SANTE-KENYA: Un abri pour un accouchement sans risque

GARISSA, Kenya, 27 déc (IPS) – L’abri maternel de Garissa, dans la province du Nord-Est du Kenya, est la seule infrastructure du genre dans une zone où le taux de mortalité maternelle est très élevé. Avec un taux de 1.000 décès pour 100.000 naissances vivantes, il double presque la moyenne du pays.

Mais malgré cela, il y a seulement sept femmes présentes dans ce centre qui peut recevoir 24 personnes.

“La faible fréquentation de cette infrastructure est largement due à une faible sensibilisation sur son existence, l'ignorance, et au manque de transport vers le centre”, a déclaré Dr Amal Alshabibi, médecin-chef adjoint de l’Hôpital général provincial de Garissa, qui héberge l’abri maternel.

L’abri est le seul dans la province puisque le gouvernement évalue toujours sa viabilité.

Selon l'enquête démographique et de santé du Kenya en 2009, le pays compte 448 décès pour 100.000 naissances vivantes. Mais le taux de la province du Nord-Est est le double de celui-ci.

“Ce taux est vraiment inadmissible. Et la principale raison est que les femmes ont peu ou n’ont pas du tout accès aux centres de santé. A cause des longues distances (les femmes ont besoin de voyager), certaines ne peuvent pas se permettre de payer les soins médicaux et, parfois, juste par ignorance”, a affirmé Alshabibi.

Certaines parties de la région sont semi-arides et d’autres arides. Bon nombre des membres de la communauté survivent ici grâce seulement à l'aide alimentaire qu'ils reçoivent. Et beaucoup, comme Habiba Issak qui a eu quatre fausses couches, comptent encore sur des accoucheuses traditionnelles.

Pour ses quatre grossesses précédentes, Issak, une femme de 37 ans, a fait de fausses couches sous la surveillance des accoucheuses traditionnelles à Mandera, à quelque 500 kilomètres de Garissa.

Mais quand sa cinquième grossesse avait trois mois, elle était déterminée que son bébé allait vivre.

Alors Issak a marché sur 50 kilomètres de son village pour un centre de santé dans la banlieue de Mandera. Les spécialistes médicaux l’ont immédiatement orientée vers l’abri maternel de Garissa après l’avoir examinée par rapport à ses antécédents.

“Les femmes admises ici sont celles ayant des antécédents de complications pendant la grossesse et l'accouchement, ou dont les grossesses ont été décrites par des spécialistes médicaux comme étant à risque potentiellement élevé, mais qui ne peuvent pas accéder à un centre de santé près de leurs maisons”, a souligné Alshabibi.

L’abri reçoit également des adolescentes en grossesse, des femmes qui ont fait de fausses couches, des femmes qui ont déjà subi deux césariennes, qui ont un placenta latéral bas, une pré-éclampsie ou une hypertension artérielle élevée, parmi tant d’autres.

Bien que cet abri maternel soit unique, contrairement à d'autres dans le pays, il autorise les mères à y rester avec leurs enfants.

“Ce ne sont pas des pavillons hospitaliers. C'est une maison d’accueil pour les femmes enceintes qui sont susceptibles de développer des complications pendant la grossesse ou au moment de l’accouchement”, a expliqué Alshabibi.

“Etant le seul abri maternel de la région, il répond aux besoins des femmes venant de plus d’une centaine de kilomètres. Pourtant, cela serait plus commode si elles venaient avec leurs jeunes enfants, car certaines parmi elles doivent être suivies dans le centre pendant plusieurs mois avant leur échéance”, a déclaré Dr Stephen Wanyee, le représentant adjoint, dans le pays, du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA).

Bien que ce centre soit fondé en 2007 et soit soutenu par le gouvernement kenyan, l'agence de l'ONU l'a adopté.

“Nous sommes en train de le prendre comme un projet pilote parce que nous ne l'avons jamais expérimenté avec une telle communauté ayant beaucoup de défis. Si cela réussit, alors nous pourrions envisager de le reproduire dans la région comme une stratégie visant à réduire ici le taux alarmant de mortalité maternelle”, indique Wanyee.

Hawa Ali est l'une des femmes qui vivent dans l’abri avec ses enfants. Assise avec ses quatre plus jeunes, la mère de 11 enfants attend patiemment son tour d’être examinée. Elle est ici parce qu'elle attend des triplés. “Depuis la création de ce centre, nous n'avons jamais perdu une cliente ou un nouveau-né”, a affirmé de façon rassurante Hamadi Muhumed, le responsable adjoint des soins infirmiers de l'Hôpital de Garissa.

“Grâce au suivi régulier par des collègues spécialistes en santé, toutes les femmes qui sont passées par ici retournent chez elles toujours souriantes, avec leurs bébés”, a-t-il dit.

Il se souvient d'une femme qui a été admise dans l’abri il y a un an, suite à 12 fausses couches à cause des complications du col de l’utérus.

“Mais quand elle est venue dans le centre, elle a été suivie jusqu'à ce qu'elle donne naissance à un petit garçon, qu’elle a nommé Gullet Yusuf, le nom du médecin qui l'a suivie, avant et au cours de l'accouchement”, indique Muhumed.

Sadia Abdirahaman a fait trois fausses couches, mais quand elle a accouché d'une fille en bonne santé ici, elle a décrit cela comme un “rêve devenu une réalité”.

“Bien que cette région soit peu peuplée, d'autres comme Awjir et Mandera ont certainement besoin d’abris maternels afin d’éviter aux femmes de parcourir plusieurs kilomètres pour accéder à l’un d’eux en particulier”, a affirmé Muhumed.