ZIMBABWE: Des femmes au parlement changeront la vie des veuves

HARARE, 28 juin (IPS) – Lorsque Maude Taruvinga* votera dans les élections au Zimbabwe vers la fin de cette année, elle choisira la femme politicienne de sa localité car elle a placé ses espoirs pour un avenir meilleur sur la présence de plus de femmes dans le parlement de ce pays d'Afrique australe.

En janvier 2012, Taruvinga, 45 ans, a été victime des traditions patriarcales du Zimbabwe lorsque sa belle-famille l'a forcée à sortir de son domicile conjugal à Marondera, dans la province du Mashonaland oriental, après que son conjoint du droit coutumier est décédé sans laisser de testament.

“J'ai finalement décidé de quitter la terre de mon mari parce que je ne pouvais plus supporter le harcèlement. Personne ne pouvait m'aider. Même la police a pris le côté des parents de mon époux”.

“Beaucoup de veuves se retrouvent expulsées de leurs maisons par des parents cupides et abandonnent à cause d'un manque de connaissances et (parce qu’elles ne bénéficient pas) d’une protection de la part de la police”, a déclaré Taruvinga à IPS.

La Loi N°6 de 1997 sur l’administration des biens au Zimbabwe stipule que si un conjoint décède sans testament, le conjoint survivant hérite de leurs biens immobiliers. Avant cette loi, les biens du mari étaient dissous s'il est décédé sans laisser de testament.

Cependant, la directrice de l’Association des femmes juristes du Zimbabwe, Emilia Muchawa, a indiqué à IPS que bien que 86 pour cent des femmes du pays gagnent leur vie en exploitant les terres communautaires allouées à leurs maris par des chefs traditionnels, la législation est muette sur la question des droits des femmes à hériter de ces terres.

“D’habitude, les chefs allouent des terres aux hommes responsables de ménage, mais les femmes n’héritent pas automatiquement de cela à la mort de leur mari”.

“Elles peuvent être expulsées de ces terres lorsqu’elles deviennent veuves, quelles que soient les années qu'elles ont passées comme épouses. La plupart qui restent sur les terres le font grâce à la bonne volonté de leur belle-famille ou des chefs traditionnels. Les veuves sans enfants sont souvent expulsées, de même que les jeunes veuves qui refusent d'être physiquement 'héritées' par un homme parenté à leur mari défunt”, a-t-elle expliqué à IPS.

Actuellement, la nouvelle constitution du Zimbabwe, qui a été adoptée comme loi en mai, prévoit l'égalité des deux sexes, et les activistes qui ont parlé à IPS ont dit qu'il faudrait que les lois soient révisées pour refléter cette situation, et pour protéger les veuves qui s’étaient mariées selon le droit coutumier.

Des groupes de la société civile dans le pays croient que si davantage de femmes étaient élues au parlement du Zimbabwe, elles seraient plus bruyantes dans la correction de cette situation et d'autres pratiques discriminatoires contre les femmes.

L’Unité d’appui des femmes en politique (WiPSU, son sigle anglais), une organisation non gouvernementale qui cherche à accroître la participation des femmes dans l'élaboration des politiques et la prise de décisions, a lancé une “Campagne votez pour une femme” en prélude aux élections présidentielles.

Cette campagne vise à aider le pays à atteindre l'égalité entre les sexes conformément au Protocole de la Communauté de développement d’Afrique australe sur le genre et le développement.

Ce protocole renferme plusieurs clauses progressistes et 23 objectifs définis, y compris l'objectif selon lequel les femmes occuperont 50 pour cent des postes de prise de décisions dans les secteurs public et privé d’ici à 2015. Les femmes constituent environ 6,7 millions des 12,9 millions d'habitants du Zimbabwe.

“La 'Campagne votez pour une femme' permettra d'accélérer le nombre de femmes qui occupent des postes au parlement et au gouvernement local. Elle est destinée à sensibiliser la population en général à voter pour une femme dans l'espoir que les femmes au parlement amélioreront la vie des femmes à la base”, a déclaré à IPS, Fanny Chirisa, directrice de la WiPSU.

Marlene Sigauke, chargée des programmes au Centre de promotion de la femme africaine, une organisation qui travaille pour le développement de la femme africaine, a indiqué à IPS que les politiques et les manifestes des partis politiques sur l'égalité des sexes doivent être mis en œuvre pleinement.

“Les femmes au pouvoir devraient être en mesure d’élaborer des politiques solides sensibles au genre (qui profitent) aux femmes à la base”, a-t-elle affirmé.

Monica Mutsvangwa, vice-ministre du Travail et des Affaires sociales, a déclaré à IPS qu'il était temps de se battre pour les droits des femmes.

“La nouvelle constitution réserve des sièges pour les femmes et nous voulons saisir cette opportunité… pour améliorer leur bien-être”, a-t-elle dit. La constitution accorde au total 60 sièges de discrimination positive aux femmes dans le parlement du pays, constitué de 210 sièges et le sénat composé de 88 sièges.

“La constitution autorise désormais un quota de 18 pour cent pour la participation des femmes en politique. Nous allons donc utiliser cette constitution pour mettre en œuvre les politiques et transformer la théorie en pratique”, a affirmé Mutsvangwa.

Députée et présidente du Groupe parlementaire 'Regional Women' (Femmes régionales), Beatrice Nyamupinga, a déclaré à IPS que bien que le Zimbabwe soit signataire d'un certain nombre de conventions, le gouvernement a refusé de mettre en œuvre ces politiques.

“Beaucoup de victimes (veuves non autorisées à hériter des biens de leur mari) ont peur de signaler leur cas, de peur d'être jugées et interrogées par les autorités et la police. La nouvelle constitution comporte des dispositions pour l'égalité de genre et certaines clauses protègent les droits des femmes. Si les femmes elles-mêmes ne sont pas présentes au parlement pour s'assurer que les lois sont appliquées, alors, ces dispositions ne seront jamais adoptées”, a affirmé Nyamupinga.

“Seule une femme au parlement est capable de changer la vie d'une autre femme”, ajoute-t-elle.

*Le nom a été modifié pour protéger l’identité.