DEVELOPPEMENT: Les coopératives amortissent les coups de la faim

YAOUNDE/ROME, 24 oct (IPS) – “Une personne sur huit va se coucher affamée tous les jours”, selon l'Etat de l'insécurité alimentaire dans le monde 2012, un document publié chaque année par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Ce rapport continue en indiquant que 870 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim, une diminution de 130 millions depuis 1992, mais encore loin de l'Objectif du millénaire pour le développement de réduire de moitié les personnes souffrant de la faim dans le monde d'ici à 2015.

Comme le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) a clôturé sa 39ème session à Rome le 20 octobre avec la promesse d'entamer un processus de consultation de deux ans visant à “élaborer des principes pour un investissement responsable dans l'agriculture, qui respectent les droits, les moyens de subsistance et les ressources”, les espoirs étaient grands que des efforts locaux et internationaux pourraient réellement commencer à s'attaquer à la faim chronique.

En attendant, alors qu’il existe des craintes d’une hausse des prix sur le marché des céréales, la FAO a dédié la Journée mondiale de l'alimentation de cette année, célébrée le 16 octobre, aux 'Coopératives agricoles: une clé pour nourrir le monde'.

Des millions de petits producteurs, en particulier dans les pays en développement, font face à la triple crise du changement climatique, des fluctuations des prix des denrées alimentaires et de l'instabilité du marché en s'organisant dans des coopératives pour unir leurs forces et s’attaquer collectivement aux contraintes des politiques nationales et internationales.

La FAO considère les coopératives comme un moyen important de sortir les petits fermiers de la pauvreté et la faim, et de les aider à accéder aux marchés pour vendre leurs produits, acheter des intrants à de meilleurs prix et à obtenir des services financiers.

“Les coopératives agricoles peuvent aider les petits fermiers à surmonter ces contraintes”, a déclaré dans un communiqué, le directeur général de la FAO, José Graziano da Silva. “Les coopératives jouent un rôle crucial dans la création d'emplois, la réduction de la pauvreté, l’amélioration de la sécurité alimentaire, et contribuent au produit intérieur brut (PIB) dans bon nombre de pays”.

Le chef de la FAO a exhorté les gouvernements à jouer leur rôle et à créer des conditions qui permettent aux organisations de producteurs et aux coopératives de se développer.

Des fermiers camerounais se regroupent Collins Mangong avait l’habitude de cultiver un lopin de terre d'un hectare dans son sous-district natal de Konnye dans la région Sud-Ouest du Cameroun. Ses récoltes, dont la plupart provenaient des racines et des tubercules, étaient souvent perdues dans la phase post-récolte.

“Je n'avais pas les moyens financiers pour améliorer ma ferme et (préserver) ma récolte”, a-t-il indiqué à IPS.

Mais en 2008, Mangong, avec quelque 132 agriculteurs dans la localité, se sont réunis pour former la Société coopérative des producteurs de racines et tubercules d’Ikiliwindi. Chaque fermier a contribué pour environ 50 dollars d’actions, ce qui a créé une base que les agriculteurs ont utilisée pour accéder à des prêts bancaires.

“Notre coopérative exploite maintenant 25 hectares de terre”, a ajouté Mangong, récoltant et traitant des sous-produits du manioc tels que la farine de gari. Les rendements des agriculteurs par hectare ont augmenté de façon spectaculaire.

“Ayant mis en commun nos ressources, nous sommes maintenant en mesure de (nous procurer) des intrants comme les engrais, et notre rendement a augmenté”.

“Au début, je gagnais environ 1.400 dollars par an en vendant le manioc à partir d'un hectare de terre, mais après que nous avons formé la coopérative et que j'ai amélioré ma ferme, j'obtiens maintenant deux millions de francs CFA (environ 3.900 dollars) pour le même lopin de terre”, a confié Mangong à IPS.

Comme la production et la productivité augmentent, bon nombre de personnes dans le groupe trouvent de nouvelles façons de rendre la récolte plus durable.

Selamo Dorothy, un membre de cette coopérative basée à Yaoundé et présidente du Groupe d'initiative commune pour la sécurité alimentaire, a trouvé une nouvelle façon de transformer le manioc. Son groupe utilise le gari pour fabriquer ce qu'elle appelle 'Gari-Light', une boisson alimentaire enrichie de fruits.

“Nous fabriquons aussi notre propre spaghetti local à partir des tubercules comme le manioc, l'igname et les plantains”, a-t-elle souligné à IPS.

“Ce que nous voulons faire, c’est de donner de la valeur à nos propres produits locaux, parce que le marché est inondé de produits manufacturés importés, la plupart d'entre eux génétiquement modifiés. Nos produits sont accessibles, moins coûteux et riches parce qu'ils (sont) pleins de nutriments”.

En lançant des activités pour marquer la Journée mondiale de l'alimentation de cette année, le ministre de l'Agriculture et du Développement rural du Cameroun, Essimi Menye, a fait un vibrant appel aux agriculteurs de se regrouper en coopératives.

“Nous avons la main-d’œuvre. Nous avons des terres fertiles. Ce que nous devons faire maintenant, c'est d'organiser nos agriculteurs. En se regroupant dans des coopératives, les fermiers peuvent accroître la production, obtenir un meilleur accès au marché et avoir une meilleure chance de négocier les prix du marché pour leurs produits”, a-t-il affirmé.

*Sabina Zaccaro a contribué à ce reportage depuis Rome, Mabvuto Banda depuis Linogwe, et Ngala Killian Chimtom depuis Yaoundé.