ZIMBABWE: De l’eau partout – mais pas d’alerte précoce en vue

GWANDA, Zimbabwe, 4 mars (IPS) – Muzeka Muyeyekwa originaire du village de Mapfekera, dans la province du Manicaland, dans l’est du Zimbabwe, se demande avec quoi il va nourrir ses trois enfants pour le déjeuner.

Les provisions de nourriture de base de la famille sont épuisées et elle ne peut pas les reconstituer puisque le pont qui traverse la rivière de Nyadira, qui relie ce village au monde extérieur et au centre commercial de Watsomba, a été emporté en janvier lors des inondations éclaires qui se sont répandues à travers le pays. La province du Manicaland, qui est frontalière avec le Mozambique, figure parmi les plus durement touchées puisqu’elle a enregistré près d’un mètre de pluie depuis la mi-janvier.

Cependant, quelques casse-cou villageois ont profité de cette catastrophe pour se faire rapidement quelques dollars en nageant pour traverser la rivière en crue avec des vivres – facturant le triple du prix ou plus pour les produits de base.

“Nous ne pouvons pas traverser la rivière pour aller au moulin ou obtenir des vivres de base”, indique Muyeyekwa à IPS. “Les seules denrées qui nous parviennent sont des produits coûteux apportés par les casse-cou”.

D'autres villageois disent que leurs vivres s'épuisent lentement et craignent que les autorités n'agissent assez vite pour réparer le pont.

Mais le président du conseil local de district, George Bandure, explique à IPS que le conseil mobilise des ressources pour la reconstruction du pont détruit.

La communauté de Mapfekera n'est pas la seule à avoir du mal à faire face aux fortes pluies inhabituelles dans la région.

Selon le dernier rapport sur le Zimbabwe du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, de fortes précipitations en janvier à travers le pays ont touché environ 8.490 personnes, “dont 4.615 personnes ont besoin d'une assistance humanitaire sous forme d'abris d'urgence et de produits non-alimentaires”.

L’Unité de protection civile du gouvernement estime que jusqu'à 5.000 personnes à travers le pays ont perdu leurs maisons dans ces inondations, alors que la police affirme qu’environ 100 personnes se sont noyées – toutes depuis la fin de 2012.

Près de 2.000 élèves dans les districts de Chiredzi et de Mwenezi, dans la province de Masvingo, reçoivent des cours au dehors puisque des pluies torrentielles ont récemment détruit des salles de classe dans 28 écoles.

Clifford Tshuma, un agriculteur dans la zone rurale de Gwanda, dans la province du Matabeleland Sud, se tient debout et regarde l'effet qu'une forte averse surprise a eu sur sa culture de maïs. Elle aplatit les tiges, laissant les plantes en ruine.

“Je ne l’ai pas vue venir”, déclare Tshuma à IPS.

Les experts du climat dans ce pays d'Afrique australe disent que le sort des populations rurales est aggravé par l'absence de systèmes suffisants de surveillance de la météo qui sont en mesure de fournir une alerte précoce sur les niveaux des précipitations.

“Le Zimbabwe se retrouve parfois moins équipé pour prédire (les inondations), mal préparé pour planifier et répondre aux inondations”, raconte à IPS, Sobona Mtisi, un chercheur sur le climat au Programme de politiques de l’eau du 'Overseas Development Institute' (Institut de développement outre-mer).

Cet institut s’est associé avec le gouvernement du Zimbabwe pour développer une politique sur les changements climatiques. “Les systèmes d'alerte précoce qui se focalisent sur les inondations ne sont pas encore bien développés, en particulier au niveau local. Tous ces facteurs font que le pays est toujours pris au dépourvu”.

Depuis la mi-janvier, de fortes pluies frappent les provinces du Matabeleland Sud et Nord ainsi que la province de Masvingo, qui sont traditionnellement considérées comme des zones sèches.

Selon les Services météorologiques du Zimbabwe, les provinces du Matabeleland Sud et Nord ont enregistré des précipitations d'environ 300 millimètres depuis le début de l'année – au moins trois fois plus élevées que les pluies attendues pour ces provinces.

“C'est beaucoup plus faible par rapport à d’autres provinces”, affirme à IPS, Tich Zinyemba, le chef des Services météorologiques du Zimbabwe, indiquant la province du Manicaland, qui est frontalière avec le Mozambique et qui a enregistré jusqu'à 1.000 millimètres de pluies au cours de la même période. “Mais [les précipitations dans le Matabeleland] sont toutefois exceptionnellement élevées pour ces régions arides”.

S’adapter à une nouvelle réalité Jusqu'au début des pluies à la mi-janvier, les provinces du Matabeleland Sud et Nord étaient en pleine sécheresse. Le quotidien local en ligne, 'Bulawayo24 News', a annoncé qu'entre juillet et décembre 2012, quelque 9.000 têtes de bétail dans la région du Matabeleland Sud ont péri en raison de la sécheresse en cours. Maintenant, elles périssent à cause des inondations qui ont suivi, a rapporté la publication.

“Les inondations sont des phénomènes récents au Zimbabwe, et à cet egard, le pays est encore en train de s'adapter à cette nouvelle réalité”, déclare Mtisi, expliquant que les inondations ont commencé à survenir dans le pays en 2000 lorsque le cyclone Eline avait balayé tout le sud de l'Afrique.

*Avec un reportage supplémentaire de Nyarai Mudimu dans la province du Manicaland.