NIGERIA: Le système sanitaire ignore les plus petits

LAGOS, 20 jan (IPS) – Malgré certains progrès, le Nigeria est en retard sur ses pairs dans la réduction des décès parmi les enfants de moins de cinq ans. Le taux de mortalité toujours élevé chez les enfants nouveau-nés est préoccupant – 700 enfants de moins de 28 jours meurent dans le pays chaque jour.

Le Nigeria a fait des progrès dans la réduction des décès parmi les enfants de moins de cinq ans. Bien qu’il y ait encore un long chemin à parcourir pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement, le taux de mortalité de cette tranche d’âge a chuté d’environ un cinquième depuis 1990. Un nouveau rapport publié par le ministère de la Santé du Nigeria reconnaît que le taux de mortalité chez les enfants a chuté d’environ un cinquième depuis 1990, mais que ce progrès a été inégalement réparti – avec des implications importantes pour la politique sanitaire. Sauver la vie des nouveau-nés Le rapport, intitulé “Sauver la vie des nouveau-nés au Nigeria”, constate que, chaque année, 241.000 bébés meurent dans le mois de leur naissance. “Plusieurs facteurs en sont la cause”, indique Dr Abimbola Williams de l’organisation non gouvernementale (ONG) internationale 'Save The Children' qui a été un partenaire dans la recherche. “La pauvreté y joue un grand rôle. De nombreuses familles ne peuvent pas s’offrir les services dans les centres de santé qui n’existent même pas parfois; et là où vous les retrouvez, la qualité du service est tellement mauvaise”. Une première édition de l’étude a été publiée en 2009; le dernier rapport met à jour de manière significative les conclusions avec une nouvelle base de données nationale montrant une large variation des taux de mortalité entre les régions urbaines et rurales. Dr Azebi Korikiye, qui a passé plusieurs années à travailler comme docteur dans les régions rurales, déclare que les femmes enceintes, en dehors des centres urbains, sont confrontées à des inconvénients majeurs. “Les populations rurales sont loin des centres de santé, contrairement à celles des milieux urbains. Les femmes enceintes des régions rurales sont moins disposées à aller aux soins prénatals; elles sont plus susceptibles de finir entre les mains des accoucheuses traditionnelles sans formation”. Plus de la moitié des 700 nouveau-nés qui meurent chaque jour au Nigeria, sont ainsi nés à domicile. Environ deux-tiers des femmes accouchent à domicile au Nigeria, selon l’enquête démographique et de santé de 2008 du pays. Malgré les risques connus, il n’y a pas eu une augmentation significative de la proportion des naissances qui ont lieu dans des centres de santé. Nécessité de changements Williams de l’ONG 'Save The Children' est optimiste que le rapport nouvellement publié peut aider à orienter le Nigeria vers la réalisation de son objectif de réduire la mortalité infantile. “Il faut ce genre de données pour faire des projets. Il en faut également pour avoir un changement de politique. Cela nous aidera à nous focaliser sur les interventions nécessaires”. Le Nigeria n’a pas été performant par rapport à d’autres pays d’Afrique. Malgré des revenus par habitant de moins de 500 dollars – le tiers de ceux du Nigeria – le Burkina Faso, l’Ouganda et la Tanzanie ont des taux de mortalité des nouveau-nés inférieurs à 35 pour 1.000 naissances vivantes. Le taux de mortalité des moins de cinq ans au Nigeria est de 157 pour 1.000 naissances vivantes. Le taux d’amélioration du pays est aussi à la traîne – des homologues comme le Cameroun et le Kenya ont réduit les décès des nouveau-nés de 40 pour cent environ au cours de la dernière décennie; le taux du Nigeria a aussi chuté, mais de 15 pour cent seulement. Williams affirme que la première édition a influencé un changement majeur dans la politique sanitaire en 2009, conduisant le gouvernement à mettre un accent renouvelé sur les nouveau-nés. “Le gouvernement a élaboré la Stratégie intégrée sur la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant – c’était la première fois que le gouvernement distinguait les nouveau-nés comme un domaine critique sur lequel il faut mettre l’accent”, a-t-elle indiqué. Mais Azebi estime qu’au-delà de la formulation des politiques au niveau national, le gouvernement nigérian doit veiller à ce que les autorités publiques les mettent en œuvre. “Certains des hôpitaux gérés par les gouvernements des Etats ne sont pas meilleurs que des morgues”, affirme-t-il. “Le gouvernement fédéral doit les contrôler efficacement afin de faire respecter les normes”, dit-il. 'Save the Children' invite le gouvernement à honorer sa promesse de 2001 d’allouer 15 pour cent du budget national à la santé. L’organisation préconise aussi l’utilisation de données locales pour orienter la prise de décision, la formation pour l’amélioration des pratiques communautaires autour de l’accouchement, la promotion d’une meilleure gestion des infections chez les nouveau-nés et des interventions comme les soins kangourou – où les bébés ayant un faible poids à la naissance bénéficient d’un contact peau à peau avec leurs mères: ce qui est utile, notamment là où les incubateurs et la fourniture régulière d’énergie sont absents. Les représentants des associations professionnelles des obstétriciens, des pédiatres et des sages-femmes ont répondu à l’étude avec un engagement exprimé d’améliorer la communication et la collaboration en leur sein, et de soutenir le plaidoyer, la collection de données et la répartition des tâches en vue d’une meilleure utilisation du personnel disponible. Le ministre de la Santé du pays a promis de créer une ligne budgétaire spécifique pour les soins aux nouveau-nés. Les ressources nouvellement indiquées seront destinées à soutenir la formation au niveau communautaire, et à six centres régionaux pour promouvoir les soins aux enfants ayant un faible poids à la naissance, entre autres. Le ministre a également promis de faire un rapport sur les progrès chaque année.