ENVIRONNEMENT: Renouveler les efforts érodés pour combattre la désertification

CHANGWON, Corée du Sud, 14 oct (IPS) – La dégradation des terres est la crise silencieuse au monde, qui sape la production alimentaire, augmentant la pénurie d'eau, appauvrissant des centaines de millions de personnes et affectant deux milliards, au total.

Près de 20 millions de kilomètres carrés de terres arables de la planète – une superficie faisant deux fois celle du Canada – ont déjà été dégradées.

Chaque année, 12 millions d'hectares de terres, sur lesquelles 20 millions de tonnes de céréales pourraient avoir été cultivées, sont perdues à cause de la désertification. Sauf si cette tendance est inversée tôt, nourrir la population mondiale croissante sera impossible, estiment des experts. Cependant, la communauté mondiale n’a pas réussi, depuis plus de deux décennies, à faire face à ce grand défi.

Maintenant, des délégués venus de 193 pays se réunissent en Corée du Sud, sous la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), pour examiner les progrès réalisés sur un plan de dix ans pour inverser la baisse continue de la qualité et de la quantité des terres dans les régions productrices de denrées alimentaires.

Lors de la 10ème Conférence des parties (COP 10) sous l’UNCCD, les délégués envisageront également la création d'un organe scientifique comme la Commission intergouvernementale sur les changements climatiques pour servir d'autorité mondiale en matière de désertification et de dégradation des terres.

“L’UNCCD prendra des mesures audacieuses vers la fourniture de services essentiels aux deux milliards de personnes qui sont confrontés aux effets négatifs de la désertification, à la dégradation des terres et la sécheresse”, a déclaré aux délégués, Luc Gnacadja, secrétaire exécutif de l’UNCCD, lors de la session d'ouverture de la COP 10 qui se tient du 10 au 21 octobre à Changwon, en Corée du Sud.

La dégradation des terres est principalement la conséquence d’une mauvaise gestion des terres, en conjonction avec les changements dans les précipitations. L'érosion et la dégradation résultent le plus souvent du labour des champs, de l’enlèvement des résidus des cultures après la récolte et du surpâturage. Elle s’apparente à l'usure des pneus des voitures – un processus graduel, moins visible avec des conséquences potentiellement catastrophiques s’il est ignoré pendant trop longtemps.

“Les gens ne se rendent comptent de la dégradation des terres que lorsqu’il y a une crise”, a indiqué Pier Paolo Roggero, un scientifique à l’Université de Sassari, en Italie. “Il est relativement facile de faire face à l'érosion d’un point de vue technique”, a déclaré Roggero à IPS. “Nous savons quoi faire dans la plupart des cas en termes de prévention et de restauration”.

Le défi majeur se trouve aux niveaux institutionnel et politique, où les questions économiques et de gouvernance sont souvent en contradiction avec la bonne gestion des terres à long terme, a-t-il dit.

Plaider en termes économiques pour la prévention à long terme de l'érosion est actuellement difficile. En conséquence, d'autres mécanismes devront assurer le bon entretien des terres, a expliqué Roggero. “Malheureusement, il n'est pas facile de trouver de vraies histoires de réussite”, a-t-il noté.

Les agriculteurs et les éleveurs sont souvent confrontés à tant de défis à court terme qu’investir dans la protection à long terme des sols devient difficile. Les pressions sociales et économiques, ainsi que les mauvaises politiques gouvernementales, forcent bon nombre à surexploiter les terres jusqu'à ce qu'elles deviennent inutilisables.

Les gouvernements obligent les pasteurs à rester dans des endroits, encouragent l'appropriation des terres par des privés et créent des frontières, des actions qui empêchent les éleveurs d'utiliser les terres de manière durable, a expliqué Pablo Manzano, coordinateur mondial de l'Initiative mondiale pour un pastoralisme durable.

“Les pasteurs savent comment protéger les terres, mais n'ont pas souvent le pouvoir de le faire ou sont confrontés à des politiques gouvernementales et des pressions économiques qui n’encouragent pas une gestion à long terme”, a déclaré Manzano à IPS.

Les décisions économiques à court terme constituent très souvent le principal facteur de dégradation des terres, a-t-il dit. Même dans les pays développés, les coûts élevés du carburant et des engrais obligent beaucoup d’agriculteurs à “exploiter leur sol” pour un gain maximal à court terme afin de couvrir ces coûts.

En conséquence, presque tous les gouvernements n’ont pas réussi à enrayer la perte continue des terres arables. Seulement trois pour cent de la planète est appropriée pour la production des cultures et le pâturage, alors que 24 pour cent de cette superficie a été déjà dégradée. La lutte contre la désertification a une longue histoire d'échecs. En 1977, la Conférence des Nations Unies sur la désertification (UNCOD), le précurseur de l’UNCCD, a été instituée pour éviter la dégradation des terres.

En 1991, elle a été déclarée un échec, et en 1992 lors du Sommet sur la terre à Rio de Janeiro, les nations ont convenu de créer un nouvel organe de l'ONU pour aborder le problème comme elles l'avaient fait pour les changements climatiques et la biodiversité. La première COP s'est tenue en 1997.

Contrairement aux négociations les mieux connues sur les changements climatiques, ou à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, il n'existe aucun accord ou traité international négocié ici à Changwon. L'accent de l’UNCCD est sur les zones arides du monde – les régions arides et semi-arides qui font 41 pour cent de la superficie du monde et sont les plus menacées.

Son objectif principal est d'élaborer des lignes directrices, de meilleures pratiques et des indicateurs pour le suivi et l’évaluation qui aideront les gouvernements nationaux dans le développement de programmes d'action nationaux et régionaux pour lutter contre la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse.

Malgré ses 14 années d'histoire, l’UNCCD a réalisé peu de choses sur le terrain, a déclaré Kwon Byong Hyon, président de 'Future Forest' (Forêt future), une organisation non gouvernementale coréenne, et président des 100 organisations de la société civile (OSC) environ enregistrées pour la COP.

“La société civile a réalisé des résultats remarquables en travaillant avec les communautés locales dans la lutte contre la désertification. Mais les gouvernements ne l'ont pas fait”, a confié à IPS, Kwon, l'ancien ambassadeur de la Corée du Sud en Chine. Kwon est surtout connu pour avoir lancé le projet “Grande muraille verte” dans le désert de Kubuqi en Chine pour arrêter l'avancée du désert en plantant des millions d'arbres et d'arbustes.

“Les gouvernements font des déclarations, mais réalisent peu de choses sur le terrain”, a indiqué Kwon, qui était l'un des diplomates les plus distingués de la Corée.

Malgré son importance mondiale croissante, la société civile est en train d’être marginalisée par certains membres de l’UNCCD, a-t-il déclaré. “Nous sommes dans le siège arrière”. Kwon soulignait ainsi le fait qu'il n’y ait qu’un seul siège officiel pour les OSC dans la salle de la principale plénière et que ce soit en effet à l'arrière.