SWAZILAND: En 2012, le roi face au pouvoir du peuple

MBABANE, 16 oct (IPS) – Le roi du Swaziland, Mswati III, est sous une grande pression suite à la crise constitutionnelle qu’a entraînée le refus de son gouvernement de démissionner après que la Chambre du parlement a voté une motion de censure.

Des analystes politiques estiment que cette situation a exposé la nature antidémocratique du système de gouvernement swazi et qu'elle a mis Mswati dans une position précaire où il doit choisir entre la volonté du peuple et ceux qu'il a placés au pouvoir.

“Les actions du Première ministre révèlent sans doute que la branche exécutive du gouvernement règne et que la suprématie verbale ou établie de la constitution ne vaut pas le papier sur lequel elle est rédigée”, a déclaré à IPS, Dr Sikelela Dlamini, un analyste politique, se référant au refus du Premier ministre, Barnabas Sibusiso Dlamini (aucun lien), de démissionner de son poste.

La Chambre basse du parlement a destitué le cabinet ou la branche exécutive du gouvernement, qui comprend le Premier ministre et les ministres, le 3 octobre à la suite d'une décision de la Cour internationale d'arbitrage (ICA) qui a obligé la Société publique des postes et télécommunications du Swaziland (SPTC) à arrêter tous ses services mobiles après que 'Swazi MTN' s'est plainte de concurrence déloyale. La SPTC a été depuis ce temps laissée avec seulement son service de la téléphonie fixe. Mswati détient 10 pour cent des actions de MTN tandis que le Premier ministre Dlamini a une part dans l’entreprise 'Swaziland Empowerment Limited', qui détient 19 pour cent des actions de MTN.

Cependant, certains experts du droit ont estimé que la décision de l'ICA n'était pas juridiquement contraignante parce qu’elle n'était pas une ordonnance des tribunaux du pays, bien que le gouvernement ait insisté qu'il est lié par cela.

Le Premier ministre Dlamini avait déclaré quelques heures après le vote de la motion de censure que le gouvernement ne démissionnerait pas.

“Le gouvernement de Sa Majesté croit que la motion adoptée par la Chambre du parlement est nulle et non avenue puisqu’elle cherche à contraindre le gouvernement à braver les ordonnances du tribunal”, a indiqué Dlamini, se référant à la décision de l'ICA.

Alors que la constitution stipule clairement que le gouvernement devrait démissionner trois jours après une motion de censure, le porte-parole du gouvernement, Percy Simelane, a affirmé à IPS que la branche exécutive du gouvernement attendait toujours la décision du roi. Le 9 octobre, il a dit aux journalistes que le Premier ministre ne démissionnerait pas.

Le Swaziland est une monarchie et Mswati nomme le gouvernement et 20 des 30 sénateurs à la Chambre haute du parlement, avec les sénateurs restants désignés par la Chambre basse du parlement.

Et bien que les partis politiques ne soient pas autorisés à faire campagne pour accéder au pouvoir depuis 1973, le public peut élire les députés à la Chambre du parlement conformément au système de (circonscription électorale) 'Tinkhundla'. La motion de censure contre le gouvernement par la Chambre du parlement a été donc perçue comme la voix du peuple.

Le directeur de l'Assemblée de coordination des organisations non gouvernementales (ONG), Emmanuel Ndlangamandla, a déclaré que la décision de la Chambre du parlement reflète la volonté du peuple et que Mswati est censé approuver la résolution s'il est sérieux au sujet du respect de l'Etat de droit et la démocratie.

“Nous ne pouvons pas avoir une situation où nous avons les autorités d'un côté et le peuple de l'autre. Dans ce cas, il est clair que le peuple ne veut pas du gouvernement”, a affirmé Ndlangamandla.

Une source bien placée a indiqué à IPS que le monarque de 44 ans refuse de voir le président de la Chambre au sujet de cette affaire et n'est pas prêt à agir suivant le vote parce qu'il était extrêmement énervé par la résolution de la Chambre du parlement.

La constitution accorde des pouvoirs à Mswati de dissoudre le gouvernement après une motion de censure. Le président de la Chambre du parlement, Prince Guduza, qui se trouve être le demi-frère de Mswati, a déclaré qu'il cherchait toujours une audience auprès du roi sur la question.

“Le roi n'a rien dit jusqu'à présent”, a indiqué Simelane. “Alors, c’est comme d'habitude”.

Toutefois, le barreau du Swaziland a déclaré dans un communiqué publié le 12 octobre que la motion de censure était légale jusqu'à ce que les tribunaux la déclarent autrement. “Nous pensons que cette affaire aurait dû être portée devant les tribunaux comme une question d'urgence”, indiquait le communiqué.

En attendant, la Chambre du parlement a décidé de boycotter le gouvernement, ce qui signifie que le débat et l'adoption des projets de loi au parlement sont dans l’impasse.

Mais la loi est du côté du peuple, a déclaré l'avocat constitutionnel, Thulani Maseko, qui a affirmé que pas même Mswati n’est au-dessus de la constitution. Il a ajouté qu'il n'était pas surpris de la tournure des événements, étant donné le mépris des autorités pour l’Etat de droit et les droits humains.

“La constitution a été sapée, violée et bafouée sur toute la ligne, de plusieurs façons”, a indiqué Maseko à IPS.