ZIMBABWE: Une approche ''dynamique'' pour une plus grande implication politique des femmes

HARARE, 11 jan (IPS) – Avec les élections générales prévues pour se tenir au Zimbabwe en mars prochain, une campagne est en cours pour augmenter la participation politique des femmes dans ce pays d'Afrique australe.

L'initiative est une version revitalisée de la campagne '50-50', qui a débuté l'année dernière mais n'a pas pu prendre de la vitesse. Actuellement, des activistes sont en train de faire campagne sous le slogan 'Des femmes peuvent le faire!'. L'effort est mené par 'Women's Trust', une organisation non gouvernementale basée à Harare, la capitale, et reçoit le soutien du gouvernement norvégien. "Cette campagne fournit une structure et des actions pour mobiliser des femmes zimbabwéennes pour qu'elles s'impliquent dans le processus électoral et les débats constitutionnels en tant que candidates et électrices", a déclaré à IPS, Luta Shaba, directrice exécutive de 'Momen's Trust'. "Nous voulons débattre des questions qui nous empêchent en tant que femmes d'arriver au pouvoir et procéder à des changements qui puissent transformer la vie des femmes".

La campagne rassemble des femmes venant des partis politiques, des organisations de la société civile, du secteur privé et des institutions éducatives à travers le pays. Dans une déclaration publiée après une conférence de l'initiative tenue en août à Harare, les supporters de la campagne ont formulé plusieurs demandes, notamment que 50 pour cent des candidats pour les partis politiques soient des femmes — et pour l'introduction de la représentation proportionnelle. A présent, des candidats ayant le plus de voix, quelle que soit la marge, sont élus à la présidence ou au parlement. Selon la représentation proportionnelle, des candidats se verraient attribuer des sièges suivant la part de voix de leurs partis, un système qui est souvent vu comme plus efficace pour avoir un nombre plus élevé de femmes dans des postes de prise de décision. La déclaration recommande également que la moitié du financement du parti, assuré par le gouvernement, soit réservée aux femmes candidates.

Les femmes constituent 52 pour cent de la population du Zimbabwe, selon le plus récent recensement de l'Office central de la statistique, réalisé en 2005. Toutefois, elles détiennent seulement 19 pour cent des postes du gouvernement, 17 pour cent des sièges dans la Chambre basse du parlement et 36,6 pour cent dans le sénat, selon les chiffres du ministère des Affaires féminines, du Genre et du Développement communautaire. Elles détiennent également 12 pour cent des sièges dans les conseils urbains et 28 pour cent de ceux des conseils ruraux. La disparité entre le nombre de femmes au Zimbabwe et leur présence en politique est quelque chose pour lequel les femmes doivent porter une part de responsabilité, affirme Oppah Muchinguri, ministre des Affaires féminines.

"Le syndrome du 'PHD' ou du 'Pull Her Down' travaille contre nous les femmes. Je suis préoccupée par le degré auquel nous avons intériorisé notre propre oppression et la ressortons en opprimant d'autres femmes. Nous sommes jalouses et ne voulons par voir d'autres femmes réussir", a-t-elle souligné lors d'une autre conférence tenue à Harare sous les auspices de l'initiative 'Des femmes peuvent le faire', cette fois-ci en octobre. "Nous avons tendance à voter pour les hommes parce que nos expériences vécues nous ont conditionnées à être des subordonnées", a ajouté Muchinguri, qui dirige la Ligue des femmes de l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique au pouvoir. La ministre a également montré du doigt la manière dont les responsabilités traditionnelles des femmes ont tendance à écarter d'autres activités : "La nature patriarcale de notre société relègue les femmes à la sphère domestique… Les rôles des femmes en tant que mères et aides à domicile les empêchent d'être efficaces dans la politique à plein temps". Par ailleurs, "la politique coûte de l'argent et les femmes ne disposent pas de ressources pour financer leurs campagnes électorales parce qu'elles sont économiquement dépendantes et manquent d'accès aux ressources de base".

Certains activistes indiquent en outre que même si les femmes ne sont pas obligées de rester chez elles, les opinions selon lesquelles elles sont à leur place là réduisent leurs chances de gagner un poste politique. Le Zimbabwe a pris des mesures pour aider les femmes à se libérer de ces contraintes. Une politique nationale de genre qui a été instaurée depuis 2004 vise — en partie — à permettre aux femmes d'occuper 52 pour cent des postes de prise de décision. Le pays est signataire de la Déclaration de 1997 sur le genre et le développement de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), qui a fixé pour objectif de voir 30 pour cent des postes de prise de décision dans les Etats membres aux mains des femmes d'ici à 2005 (bien que peu de pays de la SADC aient atteint cet objectif, il y a eu depuis lors un réajustement de voir les femmes occuper 50 pour cent des postes de prise de décision). Le Zimbabwe est également signataire de la Convention sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'encontre des femmes, qui demande aux signataires d'extirper la discrimination à l'encontre des femmes dans la vie politique et publique. Mais, avertit Alice Kwaramba, directrice adjointe de programme pour les droits de l'Homme et la construction de la démocratie à 'Open Society Initiative for Southern Africa' (Initiative de société ouverte pour l'Afrique australe'), une fondation basée à Johannesburg, tout ceci représente plus de bruit que de mal.

"L'acte formel d'apposer des signatures sur du papier demeure cérémonial et n'est pas suivi d'actions qui se traduisent en une transformation réelle du statut des femmes", a-t-elle dit à IPS.

Une question qui se pose est de savoir si des activistes seront en mesure de rassembler un large soutien pour une plus grande participation des femmes à la politique à un moment où les Zimbabwéens sont préoccupés par de sérieux problèmes politiques et économiques qui affligent leur pays. L'hyper-inflation et la pauvreté généralisée ont mis les denrées de première nécessité hors de la portée de plusieurs, et le Programme alimentaire mondial des Nations Unies estime qu'environ quatre millions de personnes dans le pays auront besoin d'aide alimentaire cette année.

Divers changements législatifs qui promettent d’assouplir les contrôles sur l'activité de l'opposition et des médias font leur chemin à travers le parlement, et ce, après des années de mesures répressives du gouvernement contre le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de l'opposition, des activistes de droits humains et des journalistes — et un nombre d'élections tâchées d'irrégularités. Les discussions sous la médiation de la SADC — entre le gouvernement et le MDC — sont aussi en cours.

Toutefois, comme le groupe de surveillance des droits Amnesty International l'a observé dans une déclaration du 14 décembre, "… le gouvernement continue de battre et de torturer des défenseurs des droits de l'Homme et des opposants politiques, malgré le processus de médiation en cours avec la facilitation de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC)".

La députée du MDC Trudy Stevenson indique : "En tête de ces défis économiques et sociaux, des femmes politiciennes sont souvent les cibles des violences de campagne. Elles ne peuvent pas se permettre de louer des garde-corps comme leurs homologues hommes. La violence infligée aux femmes candidates pendant les élections est réelle".

"J'attribue en partie la responsabilité de cette situation à la société patriarcale dans laquelle nous vivons et où on attribue certains rôles aux femmes, à l'exception de la participation politique. Je pense en tant que députée de l'opposition que je me retrouve le bec dans l'eau en tant que femme… ni exiger le respect de mes collègues, ni de ceux du camp opposé", a-t-elle déclaré à IPS. "Les femmes députées sont très peu, mais notre politique est commune parce que nous souffrons toutes de la violence qui nous est infligée en rivalisant avec les hommes politiques, et par moments, on peut se sentir très seule en étant une femme députée au Zimbabwe".