CONGO: Des opérations pour sauver les enfants handicapés des pieds

BRAZZAVILLE, 7 jan (IPS) – Le gouvernement du Congo a lancé à la fin-décembre une quête de solidarité pour collecter 150.000 dollars en vue d’opérer 50 enfants de zéro à 14 ans, malades de pieds bots (malformés) en février prochain à Dolisie, au sud-ouest de Brazzaville.

“Ouvrons nos cœurs afin de sauver ces enfants des pieds bots. Que chacun donne selon ses moyens”, déclarait Firmin Ayessa, le directeur de cabinet du chef de l'Etat au lancement de la quête. Cet argent servira à la prise en charge de l’enfant malade et du parent accompagnateur à Dolisie.

Sabine Brigitte Mayinguidi, les bras croisés, assiste, silencieuse, au Centre de rééducation fonctionnelle de Brazzaville, la capitale congolaise, à la séance hebdomadaire de massage de son fils Judicaël, quatre ans, qui vient d’être opéré des pieds bots. Mayinguidi est satisfaite de l’évolution de la locomotion de l’enfant. “C’est encore très tôt, mais ça va. Il y a une grande différence avec la période avant l’opération. L’enfant essaie de poser ses pieds part terre, et ne marche plus que par les fesses”, souligne-t-elle à IPS.

Le kinésithérapeute Thomas Norbert Mbemba, chef de ce centre situé à Ouenzé, un quartier de Brazzaville, explique que le travail sur Judicaël consiste à accompagner l'opération chirurgicale pour permettre aux pieds de l'enfant d'être locomoteurs. “C'est faire que les petites déformations que le chirurgien n'a pas réussies, soient rattrapées”, et certains cas sont réglés par “les mobilisations, les massages et d'autres techniques”, indique-t-il à IPS.

Judicaël est l’un des huit enfants de Brazzaville qui ont bénéficié gracieusement, en septembre 2012, des opérations chirurgicales des pieds bots à l’Hôpital général de Dolisie. Grâce à l'appui technique et financier d'une fondation néerlandaise, dénommée 'Sur un pied d'égalité', 42 enfants venus de plusieurs départements du pays et de Brazzaville ont subi avec succès l'opération chirurgicale des pieds bots. Une cinquantaine d'entre eux ont reçu des appareillages orthopédiques pour leur rééducation à la locomotion. Le pied bot est une malformation congénitale du pays d’un enfant.

Avant ces premières opérations en masse et gratuites, un enfant de six ans, Jemétonne Mbani, avait déjà été opéré en 2009 à Brazzaville par Dr Antoine Koutaba. Il a aujourd'hui retrouvé l'usage de ses pieds. “Ce n'est vraiment pas une grande opération, en 90 minutes, tout le travail est fait et l'enfant retrouve ses pieds”, affirme Dr Koutaba, médecin congolais qui ajoute que “la chirurgie orthopédique est encore méconnue au Congo”.

Au centre de Ouenzé, environ 100 nouveaux malades sont enregistrés chaque mois, dont 40 pour cent sont des enfants, selon Mbemba. Accompagnée par son père, Emurielle Opa, une fille de 13 ans, née avec une malformation au genou, espère porter des chaussures comme les enfants de son âge. “Je veux marcher comme les autres filles que je vois dans la rue, me faire belle et porter les chaussures. Je ne fais pas beaucoup de choses comme mes camarades de l’école”, dit-elle mélancoliquement à IPS.

Plusieurs parents croient à la guérison de leurs enfants. “Je me disais que c’était perdu pour mon enfant, que c’était la volonté de Dieu. Mais avec les témoignages que je suis à la télévision, j’y crois maintenant”, déclare Serge Kanga, un habitant de Brazzaville.

Devant cette foule de malades, Mbemba et son équipe de 18 masseurs, kinésithérapeutes et autres éducateurs, ne paniquent pas. “Avant de commencer les soins, nous diagnostiquons d'abord le type de pied bot de l'enfant. Quand c'est souple, nous pratiquons les massages et la mobilisation. Mais, quand c'est rigide, nous appliquons sur l'enfant cinq à six plâtres tous les 14 jours pour gagner le varus”, explique-t-il. Quand la situation persiste, le malade est transféré vers le chirurgien qui fait une opération appelée Penothonie-percutanée, comme pour les enfants opérés à Dolisie. Parmi eux, il y a eu aussi certains cas sévères de poliomyélite, selon Dr Koutaba.

Mais, ces interventions chirurgicales coûtent très cher au Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville: 600 à 700 dollars par pied opéré. Or, la plupart des 8.071 enfants handicapés enregistrés en 2012 au Congo viennent de familles pauvres, indique Emilienne Raoul, ministre des Affaire sociales. Très peu de parents peuvent supporter un tel coût, car selon la Banque mondiale en 2011, 70 pour cent des Congolais vivent avec moins d’un dollar par jour. “Tout le monde n'a pas les moyens, si ce n'était pas ce programme gratuit, mon enfant ne serait jamais soigné”, déclare Mayinguidi.

Malgré son budget qui atteint cette année 4.117 milliards de francs CFA, (environ 8,2 milliards de dollars), le Congo ne consacre que neuf pour cent à la santé, ajoute la Banque mondiale.

La Fondation 'Sur un pied d'égalité' envisage de former des étudiants congolais en chirurgie orthopédique. Elle a doté l’Hôpital général de Dolisie d’un plateau technique orthopédique et d’une unité de fabrique de tricycle. Au Congo, 250.000 personnes vivent avec handicap et 63 pour cent naissent avec, tandis que 15 pour cent de ces handicapés sont des enfants, selon des statistiques gouvernementales.