EAU: Un village swazi autosuffisant en fourniture d'eau

SIPHOFANENI, Swaziland, 14 avr (IPS) – Personne n'aime le distributeur de factures; et Sifiso Shongwe reçoit un accueil froid lorsqu’il va de ménage en ménage collectant l'argent pour le projet d’eau de la communauté de Maphilingo.

C'est une tâche ingrate dans la chaleur torride de la région de Lubombo, en proie à la sécheresse, dans la partie orientale du Swaziland. Shongwe est non seulement obligé d'éviter les chiens méchants dans plusieurs domaines tous les mois, mais il constate aussi que plusieurs personnes ne veulent simplement pas payer.

“Comme président du projet d'eau, je dois assurer que nous collections assez d'argent pour payer la facture d'électricité”, a déclaré Shongwe. “Mais cela n'arrive jamais”.

La plupart des 250 ménages dans cette communauté frappée par la pauvreté n’arrivent pas à payer régulièrement les cinq elangeni (environ 70 cents US) dus par ménage tous les mois pour la consommation d’eau et les frais d’entretien du système d'eau installé il y a seize ans par le ministère de l’Eau rurale.

Actuellement, les habitants de Siphofaneni, plus de 17.000, puisent l'eau d'un puits artésien qui a été conçu en 1994 pour durer seulement 10 ans. Avec l'augmentation de la population, a indiqué Shongwe, la consommation d’eau et les frais d’entretien ont augmenté de façon spectaculaire au fil des années.

“En 1994 nous avions l’habitude de pomper l'eau une fois par semaine, mais maintenant nous pompons tous les jours parce que la population a augmenté”, a dit Shongwe. “Outre la flambée des prix d’électricité, la pompe tombe en panne assez souvent parce que sa capacité est insuffisante pour les besoins de la population”.

Pour cette raison, les habitants ne sont pas autorisés à irriguer les jardins à l’arrière-cour avec l'eau de ce puits artésien. Ils ne peuvent l'utiliser que pour boire, faire la cuisine et se laver.

Shongwe collecte à peine 100 dollars tous les mois, suffisant à peine pour couvrir les coûts moyens mensuels de consommation. Cela s’empire si la pompe tombe en panne parce qu'ils doivent payer pour sa réparation.

Il n'est pas surprenant que cette communauté figure parmi les mauvais débiteurs de la Société d’électricité du Swaziland (SEC). De temps en temps, le prestataire de services coupe la fourniture d’électricité à la pompe. Il y a quatre mois, la communauté n’avait pas d'eau potable parce qu'elle devait à la SEC environ 500 dollars; Pendant ce temps, la pompe était tombée en panne et elle devait payer 700 dollars pour la réparer.

“Lorsque la SEC coupe l'électricité nous retournons au fleuve où nous buvons avec le bétail”, a déclaré Shongwe. “De cette façon, la communauté est exposée à des maladies d'origine hydrique”.

Une pompe à énergie solaire serait une solution, mais le système installé dans une communauté voisine a été volé et Maphilingo n'a aucune intention de faire la même erreur. En outre, une autre possibilité s'est présentée.

L'Entreprise de l’eau et du développement agricole du Swaziland (SWADE) est en train de construire des barrages desservant les communautés pauvres en appuyant l'agriculture commerciale de légumes et de canne à sucre. Mais cette société d'Etat veut également s'assurer que les communautés dans lesquelles elle opère disposent d’eau potable et d'infrastructures d’assainissement adéquates.

Selon Makhosi Dlamini, le spécialiste de l’eau et de l'assainissement de SWADE, 42 pour cent des projets d'eau en milieu rural à travers le pays ne sont pas opérationnels parce que les gens ne paient pas.

Le plan de la SWADE est d'aider les communautés à créer des jardins commerciaux. Les bénéfices de ces jardins potagers commerciaux, a dit Dlamini, payeraient d'abord la facture d'électricité et ensuite les fournisseurs des intrants agricoles.

“Cela fonctionnera de la même manière que les associations de canne à sucre opèrent. Par exemple, les producteurs de canne à sucre ne reçoivent leur argent qu’après que la banque a déduit toutes les dépenses”, a expliqué Dlamini. “C'est la raison pour laquelle la culture de la canne à sucre est un succès”.

Le projet de SWADE est conçu de telle manière que l'eau brute soit pompée à partir des canaux approvisionnant les plantations de canne à sucre et traitée par filtration lente à travers le sable. Les réseaux de distribution basée sur la gravité permettront l'écoulement de l'eau des réservoirs aux bornes-fontaines, éliminant la nécessité d’un autre pompage.

Dans une deuxième phase, la SWADE amènera l'eau à toutes ces fermes qui peuvent la payer et qui ne souhaitent pas faire partie du projet communautaire.

Ce programme ne concerne pas seulement l'accès à l'eau potable, a déclaré Dlamini, mais il aide également les communautés pauvres à lutter contre la pauvreté et à réaliser la sécurité alimentaire. L'eau du nouveau projet ira à la fois aux jardins potagers à l’arrière-cour pour la sécurité alimentaire et aux jardins commerciaux qui procurent l’argent pour payer les factures. Tout excédent de la vente des produits agricoles restera dans les poches de la communauté.

La SWADE est en train d’exploiter un lopin de terre pour l’expérimentation à Siphofaneni afin de déterminer les légumes et les cultures qui sont favorables dans la région. Puisque l'herbe est arrachée pour la culture, les habitants ont déjà une idée de ce qu'ils vont cultiver dans leurs jardins.

“Tout ce que vous voyez ici est rentable de cultiver pour les habitants”, a indiqué Themba Matsenjwa, le superviseur du lopin de terre.

Déjà le lopin de terre est rouge avec des piments tabasco et des tomates, vert avec des épinards, du coton et du maïs non mûr. Tous les membres de la communauté bénéficieront d'une formation sur la façon de produire des cultures sélectionnées afin de recevoir toutes les chances de réussir.

Pendant que les ouvriers sont en train de ramasser les piments mûrs sur le lopin de terre, des jets d'eau pulvérisent les légumes. L'eau est puisée dans les longues rigoles qui traversent le barrage de l'autre côté du lopin de terre.

Mais commençons par le commencement, a déclaré Dlamini. Avant que les bornes-fontaines ne soient installées, et que les jardins des villageois ne puissent être faits, la SWADE a fourni à la communauté des matériaux pour construire des toilettes.

“A Maphilingo seul, plus de 200 domaines n'ont pas de toilettes”, a dit Dlamini. “Les gens sont tellement habitués à utiliser la brousse qu'ils n'ont jamais vu la nécessité de construire des toilettes”.

Et l'utilisation de la brousse a des conséquences importantes outre la promotion des maladies d'origine hydrique pour les communautés en aval. En tant que femme, a déclaré Phumzile Dlamini, une habitante, ne pas avoir de toilettes à la maison signifie non seulement avoir son intimité compromise, mais également être exposée à la violence sexuelle.

“Nous sommes chanceuses que personne n'ait été violée en se mettant à l’aise dans la brousse, contrairement à d'autres communautés”, a affirmé Dlamini.

Shongwe attend avec impatience que les membres de la communauté finissent la construction de leurs toilettes pour que l'activité principale puisse commencer. Et que ses visites mensuelles solitaires du village puissent prendre fin.