POLITIQUE-ZANZIBAR: Pour une troisième fois, pas de chance pour le partid'opposition

ZANZIBAR, 7 nov (IPS) – Le parti au pouvoir à Zanzibar a remporté une troisième victoire électorale consécutive dans une rude bataille qui a donné lieu à des avis partagés sur l'agitation attendue parmi les partisans à la base et sur les défis de gouvernance au milieu d'une telle violence.

La Commission électorale de Zanzibar a annoncé que le candidat de Chama Cha Mapinduzi (CCM) à la présidentielle, Amani Karume, a obtenu 53,2 pour cent des voix alors que son adversaire du Civic United Front (CUF), Seif Sharif Hamad, a totalisé 46,1 pour cent.

Zanzibar, constitué de deux îles, compte 50 circonscriptions électorales.

L'opposition a remporté tous les sièges à Pemba, alors que le CCM a raflé tout à Unguja, sauf une circonscription.

Le CUF, qui, il y a quelques jours, a prédit sa victoire, avait promis des manifestations à grande échelle si le gouvernement truquait la troisième élection en 13 ans depuis que la politique multipartite est revenue en Tanzanie et sur son territoire semi-autonome de Zanzibar. L'opposition croit maintenant que le gouvernement a falsifié les résultats de cette année.

Mais certains perçoivent ces menaces comme manquant de tonus. "Ils feront un peu de tapage et de bavardage et après, ils se tairont", a déclaré un membre du parti CCM au sujet de l'opposition zanzibari, qui est constituée du CUF et du Tanzanian Labour Party. "Cette année, il y a même beaucoup plus de soldats qu'il n'y avait la dernière fois".

Selon des estimations, le gouvernement avait envoyé entre 20.000 et 35.000 forces de police et de sécurité à Zanzibar.

"Ils peuvent manifester mais ils rencontreront des gens qui sont prêts à les disperser", a indiqué le membre du parti au pouvoir qui préfère garder l'anonymat. Malgré ses tendances politiques, il a mis en doute l'équité du vote du 30 octobre et craint d'être tué comme d'autres réformistes modérés, pour avoir critiqué le gouvernement. Il s'attend à ce qu'il n'y ait aucune grande confrontation entre les manifestants et la police à cause de la coopération insuffisante entre les groupes d'opposition à Zanzibar, et aucune perspective d'assistance extérieure puisque les îles de l'océan Indien n'ont pas de frontières avec d'autres pays africains.

D'autres ont une opinion différente de la conséquence immédiate de la réélection de Karume.

"Je m'attends à la violence à court terme, beaucoup plus grave que la dernière fois", a prédit Bubelwa Kaiza, directeur exécutif de 'Concern for Development Initiatives in Africa' basé dans la capitale tanzanienne, Dar es Salaam.

Des allégations de fraude ont suivi aussi bien les élections de 1995 que celle de 2000 – affirmations confirmées par des groupes de défense de droits. Un affrontement sanglant entre manifestants et autorités s'est produit trois mois après le scrutin de 2000. Human Rights Watch, l'organisation d'observation de droits, basée à New York, a déclaré que les forces de sécurité tanzaniennes avaient tué 35 personnes et blessé plus de 600 autres lorsqu'elles essayaient de contenir les émeutes de l'opposition.

Déjà, l'élection du 30 octobre s'est terminée par la fusillade d'un adolescent, plus de 20 blessés, entre 70 et 75 arrestations et des différences de voix principalement dans la ville historique de Stone Town, à la lisière de Zanzibar Town, la capitale. La police et les militaires ont lancé systématiquement des gaz lacrymogènes, des balles en plastique et des jets de canon à eau sur des manifestants du CUF.

"Ceux qui étaient impliqués dans la violence de 2001 – ils sont devenus plus forts", a affirmé Kaiza. "Ils ne craignent plus le système. Et ils disent ceci : 'Nous savons que la police a des fusils. Mais si l'un d'entre nous est tué par une balle de la police, nous ferons la même chose au reste des policiers'." Des observateurs croient que la victoire de Karume ne provoquera pas de murmures significatifs au sein de la communauté internationale.

Certains donateurs, qui financent environ 40 pour cent du budget de la Tanzanie, avaient averti que le pays perdrait sa crédibilité s'il n'organisait pas des élections libres et transparentes. Des groupes d'observateurs locaux et internationaux ont, toutefois, rapporté que les scrutins se sont déroulés sans à-coups, en général.

"Lorsque la stabilité reviendra, les choses reprendront comme d'habitude", a déclaré le partisan du CCM qui a requis l'anonymat. "C'est de cela qu'ils se préoccupent".

Par ailleurs, l'intérêt international pour Zanzibar a augmenté lorsqu'on a découvert, il y a quelques années, que Pemba avait des réserves pétrolières, rendant certains pays plus susceptibles de regarder d'une autre façon les questions démocratiques, a ajouté Kaiza.

Les sociétés civiles craignent que la plus grave conséquence à long terme de la réélection du CCM ne soit la stagnation politique. "Au lieu d'avancer avec le tableau d'ensemble – éducation, santé, installations sanitaires – (le gouvernement) sera en train de gérer des conflits, de se chamailler, de faire de la politique politicienne", a déclaré Kaiza.

Il a indiqué qu'entre 1995 et 2000, l'opposition avait choisi de ne pas prendre part à la plupart des activités politiques, y compris l'adoption des lois nécessitant un vote majoritaire au parlement. Une période de coopération a, toutefois, suivi les élections de 2000 parce que les groupes d'opposition croyaient que la prochaine élection serait transparente et sans violence, a-t-il expliqué.

Le sort de l'opposition, assaillie de toutes parts, est une autre question.

Kaiza a souligné que le CUF trouvera probablement une nouvelle stratégie de lutte pour regagner la crédibilité perdue. Au centre, se trouvera un projet de relations publiques pour réparer une image propagée par le gouvernement selon laquelle les membres du parti d'opposition sont faibles, non organisés et pauvres.

Le CUF peut également à l'avenir montrer au public "le côté sombre du gouvernement", a-t-il ajouté.

Toutefois, certains croient que le sort du leader du CUF, qui a perdu trois fois dans les élections, est beaucoup plus désespérant.

"Je sais avec certitude maintenant que les gens commencent par devenir critiques vis-à-vis de Seif Hamad", a déclaré Chachage Seithy Chachage, un professeur de sociologie à l'Université de Dar es Salaam. "S'il y avait une certaine sympathie, elle commence par être érodée".

Selon Chachage, Hamad a demandé aux Zanzibaris de célébrer sa victoire avant qu'il n'ait gagné, et est maintenant en train de contester les résultats au lieu de s'avouer vaincu devant Karume.

Le comportement peu coopératif de Hamad – en particulier si dans les prochains jours cela débouche sur une violence significative – peut coûter à son parti des voix dans les élections générales prévues pour la partie continentale, qui ont été reportées au 14 décembre après la mort d'un candidat politique, a ajouté Chachage.

Il a expliqué que la menace de l'opposition de boycotter le processus politique ne nuira qu'aux gens qui ont choisi le CUF pour amener la prospérité à Zanzibar, qui souffre de pauvreté et du chômage créés par la transition du socialisme au capitalisme.

Des perspectives plus sombres attendent Hamad : "Je crois que c'est sa fin. C'est la fin de son parti", a affirmé Chachage.

Karume, qui a refusé de former un gouvernement d'unité nationale permettant aux deux partis de partager le pouvoir, n'est pas irréprochable dans le refus de la guérison nationale de Zanzibar, a-t-il dit. Néanmoins, le CCM a ce qu'il veut – une garantie de règne dominant sur le territoire.