ZIMBABWE: Une société ''pas prête pour le leadership féminin''?

HARARE, 18 mars (IPS) – Des femmes font environ la moitié de la population du Zimbabwe. Mais, elles sont loin de représenter 50 pour cent de ceux qui sont en lice pour les élections générales de ce mois dans ce pays d'Afrique australe — une excellente préoccupation au sein des activistes de l’égalité de genre.

Aucun des quatre candidats à la présidence du scrutin du 29 mars n'est une femme; au cours du dernier scrutin présidentiel, tenu en 2002, Elizabeth Madangure avait rivalisé aux côtés de cinq autres candidats hommes.

Parmi les 730 candidats aux élections législatives, seulement 99 sont des femmes (13,6 pour cent), tandis que 63 des 195 candidats se présentant pour le sénat sont des femmes (juste au-dessus de 32 pour cent), selon les chiffres de 'Women in Politics Support Unit' (WiPSU), une organisation non gouvernementale (ONG) basée dans la capitale, Harare. Le Zimbabwe tiendra également des élections municipales à la fin de ce mois; toutefois, IPS n'a pas pu obtenir les statistiques sur le genre des candidats aux municipales au moment de la publication de cet article. Au cours des dernières élections législatives de mars 2005, 57 femmes étaient candidates pour le parlement sur un total de 273 candidats (environ 20,9 pour cent des candidats). Les femmes candidates représentaient 34 pour cent de ceux qui ont disputé les élections du sénat en novembre 2005 : 45 femmes étaient impliquées dans cette course, et 87 hommes (ces chiffres fournis aussi par la WiPSU).

Les statistiques sur le nombre de femmes qui ont disputé les dernières élections municipales en 2005, n'ont pas pu être obtenues. Cette année marquera la première fois où le Zimbabwe organise des élections présidentielles, législatives, sénatoriales et municipales le même jour, le résultat d'un amendement constitutionnel voté l'année dernière. Les élections générales se tiendront actuellement tous les cinq ans. "A partir de ces chiffres, on constate qu'il y a une énorme disparité (entre les femmes et hommes candidats) qui nécessite beaucoup d'attention", a déclaré Luta Shaba, directrice exécutive de 'Women's Trust', une ONG à Harare. L'ONG a été au premier plan de la campagne '50-50', une initiative pour amener les femmes à représenter la moitié des candidats en lice. "La question qui se pose est de savoir ce qui devrait être fait pour augmenter le nombre des femmes candidates. Elire des femmes au parlement signifie que des questions de femmes deviendront des questions nationales". Pour Rutendo Hadebe de la Coalition des femmes du Zimbabwe, un groupe qui chapeaute plusieurs organisations de droits, avoir plus de femmes candidates signifie lutter contre le chauvinisme au sein des partis politiques, et encourager des femmes à croire qu'elles peuvent disputer le pouvoir avec succès. "La société dans laquelle nous vivons semble ne pas être prête pour le leadership féminin", a-t-elle confié à IPS. "Mais nous disons en tant que mouvement, que nous continuerons de pousser".

La course électorale est en grande partie focalisée sur l'Union nationale africaine du Zimbabwe – Front patriotique (ZANU-PF) au pouvoir, la plus grande faction du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), et le Mavambo/Kusile de Simba Makoni — un regroupement également désigné comme 'Aube nouvelle'. Makoni, un ancien membre de la ZANU-PF et ancien ministre des Finances, a rompu les rangs avec le parti ZANU-PF pour défier le président Robert Mugabe. ('Mavambo' est un mot Shona signifiant "commencement", tandis que 'kusile' — de la langue Ndebele — signifie "aube"). Le MDC, principal groupe de l'opposition du Zimbabwe depuis plusieurs années, s'est scindé en 2005. Dans le cas de la ZANU-PF, 44 de ses 214 candidats aux législatives sont des femmes (20,6 pour cent) et 27 des 59 candidats au sénat (presque 46 pour cent).

Ces chiffres (les derniers disponibles au niveau de la Commission électorale du Zimbabwe ou ZEC, au moment de la publication) montrent que le parti a une certaine manière de tenir son engagement de 2005 d'augmenter la proportion de ses femmes candidates pour atteindre systématiquement 30 pour cent. "Dans des cas où nous avons des femmes qui se proposent d'occuper des postes politiques, elles sont confrontées… au choix entre consacrer des ressources familiales à la cause politique et nourrir la famille", a déclaré un membre de la Ligue des femmes de la ZANU-PF, qui a requis l'anonymat. "Des partis politiques font très peu de choses pour soutenir financièrement des femmes candidates, et c'est là où réside le problème". Une liste de candidats aux législatives et au sénat de la plus grande faction du MDC, dirigée par Morgan Tsvangirai, montre que ce parti compte 25 femmes parmi ses 209 candidats aux législatives (juste en dessous de 12 pour cent) — à côté de 18 sur 60 candidats au sénat (30 pour cent).

"Nous ne sommes pas contentes des statistiques sur les femmes dans cette élection", a affirmé Sekai Holland, secrétaire aux relations internationales de la faction, elle-même candidate au sénat. "Poursuivre le programme féminin… demeure un grand combat".

L'autre faction du MDC — présidée par Arthur Mutambara — présente 19 femmes pour le scrutin législatif sur un total de 144 candidats (13,2 pour cent). Des femmes représentent également six des 34 candidats de la faction au sénat (17,6 pour cent), selon les chiffres de la ZEC. Les statistiques publiées dans la presse locale par Mavambo/Kusile indiquent que ce regroupement présentera huit femmes parmi ses 51 candidats aux législatives (15,7 pour cent) — et trois femmes parmi ses neuf candidats au sénat (environ 33 pour cent). Ces élections verront tous les 210 sièges parlementaires en compétition, comparés aux 120 en 2005. Antérieurement, 30 sièges parlementaires supplémentaires ont été occupés en partie par des gens nommés par le président, portant ainsi le nombre total des parlementaires à 150. Concernant le sénat, 59 sièges sont à pourvoir (21 autres iront aux chefs traditionnels et aux gens nommés par le président, entre autres). Au départ, il y avait 60 sièges sénatoriaux en jeu pour l'élection; toutefois, l'un de ces sièges a déjà été gagné par un candidat du ZANU-PF qui a été élu sans opposition grâce à une nomination à la cour. Les candidats aux élections municipales disputeront 1.968 sièges.

L'Union interparlementaire indique que le Zimbabwe compte actuellement 24 femmes au parlement (16 pour cent des députés), et 24 au sénat — qui comprend actuellement 66 membres (soit environ 36 pour cent de femmes à la chambre haute). Selon la ZEC, 17 partis participent aux élections; le Réseau de soutien aux élections au Zimbabwe estime le nombre des électeurs à environ 5,6 millions.

Même si toutes les femmes candidates en lice aux élections législatives et sénatoriales de ce mois gagnent, le pays se verra toujours manquer de réaliser les objectifs régionaux concernant la représentation des femmes au gouvernement. Une déclaration de 1997 faite par la Communauté du développement d'Afrique australe a fixé au Zimbabwe et à d'autres Etats membres l'objectif de réserver aux femmes 30 pour cent des postes de prise de décision d'ici à 2005 — un objectif réajusté depuis à 50 pour cent. Le vote de ce mois intervient au milieu des troubles politiques et économiques au Zimbabwe, où l'hyper-inflation et le chômage ont appauvri la plupart des citoyens, et où la nourriture et les pénuries de carburant sont monnaie courante. Des violations des droits de l'Homme qui ont affaibli la crédibilité des élections précédentes se poursuivent, comme l'a indiqué Amnesty International dans un communiqué de presse du 24 janvier qui a raconté en détail une agression sur des personnes essayant de participer à un regroupement du MDC organisé par Tsvangirai. "La police arrête sans cesse et bat des défenseurs des droits humains et des activistes du MDC qui s'engagent dans des protestations pacifiques", souligne l'organisation de surveillance des droits.

"Amnesty International a corroboré des preuves de tortures et de mauvais traitements des activistes au moment de leur détention…" ajoute la déclaration. Mugabe, se présentant pour un sixième mandat (et au pouvoir depuis l'indépendance en 1980), accuse des nations occidentales de complot avec ses opposants pour ébranler le Zimbabwe, suite à une campagne de redistribution de terres controversée, qui a vu des fermes appartenant aux Blancs minoritaires, confisquées au profit de la réinstallation des Noirs sans terres. Un certain nombre de Zimbabwéens puissants sont accusés de confiscation de fermes au cours de cette campagne. L'Union européenne a réellement introduit des sanctions contre le Zimbabwe en réaction aux élections présidentielles problématiques de 2002; et, la situation dégradante dans le pays a poussé les Etats-Unis à faire autant l'année suivante. Toutefois, ces mesures impliquent des restrictions de voyage et des gels d'avoirs dirigés contre de hauts responsables, plutôt que des mesures contre des Zimbabwéens ordinaires. L'exclusion des équipes d'observateurs d'élections des pays critiques à l'égard du gouvernement de la ZANU-PF a approfondi les craintes selon lesquelles les prochaines élections ne seront pas libres et transparentes — puisqu'il y a des plaintes au sujet de la manipulation de la liste d'inscription des électeurs et l'insuffisance d'instruction des électeurs.