MAURITANIE: Les sacs plastiques interdits pour sauver l’environnement

NOUAKCHOTT, 29 jan (IPS) – Les sacs et sachets plastiques sont interdits en Mauritanie, mais “la quantité de sacs de substitution distribuée est insuffisante”, déclare Rachida Ibrahim, gérante d’une pâtisserie dans un quartier chic de Nouakchott, la capitale.

Au total 100.000 sachets biodégradables ont été distribués, lors des premières journées de sensibilisation, en décembre 2012, dans la commune de Tevragh-Zeina, à Nouakchott, indique à IPS, Mohamed Ould Abdallahi, chef service pollution et déchets au ministère chargé de l’Environnement.

Déstabilisée par la mesure, la gérante de la pâtisserie se trouve obligée de livrer le pain sans emballage, constate IPS sur place.

Le gouvernement mauritanien a interdit pour compter du 1er janvier 2013, la fabrication, l’importation, la commercialisation et l’utilisation du plastique souple sur son territoire. Par cette mesure annoncée depuis juin 2012, avec un moratoire de six mois avant son application, les autorités veulent encourager l’utilisation des emballages biodégradables pour mieux protéger l’environnement. Des panneaux publicitaires géants vantant de tels emballages font leur apparition sur les avenues de la capitale et ailleurs dans le pays, pour appeler au respect de la mesure. Déjà à Nouadhibou, située sur l’océan Atlantique, au nord-ouest, les opérateurs du secteur de la pêche ont changé leurs emballages et utilisent désormais du plastique dur. Des agents du ministère délégué auprès du Premier ministre, chargé de l’Environnement et du Développement durable, ainsi que des officiers de police chargés de l’application de la mesure, sillonnent Nouakchott et les principales villes du pays pour veiller au respect de l’interdiction.

Désormais, la fabrication du plastique souple expose à une amende de 4.000 à 5.000 dollars, et de 200 à 300 dollars pour la distribution et l’usage de ce produit interdit. La mesure provoque un grincement de dents chez les industriels. “C’est de l’improvisation qui conduit au chômage et au gel des investissements”, affirme à IPS, Hamoud Ould Etheimine, secrétaire général de la Fédération mauritanienne des industries et des mines (FRIM).

“Le moratoire de six mois donné par le gouvernement ne suffit pas pour écouler le stock de plastiques. Les industriels ayant payé des machines coûteuses, spécifiquement pour la fabrication des sacs en plastique, doivent être dédommagés”, souligne-t-il, visiblement en colère.

Le secrétaire général du ministère chargé de l’Environnement, Yeslem Ould Lemine, explique à IPS que l’interdiction contribue à une gestion rationnelle et écologiquement saine des déchets, réduit les nuisances et les risques de pollution, améliore les conditions d’hygiène et de santé des populations.

Les usines de fabrication de sacs en plastique souple appartenant aux entreprises comme Plastrim et Limour Ould Weddad, ont cessé de fonctionner, a constaté IPS.

Au plan social, cette décision hypothèque certaines activités informelles où ce matériau est largement utilisé, comme la vente de la menthe et de la glace, généralement emballées dans des sachets plastiques, mais aussi dans l’esthétique où les femmes utilisent le plastique pour la décoration au henné lors des mariages.

“Il est impératif d’agir sur deux fronts: dédommager les fabricants et trouver des créneaux d’emploi pour ceux qui travaillent dans le secteur”, déclare Moktar Ould Towf, président de l’Association mauritanienne de protection du consommateur et de promotion des couches vulnérables.

Selon Etheimine, “Un procédé modifiant le comportement du plastique et le rendant oxo-biodégradable, en favorisant la rupture des liaisons carbones, peut servir de solution acceptée par les investisseurs”. Avec l’oxo-biodégradable, le sac plastique perd sa résistance mécanique, se fragmente, disparaît visuellement, puis se dégrade sans laisser de dépôt toxique, explique-t-il à IPS.

“Seuls 20 pour cent des besoins du marché en plastique souple sont fabriqués localement et le reste est importé”, indique Abdallahi à IPS. Le plastique pollue, tue les arbres, mais aussi les bovins qui l’avalent, et altère l’image des villes, souligne-t-il.

“Mon département et le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) organisent une vaste campagne de sensibilisation au niveau des communes de Nouakchott et des régions de l’intérieur pour persuader les populations et les fabricants de l’intérêt des emballages de substitution”, ajoute-t-il.

Mariem Diallo, chef de ménage à Sebkha, une banlieue de Nouakchott, veut utiliser encore ses sachets disponibles. “Qu’ils l’interdisent ou pas, j’ai stocké suffisamment de sacs en plastique pour conserver la viande dans mon réfrigérateur”, déclare-t-elle à IPS.

Claude Desrousseaux, directeur de l’exploitation à Pizzorno, une société française en charge de la collecte des ordures à Nouakchott, indique à IPS que les déchets domestiques ici sont estimés à “environ 225.000 tonnes par an et que le plastique représente 25 pour cent” de cette quantité.

“Le plastique ici est de plusieurs variétés et son recyclage est coûteux. Notre mission se limite à l’enfouissement hors de la ville, suivant les normes européennes”, dit-il à IPS. Le PNUD à Nouakchott exprime sa satisfaction. “C’est une mesure phare que notre institution appuiera pour la préservation de l’environnent mauritanien”, explique à IPS, Vah Ould Ibrahim, chargé de mission dans cet organisme.

Etheimine, de la FRIM, estime que l’Etat fait toujours la sourde oreille aux revendications des industriels sur leur dédommagement pour la perte de leurs équipements.

Le coût de deux unités de fabrication du plastique est de 25 millions d’euros. Elles emploient 357 personnes dont 30 cadres, a confié à IPS, Sidi Ould Aloueimine, directeur des urgences environnementales au ministère chargé de l’Environnement.

Des centaines de milliers de sacs de substitution ont été commandés à l’étranger, mais en attendant, certains usagers essaient de coudre leurs propres sacs en tissu pour s’en servir plusieurs fois, constate IPS.