POLITIQUE-SENEGAL: La parité dans la constitution

DAKAR, 12 déc (IPS) – Au Sénégal, les femmes devraient désormais être plus présentes sur toutes les listes électorales. Les deux chambres qui composent le parlement ont approuvé le mois dernier un projet de loi qui introduit dans la constitution du pays le “principe” de la parité (hommes/femmes) aux élections.

Si d'ici les prochaines élections locales, prévues en 2008, la loi est promulguée par le chef de l'Etat et son décret d'application mis en place, ces élections constitueront le premier test d'une règle qui vise à mieux faire représenter les femmes dans les assemblées élues.

Lorsqu'elle parle de parité, Rokhaya Gassama, chercheuse et militante féministe, s'arrête difficilement. Face aux sceptiques qui veulent remettre en question le bien fondé de la nouvelle loi votée, elle a ses arguments à leur opposer. “Il est important d'avoir les instruments d'abord et de voir quelles stratégies mettre en place ensuite”, déclare dans un entretien avec IPS, Gassama, membre du Conseil sénégalais des femmes (Cosef). Association non gouvernementale basée à Dakar, la capitale, et œuvrant pour la promotion de la femme sénégalaise, le Cosef mène depuis 2005 la bataille pour la parité, non seulement pour une participation plus équitable des femmes dans la compétition électorale, mais également dans toutes les sphères de décision.

Ce que Gassama appelle “instruments”, le parlement sénégalais l'a désormais rendu accessible aux femmes en votant les 13 et le 26 novembre — respectivement à l'Assemblée nationale et au Sénat — un projet de loi modifiant la constitution pour y inclure une clause sur la parité hommes/femmes “dans les mandats électoraux et dans les fonctions électives”.

Pour Gassama, coordonnatrice de la Commission scientifique du Cosef, ce vote est plus que justifié, puisque la femme sénégalaise est victime d'une injustice que les partis politiques n'ont pas encore réussi à réparer. Tous les grands partis confinent les femmes, qui représentent 52 pour cent de la population de ce pays d'Afrique de l'ouest, dans un “mouvement affilié” au parti où elles se cantonnent à discuter les “questions spécifiques aux femmes”, pendant que les hommes se partagent les postes de décision, affirme-t-elle. “Comment peut-on comprendre que sur les 43 communes d'arrondissements, il n'y a en ait que cinq dirigées par des femmes, qu'il n'y ait qu'une seule femme présidente de Conseil régional (sur 11), une seule femme à diriger l'une des 67 communes que compte le pays et qu'il n'y ait aucune femme à la tête d'une seule des communautés rurales”, s'insurge Gassama. Elle aligne des exemples et chiffres au niveau des différentes assemblées élues du Sénégal pour démonter la marginalisation des femmes dans les partis politiques et dans les différents centres de décision. L'Assemblée nationale du Sénégal ne compte que 17 femmes sur 150, alors qu’elles étaient 25 sur 120 dans le parlement précédent, selon un rapport du Réseau africain pour la promotion de la femme parlementaire. Ce qui a fait dire à certaines associations féministes sénégalaises qu'il s'agissait d'un recul démocratique. Toutefois, comme l'a déclaré le ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, au moment de défendre le projet de loi devant l'Assemblée nationale, “la parité ne se décrète pas, elle est un ultime objectif”.

Deux semaines après, devant le Sénat, le ministre se fera beaucoup plus clair, soulignant l'impératif d'avoir des “mesures d'accompagnement” par l'éducation et la sensibilisation pour rendre la loi plus effective. “L'article qui vous est proposé est une option politique qui garantit toutes les mesures qui doivent permettre à la femme d'accéder au mandat électoral, (mais) une loi ne vaut que dans son application”, a renchéri Sy cité par les médias locaux et qui plaide en faveur d'une plus grande sensibilisation des femmes, à travers des programmes appropriés de formation et d'alphabétisation.

Sans même attendre que le chef de l'Etat signe le décret de promulgation de la nouvelle loi — plutôt une formalité — qui la rendrait effective ainsi que ses modalités d'application, les femmes jubilent dans leur grande majorité.

“Le fait de voter cette loi sur la parité n'est pas un cadeau, mais c'est placer les femmes sur les rails du développement. Pour la bonne marche d'un pays, il faut faire un choix”, déclarait à la presse la nouvelle députée Ndèye Fatou Touré, avocate et première femme à avoir dirigé une liste à des élections législatives au Sénégal en juin dernier. “Je suis ravie de constater que c'est un premier pas en avant”, ajoutait-elle au lendemain du vote par l'assemblée, où seul un député, Mbaye Niang, avait voté contre.

“J'ai voté contre parce que je m'oppose à tous les concepts qui nous viennent de l'extérieur et qui sont contraires à nos valeurs”, a expliqué à IPS, Niang, perçu dans le paysage sénégalais comme un défenseur de l'islam en raison de ses fonctions d'imam d'une mosquée de Dakar et de son discours religieux. “En parlant de ces valeurs, on ne peut pas faire fi de la religion”, ajoute le député Niang qui dirige un petit parti d'opposition et qui a profité — comme d'autres petits partis — du boycott des élections de juin par les grandes formations de l'opposition, pour faire son entrée au parlement.