SANTE-BURKINA FASO: Augmentation de 50 pour cent du prix du condom, on fera avec!

OUAGADOUGOU, 20 jan (IPS) – Le programme de marketing social de condoms (Promaco), chargé de la distribution de préservatifs à prix réduit au Burkina Faso, a annoncé une augmentation de 50 pour cent des prix de ses produits à partir de ce mois "en raison de l'environnement (économique)".

“Le paquet de quatre condoms vendu à 50 FCFA (environ un cent US) depuis 1991 passe désormais à 75 FCFA (1,5 cent) depuis le 1er janvier 2007”, selon Promaco qui indique cependant que ce prix est toujours celui d'un produit subventionné.

“Nous avons opéré un ajustement du prix du produit actuel en tenant compte de l'environnement dans lequel nous évoluons”, explique Simplice Toé, directeur exécutif du programme. “Il y a de nouvelles charges qui sont venues s'ajouter”.

Selon Toé, ces nouvelles charges sont liées à l'augmentation des connaissances qui entraînent de nouvelles stratégies pour un message complexe et demandent beaucoup plus de ressources. Promaco affirme, toutefois, que malgré cette augmentation, il ne perçoit qu'une très infime marge sur chaque préservatif pour un coût d'acquisition de moins d'un cent US.

Créé depuis 1991, Promaco a pour objectif de distribuer et vulgariser les préservatifs dans ce pays d'Afrique de l'ouest. Depuis 1994, Promaco est soutenu financièrement par la cooptation allemande qui subventionne la production des préservatifs “Prudence”.

Plusieurs marques de préservatifs sont vendues au Burkina Faso, mais Prudence reste de loin le moins cher et le plus accessible. Cette augmentation intervient alors que selon le Programme conjoint des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA), les citoyens de ce pays ont de plus en plus tendance à se protéger — ainsi que leurs partenaires — contre une éventuelle infection au virus du SIDA. Les ventes de condoms “Prudence” ont évolué de 500.000 en 1991 à 20 millions en 2005, selon Promaco, tandis que la séroprévalence au Burkina Faso est passée de 7,17 pour cent au début des années 1990 à 2,5 pour cent en 2006, selon l’ONUSIDA.

Promaco a reçu de son principal donateur, la coopération allemande, 9,5 millions d'euros (environ 12 millions de dollars) pour la période 2006-2010 contre sept millions d'euros (8,9 millions de dollars) pour 1994-1999. Cette somme permet de subventionner le préservatif, mais selon Promaco, un ajustement était nécessaire compte tenu de la faible augmentation de la subvention qui ne prend pas en compte l'évolution dans les coûts de production. Par ailleurs, pour la structure de marketing social, cette augmentation tient compte de la capacité des populations à acheter les préservatifs.

Une étude réalisée en 2006 par Promaco a montré que 92,4 pour cent de personnes sondées trouvent le prix d'environ un cent US abordable; 86 pour cent ont affirmé être capable d'acheter le paquet à environ 1,5 cent. Même à deux cents US, plus de 92 pour cent de ceux qui trouvent le prix favorable se déclarent prêts à l'acheter, indique l'étude.

Selon Wamarou Traoré, le chef du département chargé du secteur santé au Comité national de lutte contre le SIDA, la question sur un ajustement des prix était discutée depuis deux à trois ans, mais aujourd'hui, force est de reconnaître que l'ancien prix ne peut plus être appliqué à cause des différents coûts liés à la conjoncture.

“La complexité des messages et les activités à cette étape de la campagne de lutte contre le SIDA entraînent des coûts que quelqu'un doit supporter”, estime Traoré. “Nous n'avons pas eu de partenaires pour supporter la différence et nous n'avons pas eu les moyens non plus”.

“Cela va également dénoter de l'engagement des populations; quelqu'un qui est prêt à donner 50 FCFA (environ un cent US) pour se protéger, peut faire l'effort également d'arriver à 75 FCFA (1,5 cent). Parce qu'il comprend l'objectif visé”, espère Traoré. Les différentes associations de lutte contre le SIDA annoncent qu'elles vont continuer à sensibiliser les populations, malgré le choc créé par l'augmentation de 50 pour cent.

Selon Edouard Diapa de l'association de lutte contre le SIDA 'Zemstaaba', l'augmentation constitue un choc au moment où le taux de prévalence est en chute. “Maintenant, nous nous disons : comme la santé n'a pas de prix, pour 75 FCFA (1,5 cent US), je ne me ferai pas infecter par le VIH/SIDA. Je préfère payer. J'espère que les populations vont accepter” ce prix. Séverine Nebie, membre du Réseau des personnes vivant avec le VIH/SIDA (RGIPIV), ne pense pas que le coût de 1,5 cent US remettra en cause les acquis du Burkina. “La santé n'a pas de prix, si on pense qu'à 75 FCFA on peut être sauvé du VIH/SIDA, il n'y a pas de problème”.

“Notre travail, c'est amener la population à adopter un meilleur comportement à moindre risque. Donc nous allons redoubler d'efforts dans nos activités de sensibilisation pour amener la population à accepter ce prix”.

Cécile Ilboudo, également membre du REGIPIV, est plus réservée. Elle estime que la fixation brusque du prix peut entraîner un découragement. “Il fallait préparer la population avant de commencer avec le nouveau prix. Comme ça n'a pas été le cas…, cela peut compromettre la lutte”.

Ilboudo craint que les plans d'action déposés avec le prix de 1,5 cent US ne débouchent pas sur la même quantité de condoms nécessaires à la sensibilisation. Les associations placent les préservatifs à des endroits où l'on se sert de façon discrète en laissant une “contribution”.

“Le vin est tiré, il faut le boire. Nous allons continuer à sensibiliser la population à l'utilisation du préservatif, car on sait que c'est un bon moyen de prévenir les infections sexuellement transmissibles, et pour les personnes infectées, de réduire la ré-infection et même la contamination avec d'autres personnes”, explique Ilboudo.

Dans son dernier rapport de 2006, l'ONUSIDA souligne que la prévalence estimée du VIH chez l'adulte au Burkina Faso s'est maintenue entre 1,5 et 2,5 pour cent. Chez les jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans, venues en consultation prénatale en milieu urbain, les niveaux d'infection au VIH ont baissé de moitié entre 2001 et 2003, à moins de deux pour cent.