ZIMBABWE: Le ministre des Médias rejette les affirmations de répression

HARARE, 14 sep (IPS) – Jonathan Moyo est l'architecte de ce que les critiques appellent des lois sur les médias les plus répressives du Zimbabwe, et la presse ici anticipe que les arrestations de journalistes et la répression des médias peuvent s’intensifier maintenant qu'il a été nommé ministre des Médias et de l'Information.

Mais ce professeur a rejeté ces inquiétudes et a déclaré à IPS que “les journalistes n'avaient rien à craindre sauf la peur elle-même”. “Tous les médias en vertu de la nouvelle constitution sont couverts et les journalistes devraient respecter l’éthique dans leur profession pour éviter d'être pris sur le mauvais côté de la loi”, a indiqué Moyo peu de temps après avoir prêté serment pour prendre fonction le 11 septembre. Il se référait aux articles de la constitution du Zimbabwe qui autorisent les journalistes à demander réparation légale.

Moyo avait servi auparavant dans le gouvernement du président Robert Mugabe de 2000 à 2005, occupant le même poste de ministre des Médias et de l'Information. Pendant cette période, il avait présidé à l'adoption de lois répressives pour les médias, y compris la Loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, qui autorise le parlement à superviser les activités des médias dans le pays. Il avait également mis en œuvre la Loi sur la sécurité et l'ordre public, qui donne des pouvoirs incommensurables à la police. Il a été renommé à ce poste le 10 septembre, avec un certain nombre d'autres loyalistes de Mugabe.

Mais Moyo a indiqué que tous les journalistes dans ce pays d'Afrique australe devaient se conformer aux lois du gouvernement.

“Les médias sont publics; je ne me soucie d’aucun média privé quelconque et s'il y en a, nous n'avons pas l'intention de nous engager avec lui. Mais tout journaliste qui traite des questions publiques et fait des reportages sur des affaires publiques fera partie de notre engagement en tant que gouvernement”, a souligné Moyo.

Toutefois, un grand leader du parti au pouvoir, l'Union nationale africaine du Zimbabwe – Front patriotique (ZANU-PF) a déclaré à IPS qu'il ne se reposerait pas tant que les journalistes qui salissent la réputation de son parti, ne sont pas traduits en justice.

“Maintenant, c'est au tour des journalistes peu scrupuleux et trop zélés, mais pour la plupart indépendants, de faire face à la musique après s’être efforcés de colporter des mensonges sur notre parti. La loi doit suivre son cours contre eux”, a déclaré à IPS, un membre supérieur du bureau politique de la ZANU-PF, qui a requis l'anonymat.

Des sources au sein de la police zimbabwéenne ont indiqué récemment à IPS qu'elle avait commencé à surveiller les médias indépendants.

“La police chargée de l’application de la loi et du maintien de l’ordre a intensifié son contrôle des médias dans le pays, essentiellement les médias indépendants, à cause de leur hostilité habituelle envers le gouvernement”, a indiqué à IPS, une source haut placée à la police à Harare, la capitale.

“Ils sont décidés à traduire en justice tous les journalistes malicieux”, a ajouté la source.

Malvern Tigere, un analyste politique, a affirmé à IPS qu’en nommant Moyo, Mugabe voulait réprimer les médias.

“Le retour de Moyo au ministère de l'Information est certainement désastreux et c'est un signe que Mugabe, connaissant l’hostilité historique de Moyo envers les médias indépendants, veut qu’il sème la panique au sein des journalistes indépendants et musèle les médias”, a expliqué Tigere.

Le directeur au Zimbabwe de l'Institut des médias d'Afrique australe, Nhlanhla Ngwenya, a déclaré à IPS: “Moyo maintiendra le statu quo et les lois répressives sur les médias se poursuivront sans grands changements, et les journalistes continueront d'être tenus de demander des autorisations avant d’exercer leur profession”.

Dewa Mavhinga, un chercheur principal de 'Human Rights Watch' en Afrique, a affirmé à IPS que le retour de Moyo “réduit à néant tout espoir de réformes positives sur les médias”.

“Le recyclage, par Mugabe, de Moyo et d'autres ministres de la vieille garde de la ZANU-PF, montre qu'il n'a pas d'appétit pour des réformes ou pour amener le Zimbabwe dans une nouvelle direction politique. Mugabe semble plutôt déterminé à s’assurer que, malgré le passage du temps, toutes les choses restent les mêmes”, a ajouté Mavhinga.

Simbarashe Mapedzamombe, un journaliste freelance, est l'un des reporters dans le pays, qui a peur pour les médias indépendants.

“La police dit qu’elle surveille nos activités; la liberté des médias ici est clairement en état de siège et nous sommes devenus méfiants envers les étrangers qui visitent nos bureaux ces jours-ci”, a déclaré Mapedzamombe à IPS, ajoutant que les journalistes ignoraient les motifs de la police.

La situation actuelle est aggravée par le fait qu’au début de ce mois, la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) a appelé à la fermeture de stations de radio étrangères dans la région, en particulier au Zimbabwe.

Le 2 septembre, Bernard Membe, chef de la Mission d'observation des élections de la SADC, dans un rapport final sur les élections du 31 juillet au Zimbabwe, a indiqué que les radios étrangères qui émettent dans le pays et la région, devaient cesser leurs activités, car elles étaient partiales par rapport aux lignes des partis politiques.

Il y a environ quatre stations de radio zimbabwéennes basées à l'extérieur du pays, y compris 'Short Wave Radio Africa' et 'Radio Voice of the People', qui sont basées au Royaume-Uni, et 'Studio 7', qui est aux Etats-Unis.

Le ministre de l'Information, Moyo, a affirmé que la SADC partageait des points de vue similaires avec le gouvernement zimbabwéen.

“Nous sommes ravis que la SADC et nous ayons une position commune et qu'aucun des membres de la [SADC] ne permettrait la violation de nos territoires par diffusion de la propagande contre nous”, a-t-il souligné.

Mais des groupes de défense des droits dans le pays ont prévenu que les arrestations de journalistes indépendants et les incidents de violations des droits de l'Homme vont s’intensifier si les radios étrangères qui émettent au Zimbabwe étaient fermées, puisqu’elles publient actuellement les violations des droits.

“Cela va certainement entraîner une escalade des violations des droits et une multiplication des arrestations de journalistes pour la plupart indépendants ici en l'absence de stations de radio critiques”, a souligné à IPS, Owen Dliwayo, chargé de programmes pour 'Youth Dialogue Action Network', un groupe local de pression pour la démocratie.