MUSIQUE-BENIN: Un Rythme Traditionnel En Passe De Devenir Une Danse Nationale

COTONO, 22 oct. (IPS) – La modernisation d'un rythme traditionnel
au Bénin
vient combler l'absence d'une danse nationale typique dans ce pays
de
l'Afrique de l'ouest dominé par l'influence musicale étrangère.

Le rythme traditionnel dénommé le Tchinkoumin, a été modernisé
par Tohon
Stan un artiste béninois. Le Tchinkoumin est devenu le Tchink
System, après
que Stan y a ajouté des notes modernes qui font de cette danse un
rythme
national béninois.
Au départ, le Tchinkoumin, est un rythme traditionnel béninois
exécuté dans
la région centrale du Bénin, plus précisément à Savalou, ville
située à
environ de 300 km au nord de Cotonou.
Le Tchinkoumin était un rythme funèbre. Selon le vieux Ahissou, un
sage de
la ville de Savalou, "Le Tchinkoumin est une musique qui ne se
jouait à
l'origine qu'au cours des cérémonies funéraires. Lorsqu'on
entendait dans le
village le son de cette musique, c'était signe de malheur. Cela
signifiait
qu'il y avait une mauvaise nouvelle".
Du Tchinkounmin au Tchink System, Tohon Stan a dû faire quelques
réajustements techniques et phoniques pour avoir aujourd'hui la
musique qui
fait sa gloire et celle de son pays à travers le monde.
"Le Tchinkounmin s'exécute avec une grande gourde frappée à son
ouverture à
l'aide d'une peau d'animal taillée en forme d'éventail", indique
Tohon Stan.
On utilise aussi deux calebasses renversées dans deux seaux
remplies d'eau
(d'où le nom de rythme aquatique donné à cette musique). Les
calebasses sont
frappées à l'aide de deux baguettes comparables à celles
qu'utilisent les
batteurs. Ces deux instruments sont accompagnés par une cloche,
des
castagnettes et des tam-tams. C'est le mélange de tous ces sons
qui donne le
Tchinkounmin.
"J'ai pris le Tchinkounmin tel qu'il se joue dans nos villages,
avec des
instruments traditionnels. J'y ai ajouté des instruments
occidentaux tels
que les guitares, le saxo, le violon, et j'ai obtenu une musique
plus
raffinée et plus travaillée que le Tchinkoumin que j'ai appelé
Tchink System".
Pour arriver à ce résultat, l'inventeur du Tchink System, Tohon
Stan, a dû
consentir à quelques sacrifices.
"Au début, quand j'ai laissé les classes en 1978 pour faire
exclusivement
de la musique, je voulais avoir mon propre rythme. Je suis donc
allé faire
un séjour d'une année à Savalou, au berceau du Tchinkoumin pour
apprendre et
connaître cette musique.
Aujourd'hui au Bénin, le Tchink System passe pour être
pratiquement le seul
rythme béninois issu du mélange entre instruments traditionnels et
instruments modernes. Certes, ce n'est pas encore la musique
nationale. Mais
en l'absence d'une musique portant officiellement ce titre, force
est de
constater que le Tchink System fait office de musique nationale,
dans un
pays où l'influence musicale étrangère est très forte.
Le Tchinkoumin est une danse très particulière. Elle est très
virile et
souvent déconseillée aux femmes en début de grossesse ou dans leur
semaine
de cycle ovarien. C'est une danse qui fait appel aux mouvements de
tout le
corps.
"La chance du Tchink System est d'être une musique qui ne
ressemble à
aucune autre sur le plan international. Elle est unique en son
genre. Les
instruments avec lesquels elle se joue la distinguent de toutes
les autres
musiques et font en même temps sa particularité", affirme Jolidon
Lafia,
professeur de musique au Centre culturel français de Cotonou.
"C'est une musique polyrythmique. On y retrouve des sonorités
funk, reggae
et jazz. Si on arrivait à exploiter tout cela, conclut-il, le
Tchink System
connaîtrait un succès planétaire un peu comme le Soukous ou le
M'Ballakh",
indique Jolidon.
Il trouve que "c'est un rythme qu'on peut encore travailler et
améliorer
comme Youssou N'Dour a amélioré le m'ballakh au Sénégal".
Le m'ballakh est une danse traditionnelle sénégalaise rendue
populaire par
Youssou N'dour, le célèbre musicien sénégalais.
Jean Vodounon, également professeur de musique , ne conteste pas
ces
remarques. Cependant, il trouve que "Tohon Stan seul ne peut pas
développer
le Tchink System". Il pense que l'artiste a déjà porté ce rythme
béninois
jusqu'à un certain niveau de développement et "il faudrait
maintenant que
d'autres artistes ou chercheurs prennent la relève pour lui prêter
main forte".
Tohon Stan a acquis un succès notable hors du Bénin. Il ne
s'explique pas
véritablement les raisons de ce succès.
"Je crois que les étrangers adorent le Tchink System parce que
pour eux,
c'est nouveau. Ils n'ont jamais vu des gens danser avec le corps
tout
entier. Ils ne connaissent pas ça chez eux. Alors, du coup, cela
les emballe
et c'est parfois sans le savoir qu'ils se surprennent à imiter les
gestes
des danseurs".
Si la musique est enchanteresse, ce n'est pas toujours le cas pour
le
personnage qui l'incarne.
Beaucoup reprochent au précurseur du Tchink System, son look un
peu particulier.
Pour Anne, une étudiante, "Tohon Stan fait toujours de vilaines
coiffures.
Parfois, il laisse pousser une touffe de cheveux au milieu de la
tête et
cela le rend vilain."
Il est reproché aussi au personnage d'être trop gros et d'arborer
des
accoutrements hors du commun.
Si la plupart des observateurs trouvent que la musique de Tohon
fait
honneur au Bénin, le constat n'est pas le même sur place.
Dans les boîtes de nuits, les maquis(restaurants locaux) et débits
de
boisson de la capitale béninoise, c'est le rythme congolais du
"Ndombolo",
la Salsa afro-cubaine, le Zook afro-caribéen et autres rythmes
étrangers
qui tiennent la vedette.