AFRIQUE: Une solution locale contre le changement climatique

NAIROBI, 3 déc (IPS) – Lorsque les projets horticoles financés par des bailleurs de fonds ont échoué dans le village de Kalacha, au bord du désert de Chalbi, dans la Province nord-orientale du Kenya, la communauté pastorale locale a proposé sa propre idée qui s'est avérée être la solution à leurs problèmes.

“Lorsque l'horticulture a été introduite par une foule d'organisations non gouvernementales il y a cinq ans, nous étions vraiment très excités parce qu’elle allait être une alternative à notre mode de vie pastoral qui est déjà menacé par l'évolution des conditions climatiques.

“Mais il y a longtemps, nous avons découvert que tout était inutile parce que les singes et d’autres animaux se nourrissaient des cultures”, a déclaré Abdi Tuya, un habitant de Kalacha.

Cependant, après consultation avec les membres de la communauté, le 'Kenya Arid and Semi Arid Lands Research Programme' (Programme de recherche sur les terres arides et semi-arides du Kenya – KASAL) – qui est en train d’être mis en œuvre par le 'Kenya Agricultural Research Institute' (Institut de recherche agricole du Kenya – KARI) – a découvert que la communauté avait déjà une idée viable pour un projet.

“Ils ont insisté qu'ils voulaient utiliser l'eau et la terre pour faire pousser de l'herbe afin d’engraisser (leurs) chèvres et chameaux souffrant de malnutrition en particulier pendant la sécheresse”, a indiqué à IPS, Dr David Miano, le chef du KASAL.

La Province nord-orientale est généralement une région aride, qui a toujours été sèche. Mais à la suite des changements climatiques, la situation a empiré avec une pluviométrie erratique et imprévisible. Le gouvernement estime que plus de 50 millions d'animaux domestiques dans la région risquent de mourir, tandis que plus de 1,4 million de personnes ont un besoin urgent d'aide alimentaire en raison de l’intensification de la sécheresse.

Mais les habitants de Kalacha ont proposé que l'eau provenant d'une rare source d'eau douce dans le désert soit utilisée pour irriguer les herbes indigènes, qui pourraient être utilisées comme fourrage.

“Cela a forcé nos scientifiques à lancer un nouveau (projet) de recherche afin d'identifier les différents types d'herbes indigènes qui sont résistantes à la sécheresse, et qui ont suffisamment de valeurs nutritionnelles permettant d'engraisser les animaux”, a déclaré Miano.

Et aujourd’hui, deux ans après, les fermiers peuvent montrer des milliers d'animaux qui auraient succombé à la récente sécheresse dans la région, s'ils n'avaient pas trouvé les moyens de les nourrir.

“La culture d’herbes est la meilleure chose que j’aie connue. Tous les animaux souffrant de malnutrition sont ramenés à la maison depuis les pâturages des pasteurs pour être engraissés. L’année passée, j'ai pu sauver jusqu'à 80 chèvres qui allaient succomber à la sécheresse”, a affirmé Tuya, qui possède 450 chèvres et 15 chameaux.

Auparavant, la seule solution aurait été d'abattre les animaux.

Des succès locaux, comme celui de Kalacha, amènent des climatologues et des groupes de réflexion africains à dire qu'une solution africaine est le seul moyen que l'Afrique puisse adapter à l’évolution des conditions climatiques. Cet appel a été lancé dans la perspective de la 17ème Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques qui se tient du 28 novembre au 9 décembre à Durban, en Afrique du Sud.

“Nous sommes arrivés à accepter la réalité que même si un projet peut être un succès dans une région, cela ne signifie pas qu'il réussira dans une zone différente, même si les caractéristiques climatiques et géographiques sont les mêmes”, a expliqué Rajendra Kumar Pachauri, président du Groupe intergouvernemental sur les changements climatiques (GICC).

“Les projets ayant un impact énorme en Mongolie, par exemple, peuvent ne pas réussir en Afrique”, a indiqué Pachauri à IPS.

Des experts estiment que les institutions de recherche et centres d'excellence africains doivent intensifier la recherche sur le climat axée sur l'Afrique afin d'améliorer la base scientifique et de réduire les incertitudes de prédiction des variables climatiques pertinentes pour l'utilisateur.

“A cet égard, la recherche devrait être appropriée aux besoins locaux, (elle devrait être) plus pratique et axée sur les politiques”, a déclaré Pachauri.

Cette situation survient après que plusieurs projets d'adaptation aux changements climatiques en Afrique se sont révélés inappropriés aux besoins locaux.

Les exemples comprennent l'introduction du 'Prosopis juliflora', un arbuste ou petit arbre originaire du Mexique, en Amérique du sud, et des Caraïbes, qui était censé fournir le couvert forestier dans des zones arides, mais qui s'est avéré être une menace.

En Ethiopie, des études indiquent que cet arbuste a eu un impact négatif sur la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des populations, notamment dans la région d'Afar, dans le nord du pays, où il a colonisé des terres arables.

“Bien que nous ayons différentes utilisations de l'arbre, qui comprennent le carburant, la clôture, la construction et la fabrication du charbon de bois, nous serions heureux si quelqu'un nous avait enseigné comment éradiquer 'Woyane hara' (le nom local de 'Prosopis')”, a souligné à IPS, Ato Kebele, un habitant d’Afar qui travaille à Addis-Abeba, la capitale du pays.

“Nous préférons cultiver les arbres indigènes plutôt que cet (arbuste) ennemi”, a ajouté Kebele.

*Cet article fait partie d'une série de reportages appuyés par le Réseau de connaissances sur le climat et le développement.