SANTE-OUGANDA: Quand les femmes ne trouvent pas les contraceptifs requis

MBARARA, Ouganda, 8 juil (IPS) – Lorsque l'injection contraceptive mensuelle que Bernadette Asiimwe, une mère de quatre enfants, recevait des centres de santé publics, dans l'ouest de l'Ouganda, était en rupture de stock pendant des semaines, elle était tombée enceinte de son cinquième gosse.

Au moment où Assiimwe a décidé d’acheter les contraceptifs et est allée à 'Reproductive Health Uganda', une association de planning familial, elle était déjà enceinte de quatre semaines. Asiimwe n'est pas seule, beaucoup de mères comme elle dans l'ouest de l'Ouganda ont eu des grossesses non désirées à cause des pénuries de contraceptifs généralement utilisés dans les installations sanitaires publiques. La 'Depo-Provera Contraceptive Injection' (Injection contraceptive Depo-Provera) est l'une des plus couramment utilisées.

Donata Muhereza, une conseillère à 'Reproductive Health Uganda', à Mbarara, a déclaré à IPS que l'injection contraceptive mensuelle qu’Assiimwe recevait est répandue parce que les femmes rurales la trouvent plus facile à utiliser par rapport aux pilules. Les femmes l’ont également préférée, a affirmé Muhereza, parce qu'elles pouvaient prendre le contraceptif à l'insu de leurs maris. Mais cette injection est rarement disponible dans les installations sanitaires publiques.

“Des mères viennent ici tard lorsqu’elles n’ont pas pu trouver leurs injections dans les hôpitaux publics. Quand nous leur faisons le test, nous constatons qu'elles sont enceintes. Nous ne pouvons pas les mettre sous une contraception. Alors, nous leur donnons des conseils et les laissons rentrer à la maison”.

Elle dit que c'est un problème courant qui se produit généralement lorsque les centres de santé publics manquent de ces deux injections contraceptives les plus utilisées. Muhereza a ajouté que des femmes sont soumises à la violence de la part de leurs maris lorsqu’elles tombent involontairement enceintes.

“Il arrive que le mari savait que sa femme était sous un contraceptif, mais vous constatez que les maris deviennent hostiles (quand ils découvrent que leurs épouses sont tombées enceintes). Parfois, ils maltraitent leurs femmes. A long terme, quand une mère n'est pas bien conseillée, elle a alors recours aux avortements clandestins”, a expliqué Muhereza.

Elle indique que les grossesses non désirées et les avortements à Mbrarara sont fréquents et que des amateurs effectuent la plupart des avortements. Environ 297.000 avortements sont pratiqués en Ouganda parce que la plupart des grossesses sont non désirées, selon une étude réalisée en 2005 par l'Institut Guttmaacher entre 2003 et 2005.

Un agent de santé au Centre de santé de Kakooba, qui a requis l’anonymat, a déclaré à IPS que le centre n'a pas reçu les trois types de contraceptifs couramment utilisés pendant environ deux mois.

“Nous sommes également dans un dilemme. Nous voulons aider les femmes parce que nous savons les dangers risqués lorsqu’elles ne prennent pas les pilules comme requis”, a-t-elle souligné.

“Nous leur donnons plutôt des préservatifs en leur conseillant de convaincre leurs maris d’utiliser cette protection jusqu'à ce que nous reconstituions les stocks. Mais certaines femmes sont incapables de convaincre leurs maris (d’utiliser des préservatifs), alors elles tombent enceintes”, a-t-elle ajouté.

Amoti Kaguna, directeur provincial de la santé à 'Mbarara District Administration' (Administration du district de Mbarara), a déclaré que les pénuries n’étaient pas répandues dans le district. “Nous sommes conscients du problème, mais il ne touche pas tous les contraceptifs. Nos conseillers suggèrent d'autres types de contraceptifs jusqu'à ce que nous reconstituions les stocks”.

Toutefois, les agents de planning familial ont expliqué que ce ne sont pas toutes les formes de contraceptifs qui conviennent à tout le monde. Par exemple, les pilules ne sont pas appropriées pour les femmes rurales parce qu’elles doivent être prises quotidiennement. La plupart des femmes rurales préfèrent prendre une injection contraceptive mensuelle. Theresa Wagama, une infirmière en chef dans le district de Bushenyi voisin, a confié à IPS que la situation là-bas n'était pas différente de celle de Mbarara. “Nous avons chance que certains centres de santé ont les [contraceptifs] injectables en stock, mais certains n'en ont pas; il est alors conseillé aux mères d'aller dans les autres centres de santé où le contraceptif est en stock”.

Elle a expliqué que la persistance des pénuries de contraceptifs était frustrante pour les maris qui ont soutenu leurs épouses dans le planning familial.

“Certains hommes ont commencé à soutenir leurs épouses dans le planning familial. Mais quand ils viennent et ne trouvent pas leur contraceptif préféré (disponible), ils sont frustrés et vous ne verrez plus jamais ces maris revenir ici”, a affirmé Wagama.

Eliab Tayebwa, le directeur de la santé de la reproduction et du VIH/SIDA dans le district de Bushenyi, a expliqué que le district a connu des pénuries de contraceptifs lorsqu’il y avait un retard de livraison de la part des 'National Medical Stores' (Magasins nationaux de distribution de médicaments).

“Les contraceptifs viennent dans des kits de médicaments comme d’autres produits. Ainsi, lorsque les kits n'ont pas été livrés, alors vous n'aurez pas de contraceptifs et d’autres médicaments”, a-t-il indiqué.

L'accès et l'utilisation du planning familial en Ouganda ont été identifiés comme l'un des facteurs dans la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) des Nations Unies d’ici à 2015, mais les progrès dans ces deux domaines ont été lents.

L'Enquête démographique et de santé de 2006 en Ouganda a montré que 41 pour cent des femmes dans le pays avaient besoin de contraception, mais ne pouvaient pas l'obtenir.

Dr Moses Muwonge, un expert en santé de la reproduction, a déclaré que le gouvernement n'était pas engagé pour les initiatives de planning familial, ce qui a conduit aux pénuries de contraceptifs. Muwonge a indiqué que seulement 600.000 dollars ont été alloués à l’achat des contraceptifs au cours de l’exercice financier 2010-2011.