ETHIOPIE: La vérité est que tous les problèmes ont de solutions, même le changement climatique

ADDIS-ABEBA, 29 août (IPS) – Il y a huit ans, Kenbesh Mengesha gagnait un revenu incertain en cherchant du bois de chauffage dans les forêts publiques locales et en le vendant aux autres habitants des bas-quartiers d’Addis-Abeba, en Ethiopie.

Elle gagnait en moyenne environ 50 cents US par jour, si elle avait de la chance. Mais aujourd’hui, elle fait partie d'un projet agricole réussi de femmes, qui est un modèle pour former d'autres groupes urbains d'agriculteurs dans toute l'Afrique sur la façon de s'adapter aux changements climatiques.

Selon la Banque mondiale, l'Ethiopie est extrêmement vulnérable à la sécheresse et à d'autres catastrophes naturelles telles que les inondations, les fortes pluies, les vagues de gelée et de chaleur. Le réchauffement climatique mondial a aggravé cette situation, puisque les modèles de circulation générale prévoient une augmentation de 1,7 à 2,1 degrés centigrades de la température moyenne du pays d'ici à 2050.

Cela devrait avoir un impact important sur la sécurité alimentaire. Récemment en 2011, le pays et toute la Corne de l'Afrique ont été touchés par la pire sécheresse en 60 ans. Elle a entraîné une grave crise alimentaire, avec les Nations Unies qui ont déclaré la famine dans la région.

La Banque mondiale estime que l'insécurité alimentaire coûtera à l’Ethiopie 75 à 100 milliards de dollars chaque année pour s'adapter aux changements climatiques de 2010 jusqu'en 2050.

Alors, quand Mengesha et 29 autres femmes qui avaient aussi l’habitude de gagner leur vie en cherchant du bois de chauffage ont formé une organisation communautaire locale, celle-ci est devenue le début d'un moyen de vie plus sûr et plus durable.

“La collecte de bois de chauffage était et est toujours un travail risqué. Je connais plusieurs femmes qui ont été violées par des hommes qui ont profité d'elles pendant qu’elles étaient dans la brousse en train de chercher du bois de chauffage”, déclare-t-elle.

Mais la vie d'aujourd'hui est moins incertaine pour Mengesha. Et elle n'abat plus les ressources naturelles du pays pour s'en sortir”.

Dénommé “Association des femmes de Gourara”, qui compte aujourd'hui 200 membres, le groupe loue et exploite près de deux hectares de domaines publics inoccupés à proximité des bas-quartiers de Gourara, à Addis-Abeba, en pratiquant ce qu'il appelle un système de bio-économie intégrée.

Les groupes d'entraide communautaires ici sont autorisés à demander des domaines publics à travers le gouvernement local et l'administration du district si le projet doit être mis en œuvre dans les environs de la ville. Ce groupe de femmes a un bail de cinq ans renouvelable.

Ce groupe de femmes a découvert des façons novatrices pour maîtriser les conditions climatiques toujours changeantes et lutter contre l'insécurité alimentaire.

Elles ont été formées par 'Bioeconomy Africa', une organisation non gouvernementale qui dirige l’Institut de développement des capacités en bio-économie en Afrique (ABCD Institute). Les femmes ont suivi deux semaines de formation sur différentes techniques intégrées dans l'agriculture à petite échelle.

Et cette initiative s’est révélée un succès puisqu’elle a permis aux membres de cette association de gagner assez d'argent pour nourrir leur famille, payer les frais de scolarité de leurs enfants et même de créer des opportunités d'emploi pour d'autres.

C'est en soi une grande prouesse dans cette nation d'Afrique de l’est, qui a une population de 82 millions d'habitants et est le deuxième pays le plus pauvre au monde. Selon l'Indice de pauvreté multidimensionnelle, élaboré par l'Université d'Oxford, 90 pour cent des Ethiopiens vivent dans une pauvreté absolue, avec 39 pour cent qui survivent avec 1,25 dollar par jour.

“Nous avons appris à utiliser le moindre espace fertile ou non, pour la production agricole maximale”, a affirmé Fantanesh Atnafic, l'un des membres fondateurs de l'organisation.

“Dans un passé récent, nous avons vu des conditions environnementales changer radicalement. Les précipitations ne sont plus fiables comme elles l’étaient il y a 20 ans. Pourtant, lorsque la sécheresse arrive, elle est généralement plus longue que la normale, ce qui a un effet négatif sur l'agriculture en général”, a-t-elle expliqué.

Mais un climat qui change ne signifie pas la défaite pour les petits fermiers, selon Dr Getachew Tikubet, le directeur des opérations de 'Bioeconomy Africa'.

“Il est vrai que les conditions climatiques changent, ce qui est un énorme revers pour beaucoup de fermiers africains. Mais la vérité est que tous les problèmes ont de solutions. Et c'est ce que nous essayons d’aborder avec les petits agriculteurs africains”, a-t-il déclaré.

L'association des femmes utilise différentes méthodes d'agriculture intensive qui créent un environnement idéal pour leurs cultures.

“Nous mélangeons généralement les connaissances agricoles indigènes, telles que l'utilisation de fumier, avec les techniques scientifiques apprises auprès de différentes organisations et des individus, qui comprennent l'extraction du biogaz et du gaz méthane à partir de la bouse de vache avant d'utiliser le résidu comme fumier”, a indiqué Atnafic, une mère de six enfants dont le mari a été tué dans l’armée il y a 20 ans.

*Cet article fait partie d'une série soutenue par le Réseau de connaissances sur le climat et le développement.