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BURKINA FASO: Des brigades mobiles d’irrigation pour s’adapter au changement climatique

OUAGADOUGOU, 25 juil (IPS) – Ousmane Ouédraogo est heureux de cette pluie du 14 juillet dans sa région, dans le sud du Burkina Faso car il va enfin pouvoir semer dans son champ familial de deux hectares à Ipelcé, à 45 kilomètres de la capitale, Ouagadougou.

“Dès le lendemain, tout le monde sera accroupi sur toute cette étendue qui, dans une semaine, ressemblera à cette plaine des pousses”, déclare cet agriculteur qui confie à IPS avoir prié ce dimanche à la mosquée, avec d’autres personnes, pour implorer Dieu afin d’obtenir une pluie.

“L’année passée, on avait eu la première grande pluie plus tôt en juin, mais cette fois, nous avons peur”, explique Ouédraogo, montrant un bassin vide et sablonneux qui s’étend à perte de vue. “Nous avons creusé le bassin pour pouvoir sauver les cultures en cas de rupture des pluies”.

Et c’est pour pallier ces cas fréquents de rupture des pluies que le Burkina vient de lancer les brigades mobiles d’irrigation ou irrigation de complément. Chaque brigade est constituée d'un tricycle, d'une motopompe avec un tuyau, et d'un chauffeur qui est en même temps mécanicien. Les bassins retiennent l'eau de pluie qui est ensuite utilisée par les brigades en cas d'arrêt brusque des pluies. Avant toute intervention, la brigade se rassure de l’accessibilité du site et de la proximité du champ du point d’eau (environ 200 mètres). Le demandeur doit disposer aussi d’une main-d’œuvre pouvant l’aider à retirer et à installer le matériel d’irrigation, et assurer l’irrigation de son champ.

La phase pilote lancée ce mois couvrira 30 communes de quatre régions jugées chroniquement déficitaires: le Centre-Nord, le Plateau central, le Nord, et le Sahel. A terme, le projet couvrira chacun des 8.000 villages du pays – avec sa brigade – et contribuera à créer 16.000 emplois pour les jeunes en milieu rural.

L’agriculture procure au Burkina 80 pour cent des recettes d’exportation ainsi que la plupart des emplois et revenus pour 86 pour cent de la population. Cependant, cette agriculture est affectée par une perte de la croissance végétale sur 20 à 30 jours, relève le ministère de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire.

“On assiste souvent à une installation difficile de la saison pluvieuse, à un arrêt brutal des pluies avec pour conséquence des pertes importantes de production”, estime David Zi, directeur provincial de l’agriculture et de la sécurité alimentaire de la région du Centre-Nord.

Le ministère de l’Agriculture espère que les brigades mobiles de complément contribueront à mieux sécuriser la production d’hivernage dont les résultats restent en deçà des attentes en raison des phénomènes climatiques, alors que le potentiel en eau de surface, constitué de 1.347 retenues d’eau, est sous-exploité.

“Les équipements mobiles d’irrigation de complément seront basés au niveau des directions provinciales de l’agriculture et de la sécurité alimentaire de chaque région. Il s’agira de cibler ensuite des zones disposant d’un potentiel assez élevé de plans d’eau (barrages, marres, boulis, impluviums ainsi que de cours d’eau mais vulnérables aux poches de sécheresse”, explique Allassane Djira, directeur général de l’aménagement et de l’irrigation.

Cette initiative fait suite aux grandes perturbations pluviométriques vécues pendant la saison hivernale 2007-2008 caractérisée par un arrêt brutal des pluies au début du mois de septembre. Elles ont occasionné une baisse de 16 pour cent de la production céréalière par rapport à la campagne 2006-2007 et à la moyenne des cinq campagnes précédentes. En outre, par rapport aux prévisions de la même campagne (2007-2008), la baisse de la production céréalière, due essentiellement aux mêmes effets, était estimée à 17 pour cent alors qu’en année normale, l’écart entre les prévisions et les résultats définitifs tourne autour de cinq pour cent, selon le ministère de l’Agriculture.

“Il y a un accroissement de la production de cinq à 10 pour cent quand l’eau est maitrisée”, affirme Roger Moukian, directeur régional de l’agriculture du Centre-Nord.

Le déplacement du tricycle coûtera 30 francs CFA (0,06 dollar) par kilomètre parcouru et 2.000 FCFA (quatre dollars) par hectare de culture bénéficiant de l’irrigation de complément. Ces montants recouvrés lors des interventions serviront à l’entretien et à la et réparation des engins, indique le ministère.

“L’irrigation de complément est connue et pratiquée un peu partout dans le monde, cependant l’approche à travers des tricycles équipés de matériels d’irrigation, donc mobile, semble une innovation propre au Burkina Faso”, souligne Djira.

Pour cette phase pilote, le ministère de l’Agriculture mettra en place 30 brigades d’irrigation pour sécuriser au moins 1.800 hectares de cultures pluviales. “Les brigades vont faire exploser la culture maraîchère. Par exemple, dans les années 2002-2003 dans la région du Nord, on était à 3.000 hectares. Avec les motopompes acquises grâce à une subvention de 70 pour cent, on est passé à 5.500 hectares en 2007-2008, et on a atteint 7.000 hectares en 2009-2010”, se réjouit Jean-Pierre Valian, chargé de l’aménagement et de l’irrigation de la région Nord du Burkina. Cette région aride a déjà reçu neuf tricycles équipés de motopompes.

Valian estime que chaque machine pourra aider une trentaine de personnes, ce qui fait environ 270 personnes supplémentaires dans cette région qui compte déjà plus de 132.000 maraîchers. “Ceux qui ne peuvent pas acheter les motopompes vont bénéficier des brigades d’irrigation”, ajoute-t-il.

Brahima Ouédraogo

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