POLITIQUE-ZIMBABWE: Il reste encore à voir sur le partage du pouvoir

HARARE, 8 oct (IPS) – On aurait pensé que la signature de l'accord de partage du pouvoir au Zimbabwe serait synonyme de sécurité pour que 20 partisans du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) se rassemblent pour célébrer l'événement dans un centre commercial à Buhera.

Mais les militants du MDC ont été arrêtés par la police dans ce centre rural, à 100 kilomètres au nord-est de Harare, et accusés conformément à l'une de la litanie des lois oppressives du Zimbabwe, la Loi sur l'ordre public et la sécurité (POSA), qui interdit le rassemblement de plus de 15 personnes sans l'autorisation de la police. Le MDC a réussi à arracher la majorité des sièges parlementaires dans la région, un ancien bastion de l'Union nationale africaine-Front patriotique (ZANU-PF). L'arrestation des 25 partisans du MDC est la preuve que le parti de l'opposition a encore beaucoup à négocier. L'accord politique signé le 15 septembre espère corriger ceci et d'autres lois pour abolir ces restrictions sur les libertés civiles et pour restaurer le respect des droits de l'Homme à travers la rédaction d'une nouvelle constitution. Mais trois semaines après la signature de l'accord, des incidents comme ceux-ci continuent de se produire.

Malgré cet accord politique, on n'a pas encore délivré à Morgan Tsvangirai, le leader du MDC, un nouveau passeport, bien qu'il ait fait la demande depuis trois mois après l'expiration de son passeport actuel. Des accusations de trahison planent encore sur la tête du principal négociateur de son parti aux discussions, Tendai Biti; beaucoup d'autres députés du MDC portent encore plusieurs chefs d'accusation. Les responsables de la ZANU-PF continuent de qualifier les dirigeants du MDC de marionnettes ou de traîtres dans les médias d'Etat. Le MDC a également rapporté de nouvelles attaques dirigées contre ses partisans aussi bien dans des zones urbaines que rurales. Dans une déclaration publiée le 28 septembre, le parti a indiqué que 61 de ses partisans vivant à Mbare, l'un des foyers politiques de Harare, ont été agressés dans un commissariat où ils avaient cherché refuge après avoir été violemment expulsés de leurs maisons par des supporteurs de la ZANU-PF. "Le MDC est en train d'être mené en bateau dans cet accord. La ZANU-PF et (Robert) Mugabe ne sont pas sincères parce que l'accord ne tombe pas en cascade sur toute la population. Sur le terrain, des gens continuent d'être arrêtés, on voit toujours la violence à travers le pays", a déclaré à IPS, Lovemore Madhuku, analyste politique basé à Harare. "Ce que le MDC a fait en entrant dans un tel accord défectueux est de trahir le peuple du Zimbabwe", affirme Madhuku, qui est également président de l'Assemblée nationale constitutionnelle, une organisation non gouvernementale luttant pour la rédaction d'une nouvelle constitution démocratique sous la direction du peuple au Zimbabwe. "Ils ont porté un coup aux normes de la lutte puisque nombre des choses pour lesquelles les gens se battaient ne viendront pas à travers cet accord comme Mugabe essaie seulement de gagner du temps". La violence contre les militants de l'opposition se poursuit également dans les zones rurales, où des travailleurs humanitaires sont encore la cible des violences politiques. L'aide humanitaire reste encore à parvenir aux nécessiteux malgré une levée de l'interdiction sur les activités humanitaires, imposée par le gouvernement du Zimbabwe avant le second tour de l'élection présidentielle du 27 juin. Pour aggraver les choses, une nouvelle vague d'invasions de fermes a été rapportée à travers le pays. L'Union commerciale des exploitants (CFU), un regroupement de fermiers commerciaux principalement blancs, a indiqué à IPS qu'au moins 35 fermiers blancs ont été expulsés de leurs propriétés par des militants connus de la ZANU-PF et des responsables du gouvernement dans les semaines qui ont suivi la signature de l'accord politique. "Les choses se sont aggravées progressivement. Il y a beaucoup de nouvelles invasions. De nouveaux fermiers entrent par effraction dans des maisons. Les régions les plus touchées sont les provinces du Manicaland, du Masvingo et du Mashonaland oriental, occidental et central", a affirmé à IPS, le président de la CPU, Trevor Gifford. Ces développements ne sont pas de bon augure pour l'une des priorités de l'accord : mobiliser des fermiers pour cultiver assez de céréales en vue de nourrir une nation affamée. Le Zimbabwe connaît une pénurie chronique de céréales et des agences humanitaires prévoient que près de cinq millions de personnes ont besoin d'aide alimentaire. Le Système d'alerte contre la famine (FEWSNET) de l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) a estimé que le Zimbabwe a besoin de 788.719 tonnes de céréales entre maintenant et la prochaine moisson en mai 2009. La signature de l'accord était considérée par plusieurs Zimbabwéens comme le début d'une amélioration. Mais les politiciens n'ont pas pu former un gouvernement à cause des disputes au sujet de l'attribution des postes ministériels clés. "Je ne vois vraiment rien sortir de cet accord, en réalité, il nous apporte plus de souffrance parce que d'autres personnes meurent actuellement de choléra et les pénuries d'eau et d'électricité se poursuivent, l'éducation s'effondre et pourtant nous pensions que les choses seraient réglées", a déclaré Ruth Chishava, une coiffeuse à Harare. Le MDC qui a gagné une majorité de sièges au conseil qui administre les capitales et les villes du Zimbabwe, se plaint également que le ministre de l'Administration locale sortant, Ignatius Chombo, s'ingère encore dans le travail des autorités locales, leur rendant ainsi difficile la tâche d'introduire leurs programmes. Les conseillers du MDC sont devenus des victimes d'une ingérence politique excessive dans l'accomplissement de leurs tâches quotidiennes de la part des responsables de la ZANU-PF dans diverses parties du pays. Le MDC est perturbé par le fait que ceci est contre l'esprit de l'engagement national", a déclaré Sessel Zvidzai, député du MDC et secrétaire pour l'Administration locale. La ZANU-PF dément les accusations d'ingérence et de violences politiques continues. "C'est difficile de régler des problèmes à travers les médias; même s'ils sont des problèmes légitimes, pourquoi le MDC ne peut-il pas les aborder par le biais des équipes de négociation dans l'esprit des discussions. Si cela est fait à travers les médias, nous ne savons pas si les problèmes sont exagérés ou pas. "Nous n'admettons ni ne tolérons la violence; si le MDC est sincère au sujet des problèmes, il devrait les présenter devant les équipes de négociation et les violences politiques se produisent entre les militants de deux partis", a indiqué à IPS, Bright Matonga, vice-ministre de l'Information et de la Publicité. Dans une interview à la radio nationale, le ministre de la Sécurité d'Etat chargé de la Réforme agraire, Didymus Mutasa, a également démenti les allégations de violence sur des fermes. "Nous avons arrêté l'année dernière d'émettre de nouvelles lettres pour les subventions agricoles". Malgré la persistance de la violence, le MDC insiste qu'il a réussi à ronger considérablement Mugabe et le pouvoir politique de la ZANU-PF et croit que le Zimbabwe est sur le bon chemin pour apporter le changement. "Ceci est une situation de compromis. C'est juste une mesure provisoire pour régler la crise sans précédent dans le pays. En vérité, l'accord ne nous donne pas tout ce que nous voulions. Mais ce que nous avons eu, dans l'esprit du compromis, est suffisant pour nous permettre de commencer à activer le programme de démocratisation et de stabilisation économique", a déclaré le porte-parole du MDC, Nelson Chamisa.