DEVELOPPEMENT: Pas d’agriculture, pas d’accord

DURBAN, Afrique du Sud, 7 déc (IPS) – Effatah Jele, une productrice de lait en Zambie, en Afrique australe, ne croit pas en un hasard agricole, mais au pragmatisme à cause des changements climatiques.

“On devrait enseigner aux fermiers les bonnes pratiques agricoles au lieu d’imputer tout aux changements climatiques”, a déclaré Jele, qui dirige une ferme laitière dans la province de Luanshya Cooperbelt, en Zambie, et est la vice-présidente de la 'Dairy Association' (Association des producteurs de lait).

“Les changements sont là, sans doute, mais il est également important pour les agriculteurs de disposer des bonnes pratiques agricoles pour résister à ces changements. Par exemple, certaines femmes produisent des légumes et, à cause de l'ignorance, creusent le sol jusqu'au bord du fleuve. Ensuite, quand il pleut, tout le sable est entraîné dans le fleuve et après quelques années, le flot devient peu profond. Et certaines personnes affirment que c'est à cause des changements climatiques”.

Jele a indiqué que les changements dans les conditions météorologiques présentent de graves implications pour des fermiers, comme elle, qui dépendent des ressources en eau de plus en plus rares pour garder un troupeau laitier viable. Les producteurs de cultures, a-t-elle dit, sont moins bien lotis, sauf si la science et des idées pratiques viennent au secours.

“Je pense que nos scientifiques devraient aller vers les agriculteurs pour leur parler et leur faire comprendre la différence entre les changements climatiques et les problèmes auto-infligés à travers l'utilisation des mauvaises méthodes agricoles. Cela est important, parce que, autrement, nous ne trouverons pas des solutions qui assureront la sécurité alimentaire”, a déclaré Jele.

“Certaines des choses que nous imputons aux changements climatiques relèvent de l’incapacité de notre part, en tant que fermiers, à faire la bonne chose au bon moment. Parce qu'il y a une chanson sur les changements climatiques; nous chantons tous 'changements climatiques, changements climatiques'”, a affirmé Jele.

Les craintes par rapport aux effets des changements climatiques sur l'agriculture africaine sont réelles et en Afrique australe, les fermiers sont en train de prendre des mesures pour s'assurer que les négociateurs à la 17ème Conférence des parties (COP 17) à Durban comprennent le message.

La 'Southern African Confederation of Agricultural Unions' (Confédération des syndicats agricoles d'Afrique australe – SACAU) – qui a obtenu le statut d'observateur à la session de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) – veut que les négociations mondiales mettent fermement l'agriculture sur l'agenda des changements climatiques et établissent un programme de travail qui présentera et coordonnera des réponses nécessaires, telles qu’une allocation spécifique au secteur dans le cadre du Fonds vert pour le climat.

Des initiatives intelligentes face au climat, telles que l'agriculture de conservation, la récolte de l'eau, permettront non seulement aux fermiers de faire face aux conditions météorologiques extrêmes, mais aussi de s'assurer qu'ils réduisent les émissions de carbone. Selon des scientifiques, l'agriculture est responsable de 15 à 30 pour cent des émissions mondiales de gaz à effet de serre, telles que le dioxyde de carbone, qui influence la température de la terre.

Les agriculteurs font campagne pour un accord qui comprend spécifiquement l'agriculture, qui sera fortement touchée par les changements climatiques en termes de baisse de rendements agricoles et de la faiblesse de la productivité. Pour eux, les termes 'productif', 'durable' et 'fermes' constituent l'assurance contre les risques des changements climatiques.

Notant les liens étroits qui existent entre les défis de la lutte contre les changements climatiques et le fait de nourrir une population mondiale croissante, Kanayo Nwanze, le président du Fonds international de développement agricole (FIDA), doit demander à la COP 17 de se concentrer sur l'aide à accorder à un demi-milliard de petits fermiers dans les pays en développement pour qu’ils produisent plus de nourriture d’une façon écologiquement durable.

Selon une étude menée par le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, les changements climatiques feront baisser la productivité agricole, avec des projections d'une hausse des températures et d’une augmentation des sécheresses et des inondations, qui changeraient les saisons agricoles et entraîneraient une baisse des récoltes.

“Nos attentes en tant que fermiers d'Afrique australe, c’est que l'agriculture soit incluse dans le texte qui sera adopté à la fin de la COP 17 à Durban”, a souligné Stéphanie Aubin, chargée du développement des politiques à la SACAU.

“L'agriculture doit être incluse dans le texte spécifique afin qu'il existe un fonds particulier et une action spécifique qui soient mis en œuvre”.

Un projet de texte a été discuté et négocié au cours des réunions des COP passées, à Copenhague et à Cancun, mais a été abandonné parce que l'agriculture a été mise dans la même catégorie que les combustibles de soute. “Il est important que l'agriculture bénéficie d’un traitement spécial lors des négociations de la CCNUCC parce qu’elle est spéciale en termes de moyens de subsistance pour des millions de personnes en Afrique et de sécurité alimentaire pour la planète, et c'est le secteur le plus sensible au climat qui peut en même temps contribuer aux efforts d'adaptation et d'atténuation”, a expliqué Aubin.

“Nous voulons un chapitre spécifique sur l'agriculture dans le texte et une action à long terme, puisque cela débloquera le financement dont le secteur agricole a besoin en Afrique pour répondre efficacement aux changements climatiques”.

Aubin était optimiste qu’avec la COP 17 qui est organisée actuellement en Afrique, les gouvernements africains feront l'effort nécessaire pour faire pression afin que l'agriculture soit incluse dans le texte final.