KENYA: Micro-crédits et serres aident les femmes à affronter le changement climatique

NAIROBI, 14 mars (IPS) – Au marché de Gakoromone, à Meru, dans la Province orientale du Kenya, Ruth Muriuki arrive dans un pick-up rempli de tomates et de choux, malgré la rareté des pluies dans la région, grâce à la technologie de serre qu'elle utilise sur sa ferme – et au micro-crédit.

“Un tas de dix tomates qui coûtait Sh40 (50 centimes de dollar) il y a trois mois, va maintenant doubler de prix. Mais nous n'avons pas le choix”, a déclaré David Njogu, un vendeur de légumes dans ce marché en plein air. Muriuki vend un gros chou en pain de sucre, qui aurait coûté 50 cents il y a trois mois, à 1,50 dollar. Un contrôle sur place dans le pays montre que les prix des produits horticoles ont grimpé au cours des trois derniers mois suite à l'absence des petites pluies qui devaient venir entre octobre et décembre l'année dernière. Cependant, les agriculteurs qui utilisent la technologie de serre n'ont pas besoin de précipitations pour faire pousser leurs cultures. Dans les serres, généralement faits de verre ou de toit et murs plastiques transparents, la température et l'humidité peuvent être contrôlées, faisant qu’il est possible aux agriculteurs de cultiver toute l'année. A l’instar de Muriuki, Sarah Chebet, originaire de 'Nandi Hills', dans la province de la Rift Valley, décrit ses deux années d'expérience avec l'agriculture sous serre comme “un rêve devenu réalité”. “J'ai acheté ma serre grâce à un crédit accordé par une institution locale de micro-finance. A travers ce projet au cours des deux dernières années, j'ai pu acheter une fraiseuse de maïs, installé une boutique de détail, acheté deux vaches laitières, et un stock de 400 kilogrammes de maïs, que j'entends vendre dès que les prix grimperont”, a indiqué cette femme de 28 ans, mère d'un enfant. A partir d'une seule serre, elle récolte en moyenne quatre cageots de tomates par semaine, ce qui lui rapporte environ 100 dollars la semaine. 'Nandi Hills' est l'une des régions arides du pays, où les précipitations ne sont pas garanties tout au long de l'année. “Notre garçon est encore jeune, c'est pourquoi nous investissons dans les entreprises, afin que je puisse stabiliser mon niveau de revenu avant qu’il ne rejoigne l'école”, a dit Chebet. Son mari gère d’autres projets agricoles sur leur lopin de terre de cinq acres (2,5 hectares). Selon Silas Tuwei, le chargé de projet intégré à 'Amiran Kenya Ltd.', la société a vendu plus de 2.300 serres à travers le pays au cours des deux dernières années. “La plupart d'entre elles ont été achetées à travers des institutions de micro-finance qui ciblent les femmes, les jeunes et les établissements d'enseignement”, a-t-il indiqué. “En moyenne, près de la moitié des serres appartient aux femmes”. 'Amiran', l'une des plus grandes entreprises horticoles du Kenya, se spécialise dans la construction de serres comme faisant partie de ses activités. Toutefois, d'autres fermiers dépendent de constructeurs individuels qui savent comment fabriquer des serres. “Afin d’atteindre le plus grand nombre d'agriculteurs possible, nous avons signé un accord avec trois institutions de financement: la 'Kenya Women Finance Trust' (Association de financement des femmes du Kenya), 'Equity Bank', et 'Co-operative Bank of Kenya'”, a expliqué Tuwei. Au même moment, la 'CIC Insurance Company' (Compagnie coopérative d'assurance) a maintenant une politique pour couvrir le côté matériel des serres professionnellement construites au Kenya, au cas où elles prennent feu, sont renversées par des vents violents, ou détruites par n’importe quelle autre calamité naturelle. “J'ai découvert que l'agriculture sous serre et l'agriculture par l'irrigation constituent la voie à suivre parce que l'agriculture pluviale n’a pas marché pour moi à plusieurs reprises, notamment dans le passé récent. Les pluies ne sont plus fiables”, a affirmé Muriuki, 64 ans, mère de sept enfants. Dans la région de Meru, se souvient-elle, “les pluies venaient toujours le 15 mars chaque année. Il ne faisait aucun doute à ce sujet. Mais au cours des dernières années, la situation a changé. Il n'y a aucune garantie qu'il pleuvra le 15 mars comme c’était le cas quand j’étais jeune”. Mais sur à peine un demi-hectare de terre dans le village de Karimagachiije, à 15 kilomètres hors de la ville de Meru, Muriuki peut produire au moins une tonne de légumes toutes les semaines grâce à l'agriculture sous serre. Elle vend les produits dans différents marchés de l'est et du centre du Kenya, gagnant suffisamment d'argent pour payer les frais de formation pour ses deux filles plus jeunes dans différentes universités du pays. “C’était ma première opportunité de payer les frais scolaires. Avant de commencer ce projet, c'était uniquement la responsabilité de mon mari”, a-t-elle souligné. Cependant, comme Chebet, elle n'était pas en mesure de réunir la somme d'argent nécessaire pour mettre en place le projet d'horticulture. “Il y a trois ans, je me suis rapprochée de l’Association de financement des femmes du Kenya où j'ai emprunté Sh300.000 (3.750 dollars) comme le capital pour mon projet agricole”, a déclaré Muriuki. Cette association est spécifiquement destinée à l'autonomisation des filles et femmes kényanes par des facilités de crédit. Les prêts sont essentiellement accordés à travers des groupes d'entraide, où les parts des membres du groupe sont utilisées comme garantie pour les prêts effectués par l'un des membres, parce que beaucoup de femmes pauvres ne possèdent pas de biens qu'elles peuvent utiliser comme garantie.