POPULATION-RD CONGO: Des Congolais refoulés de l’Angola dans des conditions humiliantes

KINSHASA, 26 oct (IPS) – Des dizaines de milliers de Congolais, refoulés de l'Angola par vagues entre juillet et octobre, ont passé des nuits à la belle étoile devant la mairie de Boma, une ville frontalière avec l’Angola dans l’ouest de la République démocratique du Congo (RDC).

Selon leurs propres témoignages, ces Congolais expulsés ont été dépouillés de leurs biens, violés, torturés, insultés au passage par des agents de la migration, de la police et de l’armée angolaises. A leur arrivée en RDC, plusieurs d’entre eux ont témoigné. «Ils m’ont ravi une partie de mes bagages qui contenait tout l’argent avec lequel je faisais mon petit commerce là-bas. Je n’ai pas été violée. Mais j’ai vu trois jeunes mères violées par des agents de la police angolaise pendant que nous quittions l’enclave de Cabinda sous des menaces et des insultes de ces agents qui ne nous ont même pas laissé le temps de ramasser tous nos effets», confie à IPS, Sofie Mavinga, une des personnes expulsées.

Mavinga affirme que «cinq d’entre ces agents ont entraîné les trois jeunes femmes dans des tentes construites pour la sécurité en pleine forêt» et qu’elle a «personnellement entendu ces femmes crier de douleur pendant qu’elles subissaient des sévisses», mais qu’elle «ne pouvait pas rester longtemps à suivre les cris de ces femmes ni aller à leur secours de peur de subir le même sort».

De son côté, Pablo Mpapa, un autre refoulé, a déclaré à IPS : «Ce sont les plus chanceux qui ont eu le temps de ramasser certains de leurs effets. La plupart d’entre nous ont été pris d’assaut très tôt le matin et n’ont pas été autorisés à avoir un peu de temps pour faire leurs bagages». Il a ajouté que «ceux qui ont eu le temps de faire leurs bagages, s’en sont vu ravir au sortir de l’Angola. J’ai vu au moins dix personnes à qui les agents angolais ont ravi des sacs et des valises». Mpapa a vécu cinq ans en Angola, travaillant pour le compte d’un comptoir de vente de diamants.

Cependant, leurs conditions d’accueil en RDC constituent un autre calvaire pour ces refoulés. Séverine Flores, porte-parole du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires au Congo a dit à IPS que «dans leur grande majorité, ces personnes ont été hébergées dans des familles d'accueil à Boma». Mais, «ceux qui ont réussi à traverser les 250 kilomètres qui séparent la frontière d’Angola jusqu’à Matadi, principale ville de la province du Bas Congo, et qui n’ont pas trouvé de familles d’accueil, ont simplement campé devant la mairie de la ville», affirme Cézarine Vazingila, une députée de la province. Elle regrette qu’”aucune mesure hygiénique et sécuritaire n’ait été prise par le gouvernement de la province”.

Pour l’instant, personne ne sait exactement le nombre total de ces refoulés d’Angola. Mais les ONG locales avancent le chiffre de 18.000 alors que les sources officielles de la province estiment qu’environ 16.000 Congolais ont été expulsés d’Angola depuis juillet jusqu’en octobre. L’absence de statistiques fiables des autorités de la Direction générale des migrations ouvre la voie à la spéculation. L’agence de presse angolaise citée par le Réseau d’organisations des droits humains et d’éducation civique d’inspiration chrétienne en RDC fait état de 1.148 Congolais refoulés du fait qu’ils étaient en situation irrégulière ainsi que 1.165 détenus. Mais, Cézarine estime que ce chiffre «est faux car les refoulés d’octobre sont déjà plus de 7.000».

Ces expulsions, qui soulèvent un grand remous au sein de la population congolaise, n’empêchent cependant pas certains d’entre les refoulés de nourrir l’espoir de retourner en Angola où, selon Jo Manzila – un refoulé – on a «la facilité de travailler et de gagner suffisamment d’argent pour un meilleur avenir». Sans dire exactement la nature du travail qu’il faisait en Angola, ce jeune Congolais de 27 ans est décidé à y retourner. Mais il accepte «de mettre à jour les papiers exigés par les services angolais afin d’être à l’abri d’un second refoulement».

Parmi d’autres refoulés qui voudraient retourner en Angola, figure Josué Malanda. Il a déclaré à IPS qu’il «ne saurait abandonner la femme avec qui il a vécu pendant près de trois ans ainsi que ses deux jeunes filles qu’il a faites avec cette femme». Pour sa part, Pinto Pita affirme qu’il a «été injustement expulsé» puisqu’il avait les documents lui octroyant une résidence régulière. Il a confié à IPS qu’il «compte saisir la justice pour le préjudice causé par cette expulsion». En réaction aux expulsions des Congolais, les autorités congolaises ont aussi renvoyé à la frontière quelque 30.000 Angolais dont la majorité avait fui la guerre civile qui sévissait dans leur pays depuis les années 1980 pour trouver refuge en RDC. Lambert Mende, porte-parole du gouvernement et ministre de l’Information et des Médias, a annoncé le 21 octobre devant des journalistes : «Les services d'immigration congolais avaient commencé, la semaine dernière, à expulser des Angolais vivant au Congo», indiquant que la RDC ne peut pas «accepter que ses ressortissants soient refoulés sans dignité, même s'ils sont en situation irrégulière». Le ministre a ajouté que «certains Congolais refoulés ont même été fouillés jusque dans leurs parties intimes» et que «d’autres ont subi des lavages d'estomac pour contrôler s’ils ne portaient pas des minerais sur eux». Mais suite à la réaction congolaise, les deux gouvernements ont décidé de suspendre les expulsions de part et d’autre.