FINANCES-NIGERIA: Les femmes s’entraident

LAGOS, 1 juin (IPS) – Dans un espace ouvert près de sa maison à Makoko, une banlieue peuplée de la ville tentaculaire de Lagos, au Nigeria, Latifat Agboola est assise au milieu des sacs de charbon, s’occupant de ses clients. Certains d’entre eux l’appellent “la femme du charbon au boulot sale”, mais elle se considère comme une femme d’affaires en progression.

Il y a moins d’un an, Agboola, 35 ans, s’occupait de la boutique d’une autre personne, mais elle a créé sa propre entreprise en septembre dernier, après avoir obtenu un prêt de 20.000 nairas (130 dollars) auprès d’une société coopérative dans son quartier.

“Cela avait été un mauvais départ parce qu’il restait très peu d’argent pour les activités proprement dites, après avoir utilisé la majeure partie de l’argent pour me faire enregistrer comme un membre de l’association des vendeurs de charbon”, a-t-elle déclaré à IPS. “Je pouvais acheter seulement un sac de charbon à ce moment et je le revendais en petits paquets”.

Agboola a fait des progrès tout de même puisqu’en janvier 2011, elle avait remboursé le prêt, et elle pouvait bénéficier d’un autre prêt de 200 dollars (30.000 nairas). “Ce second prêt a fourni les ressources supplémentaires nécessaires pour améliorer l’entreprise puisqu’elles m’ont permis d’acheter du charbon en quantité beaucoup plus grande, mon bénéfice a donc augmenté”, affirme-t-elle.

Le bénéfice qu’elle obtient des ventes du charbon en une semaine peut atteindre 60 dollars (9.000 nairas), équivalents à son salaire mensuel de vendeuse dans une boutique. “Avec un meilleur revenu, je ne suis plus obligée de supplier les gens pour de l’argent; aujourd’hui, je peux acheter ce que je veux, je peux manger ce que je veux à tout moment. Mais en tant que vendeuse de boutique, je devais attendre jusqu’à la fin du mois avant de pouvoir sortir de l’argent”.

Assistance mutuelle Agboola a obtenu de l’argent auprès d’une coopérative locale d’épargne et de prêt. La coopérative Gumi met en commun l’argent de ses membres pour faire des prêts sur lesquels elle fait payer un petit intérêt de 15 pour cent.

“Le groupe est constitué de petites femmes qui sont impliquées dans de petites entreprises”, indique Tosun Jimoh, responsable du groupe. “Nous nous occupons principalement de petits prêts, entre 20.000 nairas et 40.000 nairas (270 dollars) et les membres peuvent payer dans l’intervalle de six mois. Les membres n’ont pas besoin de garantie, tant qu’elles peuvent avoir un garant à qui nous pouvons faire confiance”.

L’analyste des questions de genre, Emem Okon, estime que le progrès rapide d’Agboola représente exactement le type de transformation que le micro-crédit peut permettre dans la vie des femmes pauvres comme elle.

“Là où le micro-crédit est bien géré, il aide à améliorer le revenu des femmes pauvres; qu’elles soient impliquées dans le petit commerce ou l’agriculture, il fournit l’argent pour l’acquisition des intrants très nécessaires”, déclare Okon, qui est le responsable de 'Kebetkache Women Development and Resource Centre' (Centre de développement et de ressources des femmes de Kebetkache), une organisation non gouvernementale basée à Port Harcourt, une ville du sud-est.

C’est la bonne affaire dans laquelle il faut s’engager à Makoko, avec un fort taux de pauvreté et une population dense. “Avec le prix élevé du pétrole lampant, la plupart des habitants sont trop pauvres pour cuisiner avec [d’autres types de] fourneaux, le charbon est donc une alternative beaucoup moins coûteuse pour eux”, indique Agboola. “Il y a une forte demande de charbon dans ce quartier, mais personne n’en vend. Je suis la seule personne qui en vend actuellement ici”.

Vital pour l’économie informelle “Les systèmes de micro-crédit sont importants au Nigeria parce que cela couvre les besoins de la grande majorité de la population pauvre qui n’a aucun accès au système bancaire formel”, a déclaré à IPS, Kwekwu Brown, ancien banquier. “Les plus pauvres, qui forment la majeure partie de la population, ne peuvent pas satisfaire aux exigences bancaires strictes comme les garanties et une trésorerie antérieure consistante. Ainsi, ce système informel est la seule option qui existe pour eux quand ils ont besoin de crédit”.

La Banque centrale du Nigeria reconnaît le rôle important que le micro-crédit joue dans l’économie informelle du pays, la pratique ayant une histoire remontant à des siècles dans certains endroits.

Seulement 35 pour cent de la population économiquement active a accès au système financier formel, selon la Banque centrale, tandis que les 65 pour cent restants “sont souvent servis par le secteur financier informel comme les institutions de micro-finance, les prêteurs d’argent, et les coopératives de crédit”.

“A cause des opportunités limitées dont elles disposent, les femmes constituent une grande partie de la population qui n’a aucun accès au système financier formel”, affirme Okon. Elle ajoute que, de par son expérience, les nombreux problèmes auxquels ces femmes sont confrontées, en accédant aux crédits provenant du secteur informel, constituent un fardeau supplémentaire.

“Nous avons limité l’adhésion à Gumi aux femmes uniquement afin d’augmenter leurs chances d’obtenir de petits crédits”, explique Jimoh.

“La culture est l’un des problèmes. Les femmes sont parfois privées des prêts du micro-crédit sur la base de la croyance culturelle selon laquelle elles sont moins susceptibles de réussir dans toute activité qu’elles font, elles sont donc considérées comme un groupe à haut risque”, souligne Okon.

La Banque centrale affirme qu’elle a une politique visant à développer les institutions de micro-finance “pour couvrir la majorité de la population pauvre mais économiquement active d’ici à 2020, créant ainsi des millions d’emplois et réduisant la pauvreté”.