Q&R: Des efforts pénibles pour promouvoir la liberté de la presse

JOHANNESBURG, 9 nov (IPS) – Pansy Tlakula, rapporteur spécial de l'Union africaine sur la liberté d'expression et l'accès à l'information, a fait de son mieux pour faire face à la poursuite du harcèlement des journalistes en Gambie.

Dans son rôle de commissaire de la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples, elle a invité à plusieurs reprises le gouvernement de ce pays d’Afrique de l’ouest à respecter le droit des personnes à la liberté d'expression.

“J'ai écrit plusieurs lettres au gouvernement concernant la récente arrestation de journalistes – le gouvernement est maintenant fatigué de mes lettres. Nous avons fait tout notre possible pour mettre l’accent sur la question en Gambie et dans d'autres pays africains”, a-t-elle déclaré à IPS.

Mais cela n'a pas suffi pour empêcher les mesures de répression du gouvernement gambien contre les médias.

En septembre, le gouvernement a arrêté deux journalistes et fermé leurs journaux, 'The Standard' et 'The Daily News', puisqu’ils avaient largement couvert l’opposition à l'exécution par le gouvernement de neuf condamnés à mort.

En juin, l'ancien ministre de l'Information et des Communications du pays, Amadou Scattred Janneh et trois autres ont été arrêtés pour avoir imprimé et distribué des T-shirts qui appelaient à la fin de la dictature en Gambie.

Janneh, qui est aussi un citoyen américain, avait été accusé de trahison et emprisonné à vie et n'a été libéré qu’après l’intervention de l’activiste américain des droits civils, le révérend Jesse Jackson.

Tlakula a déclaré que la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples avait discuté du cas de Janneh avec la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest.

“Malheureusement, la Gambie n'a pas ratifié le protocole portant création de la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples et nous ne pouvons pas les amener devant la cour”, a-t-elle indiqué.

Mais cet échec avec la Gambie n'a pas freiné la passion de Tlakula d'assurer la liberté des médias sur le continent. Récemment, elle a pris la décision sans précédent d'instruire les gouvernements africains à créer des organes indépendants de régulation des médias, affirmant que les politiciens et les gouvernements n'ont pas intérêt à posséder des médias.

Tlakula, qui est une avocate à la Haute cour d'Afrique du Sud, un ancien membre de la Commission sud-africaine des droits de l’Homme et actuelle présidente de la Commission électorale indépendante du pays, veut voir les conditions juridiques mises en œuvre en Afrique, qui accordent aux journalistes la liberté de faire leur travail.

Voici quelques extraits de l’interview: Q: Quel rôle les journalistes devraient-ils jouer en Afrique? R: Les journalistes doivent dénoncer la corruption, les activités criminelles et toute mauvaise chose sur le continent, mais au même moment nous devons également exposer les bonnes choses qui se passent sur notre continent parce que c'est notre maison.

Nous ne pouvons pas présenter seulement les mauvaises choses au monde sur ce qui se passe en Afrique. Nous devons prendre notre destin en mains et raconter nos propres histoires en tant qu’Africains comme nous les voyons et les vivons et non laisser d'autres personnes raconter nos histoires.

Q: Plusieurs pays d'Afrique n'ont toujours pas de lois pour promouvoir le droit à l'information. Au niveau continental, comment voudriez-vous que la solution de la question soit accélérée pour que nous ayons le droit d'accéder à l’information à travers le continent? R: Nous avons accéléré cela un tout petit peu. Nous avons développé un modèle sur l'accès à l'information en Afrique. Nous avons commencé le processus de son développement dans cinq pays africains et maintenant nous avons 10 qui ont adopté des lois sur l'accès à l'information.

Plus d'une douzaine de pays disposent maintenant de projets de loi sur l’accès à l'information en instance devant leurs parlements. Nous espérons que ce modèle donnera un coup de pouce à ces initiatives parce que nous pensons que nous ne devrions pas seulement critiquer les pays, mais plutôt les aider à atteindre la liberté d'expression. Sans le droit à l'information, tous les autres droits ne peuvent pas être réalisés.

Q: Le Zimbabwe a eu une très mauvaise réputation en matière de liberté des médias dans le passé. Comme il rédige maintenant une nouvelle constitution, quel conseil pouvez-vous lui donner? R: La nouvelle constitution ne résoudra pas tous les problèmes. Même après la mise en place de la nouvelle constitution, vous aurez toujours à faire face à des lois qui font obstacle à l'expression comme la Loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, la Loi sur l'ordre public et la sécurité, et toutes les autres lois qui ne sont pas en conformité avec les instruments régionaux et internationaux que le Zimbabwe a ratifiés.

Ces lois demeurent une source de préoccupation pour nous, mais nous espérons qu'avec l'adoption de la constitution, la constitutionnalité de ces lois sera revisitée.

Une fois la nouvelle constitution adoptée, ces lois doivent être revisitées ou abrogées. Sinon, elles peuvent être alors contestées devant les tribunaux. La nouvelle constitution est un pas dans la bonne direction, bien que les lois doivent être en conformité avec la constitution.

Q: Faisons-nous des progrès concernant la liberté des médias sur le continent? R: Oui, nous faisons des progrès en encourageant certains pays à adopter des lois pour la promotion de la liberté des médias. Nous avons maintenant une campagne visant la dépénalisation de la diffamation.

La première phase de cette campagne vise à identifier les endroits où ces lois (sur la diffamation) existent parce que là où elles sont, elles ont un effet inhibiteur sur l'expression. Nous pilotons cette campagne en Zambie et au Botswana.