays pourrait s’inspirer également.

Concernant les trois nations de IBSA, il a déclaré: “Je vois des relations cordiales; c'est une relation équilibrée… Il n'y a aucune hégémonie”.

Le Brésil a la deuxième plus grande population noire au monde, après le Nigeria, avec la moitié des 192 millions d’habitants qui se considèrent “noirs” ou “bruns” dans le recensement.

Et le Brésil a des relations avec tous les pays en Afrique, où il dispose de 37 ambassades.

Au total 19 des ambassades ont été ouvertes au cours des huit dernières années, durant les deux mandats de l'ancien président de la gauche, Luiz Inácio Lula da Silva (2003-2011), dont le gouvernement a mis une nouvelle priorité sur les relations avec cette région. “Aucun président brésilien n’avait jamais fait autant de voyages vers l'Afrique comme Lula: il a visité plus de 25 pays”, a souligné à IPS, Nedilson Ricardo Jorge, le directeur du département Afrique du ministère des Affaires étrangères du Brésil. “Ces visites de haut niveau ont ouvert des portes”.

Et dans la même période, 28 dirigeants africains ont visité le Brésil Ces liens impliquent une coopération marquée par la réciprocité, “en accord avec les exigences et les besoins du pays qui en bénéficie”, au lieu de la nature “unidirectionnelle” du flux de l'aide Nord-Sud, a-t-il expliqué.

“La coopération Sud-Sud apporte également des fruits au Brésil et est basée sur la solidarité et l'intérêt mutuel. Les domaines techniques dans lesquels le Brésil fait le plus de progrès sont ceux dans lesquels il existe une coopération avec d'autres pays”, a-t-il indiqué.

“Nous avons des visions qui diffèrent beaucoup de celles de certains pays sur la façon d'aider les autres à se développer. Nous ne croyons pas que ce soit par des opérations militaires, des sanctions, embargos ou autres types de pression. C'est par le biais de l'intégration, et non pas l'isolement”, a souligné Jorge.

Le Brésil lui-même a récemment abordé ou surmonté des problèmes semblables à ceux rencontrés aujourd'hui par les nations d'Afrique. “Il existe un dialogue plus naturel; c’est une différence importante. Le fait que nous n'utilisons pas la force militaire présente une grande influence”, a-t-il dit.