OUGANDA: 'La mélodie manquant dans le son du développement durable'

KAMPALA, 6 août (IPS) – Il est 10h26 à Kampala et une femme ougandaise se plaint du sexe opposé sur les ondes, dénonçant le comportement des hommes qui draguent des dames bien habillées en ville en oubliant leurs femmes.

Rose, une boutiquière mariée qui travaille au marché de Kiseka dans la banlieue de Kampala, en a marre des hommes qui flirtent avec des dames “apparemment élégantes” dans la rue, mais ignorent leurs propres épouses à la maison.

Son appel a provoqué un déluge d’autres appels sur la même question, avant que Mary n’appelle et ne change complètement le sujet. Elle n'a pas d’électricité dans sa région.

Bienvenue à la radio émettrice-réceptrice en Ouganda, Mama FM sur 101.7 qui, selon les fondateurs, est la première station de radio pour les femmes en Afrique, puisque tous ses postes de gestion clé sont occupés par des femmes. 'Mama Boda Boda', un spectacle populaire sur la station, est diffusé de lundi à jeudi entre 10 heures et 13 heures et est animé par Charles Kabanda, un batteur à temps partiel.

En août 2001, Mama FM a été lancée par la directrice exécutive de l’Association ougandaise des femmes des médias (UMWA), Margaret Sentamu Masagazi, et trois autres femmes.

C'était après qu’un rapport de faisabilité a montré qu'il y avait de la place pour une autre station de radio pouvant servir de plateforme pour les femmes et d'autres groupes mis à l'écart par les médias dominants.

L’UMWA décrit les voix des femmes comme la “mélodie manquant dans le son du développement durable”. Masagazi, qui est mariée et a deux enfants adultes, a déclaré à IPS que Mama FM porte ce nom “parce que chaque fois que votre mère vous parle, vous lui prêtez toujours une oreille”.

Pourtant, le contenu n'est pas limité aux voix et aux problèmes des femmes, bien que la chaîne cible principalement les femmes de la tranche d’âges des 15 à 45 ans.

“Nous avons dit qu'elle ne devrait pas être partiale envers les femmes parce que nous susciterons des problèmes avec les hommes et peut-être, les hommes n’écouteront pas la station puisqu’elle appartient aux femmes”, a indiqué Masagazi.

En effet, les hommes présentateurs à la station sont en réalité plus nombreux que les femmes, 12 contre neuf. Et quand il s'agit des “émissions au cours desquelles les auditeurs interviennent en appelant”, il y a plus d’hommes qui appellent que les femmes, selon Kabanda.

“Certaines hésitent encore, mais il est important (que les femmes aient un rôle dans les médias ougandais) parce que nous avons besoin d’entendre les deux sexes”, a-t-il expliqué à IPS.

Abu Mukiibi, 32 ans, qui travaille pour l'Institut africain des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants (UNAFRI) et vit à Nakawa, une banlieue de Kampala, a dit à IPS qu'il est un grand passionné de la station.

“Je suis un passionné de Mama FM depuis six ans. J'aime 'Mama Boda Boda'. Il encourage les gens à travailler et c'est intéressant”.

Combattre les stéréotypes des femmes à la radio et assurer une couverture équilibrée signifient une formation des deux sexes, a souligné Alton Grizzle, spécialiste des programmes en communication et en information à l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).

“Les recherches ont montré que mettre une femme à la tête d'une salle de rédaction ne réduit pas nécessairement les perspectives masculinistes”, a-t-il expliqué à IPS.

La radio est toujours de loin le moyen de communication le plus utilisé en Afrique, en Asie et dans d'autres parties du monde en développement, selon l'UNESCO.

L'étude du Baromètre 2012 des médias africains pour l’Ouganda a révélé que près de 68 pour cent des Ougandais s’informent quotidiennement à travers la radio. La plupart des Ougandais possèdent une radio, puisqu’un poste FM bon marché coûte environ 5.000 shillings ougandais (deux dollars), indique le rapport.

Auparavant, les femmes en Ouganda figuraient rarement dans les programmes de radio et lorsqu’elles l'étaient, elles étaient stéréotypées, selon un rapport 2009 de l'Université de Makerere impliquant Mama FM et deux stations commerciales locales, 'Ouganda Broadcasting Corporation' et 'Central Broadcasting Service'.

Mama FM, dont le slogan est “La voix à écouter”, a ses studios à Kisaasi, environ huit kilomètres du centre-ville de Kampala. Elle est financée par le Forum norvégien pour la femme et le développement (FOKUS), l'Agence norvégienne de coopération pour le développement (NORAD) et la Fondation de solidarité internationale, une ONG finlandaise. Radio Orakel 99.3 FM à Oslo, en Norvège, qui a été décrite comme la première station de radio pour les femmes au monde, a fourni un appui technique.

Aujourd'hui, Mama FM émet sur un rayon de 400 km, atteignant plus de 13 millions de personnes dans le centre, l'ouest, le sud-ouest et l'est de l'Ouganda. Masagazi a affirmé qu’un rapport 2007 de l’organisation 'Steadman Group' a noté qu’environ deux-tiers de la population du pays savait que la station existait et que près de 15 pour cent l’écoutait.

Les spectacles sont transmis en anglais et en kiswahili ainsi que dans neuf langues ougandaises, y compris le Luganda, pendant 18 heures par jour et sont pour la plupart en direct, et non préenregistrés.

Au nombre des sujets en vue, il y a les 'Okwerinda' (Problèmes de santé) samedi matin, qui se concentrent sur la santé de la reproduction, l'hygiène et le VIH/SIDA. Le programme de dimanche après-midi inclut 'Papa Mama Round Table' (Table ronde Papa Mama), un débat entre les hommes et les femmes sur la façon “d'améliorer les relations entre les sexes”.