NIGERIA: Une sécurité relâchée à la base du bombardement du bureau de l’ONU

LAGOS, 5 sep (IPS) – Les experts en sécurité affirment que si rien n'est fait pour réguler le niveau élevé de transactions illicites et la prolifération des explosifs commerciaux au Nigeria, des scènes comme l’attentat-suicide contre les Nations Unies à Abuja deviendront plus fréquentes.

Ifeanyi Okechukwu, du 'West African Network for Peace Building' (Réseau ouest-africain pour l’édification de la paix), qui travaille avec des organisations internationales pour prévenir des conflits armés, a déclaré que l’attentat à la bombe était une attaque qui n’attendait qu'à se produire.

“Nous avons une lacune totale dans notre système de sécurité et certaines personnes ont capitalisé sur cela pour créer continuellement le chaos. Nous ne sommes pas surpris par cet attentat à la bombe”, a affirmé Okechukwu. Il a ajouté que tant que le pays n’a pas trouvé des moyens proactifs pour résoudre ses problèmes de sécurité, les violences continueraient.

L’attentat à la bombe contre les bureaux de l'ONU à Abuja, la capitale du Nigeria, a fait 23 morts et blessé 81 personnes, le 26 août.

Le groupe militant islamique, Boko Haram, a revendiqué la responsabilité de l'attaque. Ce groupe extrémiste a déclaré que l’attentat à la bombe a eu lieu en représailles au soutien que les Etats-Unis et l'ONU ont accordé au gouvernement nigérian pour persécuter les musulmans dans le pays.

Le Nigeria, avec une population de 150 millions d’habitants, est divisé en gros entre le sud chrétien et le nord musulman. Le président Goodluck Jonathan est aussi chrétien.

Un porte-parole du groupe, Abu Kakah, a confié aux journalistes lors d'un entretien téléphonique que les attaques se poursuivraient.

Boko Haram, qui est opposé à l'éducation occidentale et au mode de vie de l’Occident, veut un Etat islamique au Nigeria.

Ces derniers mois, le groupe a lancé une série d'attentats à la bombe sur les postes de police, les casernes militaires, des églises et autres lieux publics. Le groupe a même bombardé le quartier général de la police du Nigeria à Abuja en juin. Selon la police, les bombes utilisées dans les attentats ont été fabriquées à partir des explosifs commerciaux utilisés pour l'extraction, l'exploration sismique pour l'exploitation minière et la construction des routes.

“Sur la base de la façon dont elles prolifèrent, nos agents de sécurité doivent être attentifs”, a souligné Okechukwu.

Il a ajouté que le pays avait besoin de règlements qui obligent toute personne achetant des explosifs, ou tous les magasins qui les vendent, à signaler la vente et l'achat de ces produits à la police.

Toutefois, le ministre des Mines et du Développement de l'Acier, Musa Sada, a déclaré que ces produits sont réglementés puisque les négociants et les importateurs d'explosifs sont tenus de renouveler leurs permis tous les trois ans.

Mais, Okechukwu a indiqué qu’il fallait renforcer cette mesure. “La façon dont vous appliquez la réglementation pour répondre au défi de la sécurité est très importante”, a-t-il ajouté.

La secrétaire générale adjointe de l'ONU, Asha-Rose Migiro, a déclaré aux journalistes qu'ils cherchaient les moyens de renforcer leur sécurité.

“Nous faisons actuellement une évaluation approfondie de ce qui s'est passé, comment c'est arrivé, et la façon dont nous devrions renforcer toutes les mesures dont nous disposons comme option de sécurité”, a affirmé Migiro après avoir visité les lieux le 28 août.

“Le problème est que nous devons essentiellement dépenser plus d'argent sur la sécurité, mais chaque dollar que nous dépensons sur la sécurité est un dollar que nous ne dépensons pas sur les soins médicaux, ou les problèmes de développement ou humanitaires”, a indiqué à la presse, Gregory Starr, sous-secrétaire général de l’ONU pour la sûreté et la sécurité, à Abuja.

“Donc il existe une marge de manœuvre très réduite que nous avons obtenue pour parvenir à cela”, a déclaré Starr.

Boko Haram a prévenu les Nigérians en juin qu’il entrerait en guerre pour rendre le pays ingouvernable.

“Très bientôt, nous lancerons la djihad… Nous voulons faire savoir que nos djihadistes sont arrivés au Nigeria depuis la Somalie où ils ont reçu de nos frères, qui ont rendu ce pays ingouvernable, une véritable formation sur la guerre”, a indiqué le groupe dans un communiqué publié peu après l'attaque de juin sur le quartier général de la police. Le groupe faisait allusion au groupe extrémiste islamiste somalien, Al-Shabaab, qui contrôle une grande partie de la Somalie.

“Cette fois, nos attaques seront plus violentes et (plus généralisées) qu’elles ne l'ont été”.

Okechukwu a affirmé que par leur incapacité à éviter de telles attaques, la police et l'armée n’ont pas pu être à la hauteur de leur mandat de sécurité.

“Nous ne devrions pas attendre que les gens meurent. Nous devrions être capables de mettre en place un mécanisme par lequel nous serons en mesure de surveiller efficacement les menaces pour la sécurité afin que les gens ne perdent pas leur vie”, a-t-il indiqué à IPS.

En juin, le gouvernement a mis en place un corps expéditionnaire militaire qui a été déployé à Maiduguri, le bastion de Boko Haram, et capitale de l'Etat de Borno, dans le nord-est.

Mais Okechukwu a estimé que ce déploiement n’empêcherait pas d’autres attaques, puisque la police du pays ne dispose pas d’un réseau de renseignement suffisamment efficace.

“Il ne s'agit pas seulement de porter des armes, parce que la police ne sait pas où traquer les poseurs de bombes”, a-t-il dit, ajoutant qu’elle avait besoin de renseignements fiables.