DEVELOPPEMENT-KENYA: Les communautés donnent un coup de main dans la luttecontre la criminalité

NAIROBI, 18 juin (IPS) – "J'ai été victime des pirates de la route trois fois durant les cinq mois passés. C'est un miracle si je suis encore en vie après les trois accidents horribles. Parfois, je pense que je suis en train de rêver", déclare Chris Namunyu, un banquier dans la capitale kényane, Nairobi.

Son expérience reflète celle de plusieurs autres habitants de cette ville – qui est parfois comparé à Johannesburg comme étant l'une des soi-disant "capitales du crime" d'Afrique. Toutefois, il y a environ un an, un certain nombre d'habitants ont mis en place un maintien d'ordre communautaire en vue de combattre la criminalité.

Kamanda Mucheke, l'un des activistes concernés, affirme que ce projet pilote – à Kiambu, à la périphérie de Nairobi – a donné des résultats prometteurs.

"Chaque semaine, nous attrapons environ cinq criminels endurcis que nous présentons à la police. Ceci montre visiblement que la communauté est capable d'identifier des criminels vivant en son sein, et peut ainsi prendre en charge sa propre sécurité", a-t-il indiqué à IPS.

L'arrestation d'un de ces citoyens s'est déroulée au début de ce mois lorsque Stephen Thuo Muchina, un criminel de Kiambu recherché, a été remis à la police. Cinq de ses complices et lui-même étaient recherchés en relation avec une série de cambriolages de banque à travers le Kenya. Selon Mucheke, des projets similaires de maintien de l'ordre sont actuellement mis en place dans d'autres parties du Kenya.

Mais en face des perceptions largement répandues selon lesquelles la criminalité était montée en flèche et était passée hors de contrôle, la police argumente différemment, attirant l'attention sur les dernières statistiques sur les crimes.

D'après les policiers, alors que 7.817 incidents ont été enregistrés en janvier de cette année, 6.575 cas ont été rapportés en février – une diminution de 15,8 pour cent. Toutefois, la police admet également que même si les vols, le viol, les agressions, les cambriolages, les vols de bétail, la piraterie de la route et le vol des véhicules automobiles a baissé – les meurtres ont augmenté.

"Ces chiffres montrent une baisse générale dans la vague de criminalité.

Nous essayons, mais nous ne sommes pas encore satisfaits. Nous voulons travailler plus dur pour ramener les chiffres de la criminalité à zéro..

Cependant, cela n'arrivera pas du jour au lendemain. Le public devrait nous donner le temps d'expliquer nos efforts", a dit à IPS Jasper Ombati, porte-parole de la police.

Les chiffres tendent à être insignifiants comparés aux reportages de la presse sur l'étendue de la criminalité. En avril 2004, un quotidien local a publié les images de 18 personnes qui avaient été assassinées en un mois dans différentes parties du pays, à sa première page.

Selon une source policière, la plupart des crimes enregistrés au Kenya se déroulent à Nairobi. Cette conclusion a été reprise dans une étude menée par le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) conjointement avec le Groupe intermédiaire pour le développement de la technologie – une organisation qui travaille pour accroître le nombre des technologies disponibles pour les secteurs désavantagés de la société.

L'étude de 2002, 'La criminalité à Nairobi', a montré que sur 10.500 sondés interrogés pour la recherche, 37 pour cent avaient été victimes de vol plus d'une fois pendant l'année écoulée. A peu près 18 pour cent avaient été physiquement agressés.

Quelle que soit la réalité, le fait que les gens perçoivent Nairobi comme étant un environnement hanté par la criminalité, peut refroidir l'enthousiasme des investisseurs ainsi que celui des touristes.

Makoto Asami, ambassadeur du Japon au Kenya, a dit à IPS dans un précédent entretien que des sociétés de son pays étaient en train de déplacer leurs affaires dans d'autres Etats de la région, en partie à cause de l'insécurité au Kenya. La triste ironie du sort est que cela affectera négativement le fort taux de chômage du pays – souvent cité comme l'une des principales causes de la criminalité.

Conscient de ces développements, le gouvernement tente de rendre plus efficace la police.

Un plan stratégique du service de la police envisage un certain nombre de réformes qui seront instituées jusqu'en 2007, pour améliorer la qualité du service fourni au public. Il cherche également à faire passer le ratio policiers-citoyens de un policier pour 1.150 habitants à un policier pour 650 personnes. Le ratio recommandé par l'ONU est de un policier pour 450 habitants.

Les bas salaires que les policiers perçoivent ont également fait l'objet de critiques, certains affirmant que ceci entraînera un moral bas au sein des policiers au mieux – et la corruption au pire. En fait, la police a été accusée par le public d'en rajouter au taux de criminalité en louant ses armes pour compléter le maigre salaire.

L'ancien commissaire adjoint de police, Alice Kagunda, a réfuté récemment ces allégations, affirmant qu'il était difficile que des armes de la police soient utilisées dans des crimes sans que cela ne soit détecté.

Des policiers ont également reçu une augmentation de salaire de 115 pour cent il y a moins d'un an.