Q&R: Les femmes kényanes prêtes à affronter les hommes aux élections

NAIROBI, 6 nov (IPS) – Comme le Kenya s’apprête pour l'enregistrement des électeurs dans ce mois, en prélude au scrutin du 4 mars 2013 dans le pays, des organisations des droits des femmes espèrent que les dispositions relatives à l'égalité des sexes dans la nouvelle constitution signifieront une représentation sensiblement accrue dans le gouvernement.

Winnie Lichuma, présidente de la Commission nationale sur le genre et l'égalité, l'organe chargé de l'autonomisation des femmes dans cette nation d'Afrique de l’est, est animée d'un optimisme prudent.

“Concernant la représentation politique dans le parlement actuel, les femmes constituent seulement 9,8 pour cent, ce qui est très faible”, a-t-elle déclaré.

Elle a confié à IPS que le pays a besoin de “se rendre compte du leadership des femmes” pendant qu’il se prépare pour les élections générales – les premières depuis que le Kenya a adopté une nouvelle constitution en 2010, qui reconnaît les droits des femmes et prévoit des dispositions pour leur représentation au parlement.

L'article 177 (1) (b) de la constitution vise à fournir un mécanisme pour le principe des deux-tiers des sexes au niveau des comtés. Ce principe garantit qu'aucun sexe ne doit dépasser les deux-tiers de représentation dans les organes publics, électifs et nominatifs.

Lichuma a affirmé que les dispositions de la constitution signifient que le nombre de femmes représentées au niveau des comtés augmenterait globalement. Selon la nouvelle constitution, 47 comtés remplaceront désormais les systèmes d'administration des gouvernements provinciaux et locaux.

Elle a indiqué que les femmes seraient bientôt “représentées au plus haut niveau de prise de décisions sur la gouvernance”.

“Le message de la campagne pour les femmes est qu'elles doivent sortir en grand nombre, s’inscrire dans les partis politiques et participer au processus électif compétitif. Si elles ne satisfont pas au critère d’un tiers des sexes, les partis politiques désigneront des femmes sur la base d’une représentation proportionnelle en utilisant des listes de partis politiques, tel qu’il est prévu à l'article 90 (1) de la constitution”, a-t-elle expliqué.

L’enregistrement des électeurs est prévu pour commencer le 12 novembre.

Voici quelques extraits de l’interview.

Q: Y a-t-il eu des gains notables enregistrés par les femmes au Kenya depuis la promulgation de la nouvelle constitution il y a deux ans? R: D'abord, je pense qu’il est très injuste de poser une telle question aux femmes du Kenya. Je ne pense pas que la même chose peut être demandée aux hommes.

Toutefois, je souhaite souligner que les femmes sont victimes de discrimination depuis longtemps et qu’elles ont été absentes de la sphère publique, leurs rôles étant relégués à la sphère privée. Les femmes bénéficient maintenant de l'égalité entre les sexes et sont libres de la discrimination en vertu de la constitution qui leur donne désormais le droit à une représentation de 30 pour cent dans les postes publics, électifs et nominatifs.

Tous les nouveaux organes publics, en particulier les commissions constitutionnelles et judiciaires, ont accordé une attention au principe des deux-tiers des sexes. Cependant, l’application du principe des deux-tiers est un processus en cours, et ce n'est qu'après, aux prochaines élections générales, que nous apprécierons réellement son impact.

Q: En clair, il y a une grande disparité dans le nombre d'hommes par rapport aux femmes dans les domaines critiques de prise de décisions à la fois dans l'arène politique et dans les entreprises. Pourquoi? R: La réponse est évidente. Historiquement, le secteur public n’a pas été ouvert aux femmes. Il y a eu très peu d'efforts déployés pour accroître la représentation des femmes dans l'arène politique et dans les entreprises. Des obstacles socioculturels ont travaillé contre les femmes et entravé leur représentation à ce niveau.

Parfois, les rôles reproductifs des femmes sont utilisés pour leur interdire l'entrée dans les entreprises. Cela doit changer grâce à la constitution.

Q: Les femmes kényanes sont-elles prêtes à affronter leurs homologues masculins dans la prochaine compétition politique? R: Eh bien, la loi est du côté des femmes mais de nombreux autres obstacles sont toujours là. Les obstacles auxquels les femmes ont été confrontées politiquement sont d’ordre idéologique et socioculturel. [Les femmes doivent également faire face à] la violence, notamment la violence sexuelle, à la limitation des ressources et au fait que la majorité des partis politiques est entre les mains du sexe masculin.

Les femmes ne bénéficient pas non plus du soutien des membres de la famille. Dans certaines communautés, des clans ont seulement soutenu les candidats masculins, en particulier dans les communautés pastorales.

Les femmes sont prêtes mais ces obstacles, combinés avec la propagande masculine qui semble avoir convaincu les Kényans que les femmes peuvent seulement se présenter pour les sièges qui leur sont réservés, constituent un coup dur pour les candidatures féminines.

Q: Il y a eu des appels pour que les pays adoptent une budgétisation sensible au genre, dans laquelle les finances publiques sont planifiées avec une dynamique genre à l'esprit. Comment le Kenya se débrouille-t-il dans son adoption? R: La commission a soutenu le ministère des Finances et de la Planification à intégrer les questions de genre dans le processus de budgétisation. C’est un peu stimulant… Nous avons d’urgence besoin de renforcer les capacités des responsables chargés de la planification et de la budgétisation dans les groupes de travail sectoriels et au niveau de la planification et des finances.

Les lignes directrices sur cette question doivent être aussi bien comprises par tous les acteurs; la commission examine le processus pour parvenir à des directives de budgétisation sensibles au genre. Cependant, nous sommes encore en train de peaufiner les outils qui seront utilisés dans la budgétisation future.