POLITIQUE-ZIMBABWE: Mbeki tente de relancer les discussions

HARARE, 17 jan (IPS) – Sous l'égide de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), les pourparlers pour mettre fin à l'impasse politique entre le parti au pouvoir, la ZANU PF et le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de l'opposition, ne tiennent qu'à un fil.

L'objectif des discussions de la SADC est d'assurer que le Zimbabwe pourra organiser des élections libres et équitables le mois prochain.

Des négociateurs des deux parties ont fait la navette plus d'une douzaine de fois d'allées et de venues entre Harare et Pretoria en vue de sortir de l'impasse.

Tendai Biti, un membre de l'équipe de négociations de l'opposition, a déclaré à IPS que les deux parties se sont rencontrées 20 fois pour des négociations.

Les discussions ont repris le 13 janvier sous la supervision directe du président sud-africain Thabo Mbeki, qui est actuellement sous pression pour conclure les négociations avant les élections.

En mars 2007, Mbeki a été nommé par les dirigeants de la SADC pour mener des efforts en vue de mettre fin à la crise politique et économique du pays en facilitant le dialogue entre la ZANU PF — le parti dirigé par le président Robert Mugabe — et le parti MDC dirigé par Morgan Tsvangirai. "Le dialogue est en train de reprendre. Nos négociateurs sont en Afrique du Sud actuellement après que le président Thabo Mbeki est intervenu pour sortir de l'impasse", a affirmé Patrick Chinamasa, ministre de la Justice, des Affaires juridiques et parlementaires, dans des médias d'Etat du Zimbabwe.

Le Zimbabwe est en train de connaître des pénuries généralisées de nourriture, de carburant, d'électricité et d'eau. Selon la Bourse des valeurs du Zimbabwe, l'inflation est bloquée à 15.000 pour cent — un chiffre que la Banque mondiale qualifie d'anormal pour un pays qui n'est pas en guerre. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) au Zimbabwe indique que les normes éducationnelles sont en baisse dans le pays, qui était autrefois célèbre pour offrir l'une des meilleures éducations sur le continent. Les discussions soutenues par la SADC ont atteint une impasse suite aux demandes du MDC selon lesquelles une constitution transitoire rédigée par les deux parties en négociations doit prendre effet avant que les élections ne se tiennent.

"Mbeki a appelé les équipes en négociations à essayer de sortir de l'impasse", a déclaré Chinamasa, mais "le MDC insiste toujours sur une constitution transitoire de même que sur le report de la date de l'élection".

Le parti au pouvoir qui est représenté par deux ministres du cabinet, Patrick Chinamasa et Nicholas Goche — respectivement ministre de la Justice, des Affaires juridiques et parlementaires et celui du Service public et du Bien-être social — a rejeté la proposition du MDC, estimant que les élections se tiendront en mars conformément à la constitution actuelle. La constitution du Zimbabwe dispose que le mandat présidentiel actuel de six ans prend fin le 31 mars 2008 et convoque la tenue des élections avant cette date. Le Zimbabwe continue d'utiliser la Constitution de Lancaster house de 1979 — dépassée.

La ZANU PF préfère une situation dans laquelle les élections se tiendront conformément à la constitution actuelle après quoi le parti gagnant dirigera le processus qui doit proposer une nouvelle constitution. Ce scénario nécessiterait que les élections soient tenues avant l'expiration du mandat présidentiel actuel à moins qu'un amendement constitutionnel affirmant le contraire soit voté par le parlement. L'impasse actuelle a obligé Mbeki à mettre de côté ses propres problèmes chez lui et à se concentrer sur comment mener à terme le dialogue qu'il a entamé 10 mois plus tôt. Sydney Mfumandi, ministre de l'Administration locale de l'Afrique du Sud, a conduit les discussions jusqu'à présent. Tsvangirai accuse le parti au pouvoir de préférer accéder aux réformes superficielles des lois répressives du pays que de mettre en œuvre une nouvelle constitution transitoire. Il souligne que la ZANU PF fait simplement semblant de s'intéresser à tout le processus de négociations. "Mugabe veut une fausse élection", a déclaré Tsvangirai à IPS. "Nous sommes dans l'impasse sur les questions clés qui devraient nous permettre de traverser le pont et d'entrer dans une nouvelle ère".

Tsvangirai accuse le parti au pouvoir de revenir sur les promesses clés faites au cours des discussions présidées par l'Afrique du Sud l'année dernière. Les pourparlers sous l’égide de la SADC ont été structurés sur une base de concessions mutuelles dans laquelle le MDC a accepté les amendements majeurs de la constitution du pays. En retour, il a été convenu que certaines lois répressives telles que la Loi sur l'ordre public et la sécurité (POSA), la Loi sur l'accès à l'information et sur la protection de la vie privée (AIPPA) ainsi que la Loi sur la radiodiffusion devaient être amendées y compris certaines contributions venant de l'opposition. Plus important encore, les amendements constitutionnels qui ont été faits donnent le pouvoir à Mugabe de consacrer un successeur au cas où il gagnerait une élection et choisirait de ne pas mener son mandat à terme. Au cas où il mourrait, le parlement aura la responsabilité d'élire un président intérimaire jusqu'à la date de la prochaine élection. Tsvangirai affirme que le parti au pouvoir est en train de manquer à ses promesses initiales d’élaborer ensemble une nouvelle constitution transitoire avant les élections.

"Ils sont en train de changer les règles du jeu", a déclaré Tsvangirai. "Ceci est inacceptable, ils veulent forcer une élection en mars et truquer encore le résultat à travers un processus défectueux". Le parti de l'opposition a indiqué qu'il appellerait à des protestations du style kenyan si Mugabe insiste pour organiser une élection défectueuse en mars.

Mais, "Les élections ne peuvent pas être reportées", a souligné à IPS, Lovemore Madhuku, un spécialiste de la loi constitutionnelle. "Il faudra un amendement spécial à la constitution pour que ceci soit possible".

Le MDC observe que l'allure à laquelle la constitution transitoire devait être mise en œuvre devrait déterminer la date de l'élection. Il soutient que la constitution transitoire aidera à installer un système de gestion électorale solide, des codes pour la bonne gouvernance et un régime des droits de l'Homme entre maintenant et la date de l'élection. Ceci, estiment-ils, minimiserait les risques de fraudes électorales. Des questions sérieuses que l'opposition veut qu'elles soient abordées avant les élections comprennent l'autorisation à la diaspora de voter, le dépouillement des votes et l'annonce des résultats dans les bureaux de vote, de même que le rôle de la SADC et d'autres observateurs internationaux dans les élections.

Le gouvernement a indiqué qu'il permettrait seulement aux pays ou organisations "amis" d'observer les élections.

Mugabe — qui jouit actuellement de ses vacances annuelles en Asie — insiste pour dire que les élections auront lieu en mars "immanquablement".