NIGERIA: Une nouvelle loi pour promouvoir le personnel local dans l’industrie pétrolière

LAGOS, 30 avr (IPS) – “Cette loi vise à répondre à l'impérieuse nécessité pour nous en tant que nation de faire participer des autochtones aux activités de l'industrie”.

C’est en ces termes que le président par intérim du Nigeria, Goodluck Jonathan, a promulgué la Loi sur le développement de l’industrie nigériane du pétrole et du gaz.

Cette nouvelle loi vise à obtenir une participation plus grande des autochtones dans l'industrie nigériane du pétrole et du gaz qui, dans les cinq dernières décennies, a été dominée par les compagnies multinationales. Les services et les produits d’une gamme variée, qui ont été attribués par l'étranger, doivent être désormais fournis localement.

Par ailleurs, “tous les opérateurs et prestataires de services doivent prendre des dispositions pour des programmes de formation et de doublure ciblés afin de maximiser l'utilisation du personnel nigérian dans tous les domaines de leurs activités. Tous les opérateurs doivent par conséquent présenter des plans de formation détaillés pour chaque projet et leurs activités”, indique la nouvelle loi.

Cette loi a été saluée comme étant un développement positif dans l’industrie du pétrole et du gaz au Nigeria.

“Nous soutenons très bien la loi parce que nous voulons que les compagnies pétrolières fournissent des emplois aux Nigérians et permettent aux entreprises nigérianes de faire des travaux liés aux services pétroliers”, a déclaré à IPS, Comrade Elija Okubudo du Syndicat national des travailleurs du pétrole et du gaz naturel.

“Je pense que cette démarche est la bonne. L'industrie pétrolière est l'une des plus grandes industries dans le pays, mais elle ne touche pas vraiment la vie des Nigérians ordinaires”, a dit à IPS, Afam Edozie, un investisseur dans le capital-risque avec une gamme variée d'intérêts dont l'industrie pétrolière, basé à Lagos.

“La plupart des travailleurs hautement qualifiés viennent de l'étranger et toutes les activités se déroulent dans les criques sans création d'une grande valeur. L'industrie pétrolière ne devrait pas seulement porter sur l'extraction mais elle doit également fournir l’opportunité d'emploi et de profit pour les Nigérians”, dit-il.

Le delta du Niger, source de milliards de dollars de pétrole depuis que la production y a commencé en 1957, est l'une des parties les plus sous-développées du pays. Et comme si cela ne suffisait pas, la surveillance environnementale laxiste et la recherche du profit des compagnies pétrolières multinationales ont conduit à des dommages environnementaux très répandus qui ont privé la communauté de pêcheurs et de fermiers des ressources productives dont elle dépendait auparavant.

La manifestation pacifique contre cette situation a atteint son point culminant au milieu des années 1990, mais elle a reçu comme réponse une brutale répression militaire et l'exécution de neuf leaders du Mouvement pour la survie du peuple ogoni, le groupe activiste le plus influent.

Depuis ce temps, les militants ont adopté la lutte armée contre le gouvernement, bien financée par la vente de pétrole piraté. La production de pétrole du Nigeria a parfois été sérieusement réduite par l'insécurité et le détournement de la production.

En octobre 2009, le gouvernement et la plupart des groupes de militants ont convenu d'un programme d'amnistie; des milliers de combattants sont sortis des criques, mais la mise en œuvre par le gouvernement d'un plan de démobilisation et de recyclage a été lente.

L’activiste Onengiya Erekosima craint que la trêve dans la région soit temporaire parce que le gouvernement n'est pas sincère au sujet de l’opération. “Vous avez encore des cas d'enlèvements ici et là, malgré le programme d'amnistie; c'est parce que beaucoup de militants ne font pas confiance au système”.

“Mon inquiétude pour l’instant n'est pas la nouvelle loi mais la façon de ramener la paix dans la région du delta du Niger. J'ai des inquiétudes pour les investisseurs. Quand il n'y a pas de sécurité, quand il n'y a pas de paix, les investissements peuvent être inutiles”, a-t-il déclaré à IPS.

Un porte-parole du plus influent des groupes armés, le Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger (MEND), affirme que cette loi ne va pas assez loin.

“La loi n'a pas abordé les questions essentielles qui ont conduit à l'agitation violente dans la région”, a indiqué à IPS, par courrier électronique, Jomo Gbomo, porte-parole du groupe. Le MEND et d'autres groupes dans le delta veulent que les communautés locales dans la région contrôlent les ressources pétrolières.

Les commandants supérieurs du groupe étaient parmi ceux qui ont participé à l'amnistie, mais Gbomo soutient que le groupe a encore les moyens de faire la violence. Le MEND a manifesté en mars lorsqu’il a fait exploser deux voitures piégées à Warri, la deuxième plus grande ville de cette région productrice de pétrole.

Pour les investisseurs locaux qui essaient de prendre pied dans l'industrie pétrolière du Nigeria, l'insécurité ne sera qu'un des nombreux défis à relever.

Pour tout enthousiasme au sujet des changements, Edozie estime que ce sera difficile de trouver le vrai calibre de personnel local pour occuper les postes que la nouvelle loi créera. “Je pense qu'il y aurait des problèmes initiaux dans le développement du vrai personnel”, a-t-il déclaré à IPS. “[Mais] ces problèmes seront réglés dans quelques années”.

L’autre problème, c’est la question de transparence dans l'attribution de blocs pétroliers aux entreprises locales par le gouvernement. La nouvelle loi donne la priorité aux gens du pays par rapport à leurs homologues étrangers dans l'attribution des blocs pétroliers.

Dans le passé, certains blocs ont été attribués à des entreprises locales dans des circonstances controversées. On a cru que certains ont été attribués par corruption alors que d'autres ont été cédés à des compagnies non qualifiées pour des raisons de clientélisme politique.