DEVELOPPEMENT: Le Protocole de Kyoto et le Fonds pour le climat en souffrance

DURBAN, Afrique du Sud, 5 déc (IPS) – A quelques jours des négociations des Nations Unies sur les changements climatiques, de profondes divergences sur les questions clé de la conférence ont surgi. De sérieux doutes sur l'adoption du Fonds vert pour le climat sont apparus, tandis qu'une deuxième période du Protocole de Kyoto semble être de plus en plus improbable.

Un certain nombre de pays d'Amérique du sud, les Etats-Unis, l'Arabie Saoudite, l'Egypte, le Nigeria et le Venezuela ont exprimé des réserves par rapport à la signature du Fonds vert pour le climat (FVC), évoquant la nécessité de revoir certaines de ses clauses. L'Union européenne (UE), qui continue de soutenir le projet de document du fonds, a exhorté les pays à ne pas retarder ses progrès, avec pourtant peu de succès jusqu'ici.

“Il devrait être possible de s'entendre sur le projet d'instrument tel qu'il est. Il est un bon compromis. Dans sa forme actuelle, il attirerait des fonds importants”, a déclaré le négociateur de l'UE, Tomasz Chruszczow. “Ce serait contreproductif d'entreprendre de nouvelles discussions techniques sur cet instrument”.

Des organisations non gouvernementales et des militants du climat conviennent que la réouverture du texte de négociation compromettrait sérieusement les chances de finaliser le FVC avant la fin du sommet de la 17ème Conférence des parties (COP 17) en cours à Durban, en Afrique du Sud.

“Cela signifierait qu'il n'existe aucun instrument dans lequel l'argent pourrait entrer. Nous comprenons qu'il y ait des inquiétudes provenant de certaines parties, mais ce texte de négociation représentait un compromis politique bien équilibré et a mis des mois avant d’être finalisé”, a déploré Tasneem Essop, le directeur de la stratégie internationale sur le climat du Fonds mondial pour la nature.

Plus de 190 pays participant aux négociations climatiques mondiales à Durban étaient censés signer le FVC, qui est destiné à aider les pays en développement avec 100 milliards de dollars par an, d'ici à 2020, à s'adapter aux effets des changements climatiques.

Dans un effort pour réaliser un consensus, la présidente de la COP 17, Maite Nkoana-Mashabane, a indiqué qu'elle contacterait les différents pays à travers “des discussions transparentes et informelles” dans les jours à venir. Il n’existe, cependant, aucun processus ou délai définitif pour ces négociations. Les partisans du FVC attendent maintenant avec impatience la présentation de son rapport.

Certains experts suggèrent qu’au lieu de rouvrir les négociations, il devrait exister un texte supplémentaire pour le projet de document qui résout certaines des préoccupations les plus pressantes, tandis que d'autres questions pourraient être discutées par le conseil du FVC, une fois élu.

Economie d’adaptation Un financement immédiat pour l'adaptation et l'atténuation permettra non seulement d'aider les pays à faire face aux changements climatiques, mais aura aussi un bon sens économique. La Banque mondiale et la 'United States Geological Survey' (Enquête géologique américaine) ont estimé que des pertes économiques à travers le monde dues aux catastrophes naturelles dans les années 1990 auraient pu être réduites de 280 milliards de dollars, si seulement 40 milliards de dollars avaient été investis dans la prévention des catastrophes.

Mais deux ans après s'être engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an pour l'atténuation et l'adaptation aux changements climatiques, lors de la COP 15 à Copenhague, les pays développés n'ont pas encore indiqué la source de provenance de ces fonds publics promis. Ils se sont plutôt concentrés sur les moyens de mobiliser le secteur privé.

“Si ce fonds vient avec un coffre vide, il n’aura pas de sens”, a averti Ilana Solomon, conseillère politique à 'ActionAid' aux Etats-Unis. “Nous savons que les temps sont durs pour une aide financière et que les budgets sont serrés”, a-t-elle déclaré, en référence à la crise dans la zone euro, “mais la vérité est que les pays riches peuvent réunir cet argent”.

Les difficultés à obtenir un financement pour le FVC sont alarmantes, car même si les pays finalisent en fin de compte tout le budget, il ne sera pas suffisant. Des estimations récentes effectuées par la Commission européenne et la Banque mondiale montrent qu’au moins le double du montant qui sera réuni pour le fonds est nécessaire pour l'adaptation et l'atténuation dans les pays en développement. D'autres experts soulignent que le monde aura besoin de 5,7 trillions de dollars d’ici à 2035 pour faire face aux effets des changements climatiques.

Des experts des changements climatiques indiquent également qu'une action est désormais nécessaire, parce qu’il faudra sept fois plus de temps pour inverser les effets négatifs des changements climatiques, que d'investir dans la prévention.

“Il semble que nous parlons beaucoup d'argent, mais le coût de l'inaction est bien plus élevé que celui de l'action”, a affirmé Kelly Dent, conseillère politique sur les changements climatiques à 'Oxfam International – Australie'. “Nous avons besoin d'argent pour approvisionner le fonds. Et nous voulons qu’il soit disponible et rapidement opérationnel”.

Jusqu'à présent, les pays n'ont pas pu s'entendre sur un mécanisme unique pour attirer des fonds publics.

Kyoto – une COP morte? Au milieu des discussions houleuses sur le fonds pour le climat, les chances que les pays acceptent une deuxième période d'engagement du Protocole de Kyoto, qui expirera à la fin de 2012, sont devenues aussi faibles. En dehors de l'UE, aucune autre nation industrialisée ne soutient actuellement l’idée d’une extension.

Les Etats-Unis, la Russie et le Japon ont clairement affiché leur désintérêt, tandis que le Canada a provoqué un tollé général il y a une semaine lorsque tout le monde a su qu’il veut abandonner le protocole, probablement pour éviter de payer des amendes pour n’avoir pas atteint ses objectifs de réduction des émissions. “Nous ne pouvons pas laisser la distraction de la manœuvre du Canada détourner notre attention sur de très réels progrès qui peuvent être faits avec l'UE et d'autres, comme un pas crucial e avant pour un régime juridiquement contraignant et des réductions des émissions”, a exhorté Dent.

Même l'UE est en train de changer légèrement de tactique. Elle veut désormais que les plus grands émetteurs du monde s'accordent d’ci à 2015 sur un pacte contraignant à mettre en vigueur d’ici à 2020 au plus tard et offre en échange une extension de ses objectifs de réduction du carbone conformément au Protocole de Kyoto. L'UE a déclaré qu'elle espère sortir les négociations de l'impasse et trouver un “terrain d’entente” avec la Chine et d'autres économies émergentes.

Mais des experts des changements climatiques croient qu’attendre jusqu'en 2020 pour définir des objectifs fermes de réduction des émissions fera qu’il sera trop tard. “Nous avons besoin d'ambition pour augmenter les objectifs de réduction des émissions à partir de 2012. 2020 est trop tard”, a souligné Dent.