DROITS: 'Transformer les convictions de Busan en actions'

BUSAN, Corée du Sud, 15 déc (IPS) – Les champions de défense des droits des femmes ne sont pas prêts à laisser dans les tiroirs le 4ème Forum de haut niveau sur l'efficacité de l'aide qui s'est achevé dans cette ville portuaire de la Corée du Sud, le 1er décembre, avec un clin d'œil coutumier à l'égalité des sexes et l'autonomisation.

Le paragraphe 20 du Document final de Busan stipule: “Nous devons accélérer nos efforts pour atteindre l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes par le biais des programmes de développement basés sur les priorités du pays, tout en reconnaissant que l'égalité de genre et l'autonomisation des femmes sont essentielles pour atteindre les résultats du développement”. Roselynn Musa, gestionnaire du programme du Réseau de développement et de communication des femmes africaines, déclare que “Busan n'est pas la fin, mais le début”. “Puisque nous avons tourné une nouvelle page, il n'y a pas de temps à perdre avant de retrousser nos manches et de nous salir les mains. Nous devons commencer à collaborer avec nos gouvernements afin de nous assurer qu'ils ont mis le paragraphe 20 du Document final de Busan dans la vie des femmes”, a souligné Musa. Bien que beaucoup d’experts en genre continuent d’exprimer leur mécontentement sur la façon dont la question de l'autonomisation des femmes a été gérée à la conférence de Busan, ils consentent qu’il y avait eu un redoublement d'intérêt pour le sort des femmes par rapport au forum précédent, à Accra, au Ghana. Monica Njenga, une activiste des droits des femmes au Kenya affirme: “De nombreuses promesses ont été faites aux femmes lors des précédentes conférences internationales, en les manipulant à croire qu'il y a un intérêt réel dans la lutte contre les inégalités et la réduction des écarts entre les hommes et les femmes. Les femmes ont besoin de prendre des initiatives et de rendre effectif le paragraphe 20”. Njenga ajoute que de nombreux pays en développement sont confrontés à des défis socioéconomiques et ne peuvent pas donner la priorité à l'engagement de Busan par rapport au genre. “Au Kenya, les citoyens continuent de lutter puisque le coût de la vie continue de s’élever à grande échelle. Les agitations ouvrières sont aujourd'hui sans précédent avec les médecins qui ont observé une grève d'une semaine dans des hôpitaux publics. L'armée est aussi en guerre avec (les islamistes) Al Shabab en Somalie. L'égalité des sexes est probablement la dernière des choses sur la liste des priorités du gouvernement”. Malgré ces défis, les champions de l’égalité des sexes croient qu'ils peuvent utiliser le document de Busan pour exploiter le programme de genre. L'un de ceux-ci est Mayra Moro-Coco, chargé de la politique de développement et du plaidoyer au sein de l'Association pour les droits de la femme au développement. “Le partenariat mondial provenant de Busan aura pour objectif d'atteindre une coopération efficace de développement”, déclare Moro-Coco. “Travailler pour l'efficacité du développement signifie promouvoir un modèle de développement qui pousse le scénario de développement dominant vers un paradigme inclusif, durable, juste et qui reconnaît et valorise le travail reproductif et non rémunéré, fait la promotion du travail décent et favorise l'autonomisation, les droits de l’Homme ainsi que l'émancipation des femmes et des filles”, a-t-elle déclaré. Moro-Coco met l'accent sur la nécessité, pour les différents acteurs de l’enjeu, de reconnaître que “l'efficacité du développement exige une appropriation démocratique par les femmes et la participation significative et systématique de la société civile, en particulier des femmes et des organisations féministes”. Le partenariat mondial qui résulte de la conférence de Busan ne montre aucun engagement réel à l'approche des droits humains au développement, dit Moro-Coco. Ceci constitue un défi pour les initiatives et les interventions orientées vers “la promotion du développement et l'éradication de la pauvreté de façon démocratique et cohérente avec les normes internationales des droits humains et une attention adéquate aux droits des femmes, le droit au développement et à la justice environnementale”, a-t-elle ajouté.

Moro-Coco exprime son inquiétude pour la mise en œuvre du partenariat mondial de Busan puisque le document “n'a pas accordé une attention suffisante aux droits des femmes, aux droits au développement et à la justice environnementale”. Le paragraphe 20 exprime un intérêt dans la réduction de l'inégalité de genre puisque “les deux sont une fin en soi et une condition préalable pour une croissance durable et inclusive”. Il reconnaît également la nécessité “d'accélérer et d'approfondir les efforts visant à recueillir, diffuser, harmoniser et faire pleinement usage des données ventilées par sexe pour éclairer les décisions politiques et orienter les investissements, en assurant par conséquent que les dépenses publiques sont ciblées de manière appropriée à la fois au profit des femmes et des hommes”. Ceci ne paraît pas suffisant pour beaucoup de personnes. Njenga déclare: “Les promesses sont faciles à faire. Les femmes ont besoin de montrer à leurs dirigeants qu'elles s’y connaissent dans les affaires. En effet, si les femmes représentent la majorité de la population, en particulier dans les pays en développement où les inégalités de genre sont importantes, elles ont besoin que leurs voix soient prises en compte”. Njenga croit que les femmes devraient voter pour des dirigeants “qui montrent des preuves tangibles de leur engagement pour les droits des femmes”. “Au cours des campagnes, la plupart des dirigeants font semblant de soulever les questions des inégalités entre les sexes dans le seul but d’être élu et disparaissent plus tard des forums sur le genre. Cela doit changer”.