LA HAVANE, 19 déc (IPS) – Les réserves naturelles agissent comme un coffre- fort sûr pour la biodiversité et contribuent à l'adaptation au changement climatique. Mais dans un pays comme Cuba, en proie à une crise économique chronique, les efforts pour augmenter le nombre d'aires protégées passent largement inaperçus.
“Elles constituent un réservoir de biodiversité génétique de beaucoup d’espèces”, a déclaré à IPS, Ángel Quirós, un biologiste. “Bon nombre des espèces d'importance économique pour l'avenir sortiront de ces zones, adaptées aux nouvelles conditions environnementales”.
Mais “le rôle varié et complexe joué par les aires protégées dans la lutte contre le réchauffement climatique n'est pas très bien connu”, a souligné Quirós, un chercheur au Centre d'études et de services environnementaux, une institution gouvernementale.
Selon Quirós, chaque aire protégée aide à lutter contre les changements climatiques qui sont déjà visibles, tels que des températures plus élevées, la montée du niveau de la mer, et des événements météorologiques sans précédent comme l'ouragan Sandy, qui a fait des ravages dans l'est de Cuba, dans d'autres pays des Caraïbes et dans le nord- est des Etats-Unis en octobre 2012.
Les réserves naturelles “contenant de grandes forêts contribuent à la stabilisation des précipitations et des températures moyennes”, a indiqué le scientifique. “Les facteurs climatiques vont être extrêmes”, a-t-il ajouté.
L'investissement de Cuba dans la protection de l'environnement a augmenté de 278 millions de dollars en 2007 à 488 millions de dollars en 2012. Mais le manque de financement est un casse-tête constant pour les équipes en charge des aires protégées.
Les efforts de nettoyage ainsi que de suivi et de surveillance pour prévenir le braconnage dans le Refuge d’animaux sauvages de Sur Batabanó sont nouveaux pour Dielegne Quiñones, le représentant du ministère de la Science, la Technologie et de l'Environnement dans la municipalité de Batabanó, dans le sud-ouest de Cuba.
Cette terre et réserve marine de 33 kilomètres carrés est la première aire protégée à Batabanó. “Il y a eu déjà des observations de lamantins [Trichechus manatus] et des Hutias [Capromyidae]”, a déclaré Quiñones à IPS avec satisfaction. “Mais nous avons besoin de plus de financement pour renforcer la surveillance et la supervision”.
Daymí Castro, une adolescente qui vit à Surgidero dans les zones humides côtières de Batabanó, a affirmé que la présence d’une réserve naturelle “est importante pour la communauté”.
“A travers l'école, nous faisons des travaux de nettoyage et nous avons participé à des discussions éducatives dans les quartiers voisins, afin d'amener les gens à prendre soin de la nature”, a-t-elle indiqué à IPS.
Carlos Alberto Martínez, un jeune biologiste qui supervise le parc Los Mogotes de Jumagua, dans la province occidentale de Villa Clara, a déclaré que les aires protégées doivent être d’urgence adaptées aux changements climatiques.
“Il y a beaucoup à faire, comme le développement des forêts, en particulier les mangroves, qui protègent les côtes”, a-t-il souligné à IPS.
Martínez a expliqué que ce parc, où huit formations crétacées supérieures sont préservées, génère des fonds propres provenant des visites effectuées par les membres des communautés voisines dans les pistes de randonnée d'écotourisme et de la vente de yagua, un tissu fibreux provenant du bois du palmier royal qui est utilisé pour emballer les feuilles de tabac.
Dans d'autres aires protégées l'abattage sélectif est effectué et le bois est vendu comme un moyen pour lever des fonds, a-t-il ajouté.
Cuba a créé 23 nouvelles réserves naturelles en 2012, ce qui signifie que 18,3 pour cent du territoire de 109.884 km carrés du pays sont maintenant protégés. Le Centre national des aires protégées (CNAP) espère augmenter cette proportion à 24,4 pour cent, avec un total de 253 zones, y compris l’écueil insulaire jusqu'à 200 mètres de profondeur, sous une sorte de protection.
Cet archipel des Caraïbes est composé de l'île principale, Cuba, l'île de Juventud, beaucoup plus petite, et des dizaines d'îlots et des récifs.
La proportion de territoire protégé dans cette nation insulaire avec un grand nombre d'espèces endémiques a connu une croissance rapide au cours des dernières années. Le nombre de réserves naturelles est passé de 35 en 2007 à 80 en 2011 et 103 en 2012, selon le bureau national des statistiques.
En outre, le CNAP a identifié 150 autres terres et zones marines naturelles d'une grande importance locale, qui attendent une approbation du Comité exécutif du Conseil des ministres pour être incluses dans l'une des différentes catégories de protection.
Une étude récente a révélé 2.178 écosystèmes protégés “irremplaçables” à travers le monde, et 192 nouveaux sites proposés, essentiels à la survie des espèces menacées.
Cette étude réalisée par des scientifiques venus de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et d'autres organisations internationales de conservation, publiée en novembre dans 'Science', une revue américaine, a identifié 78 sites dans 34 pays comme étant “exceptionnellement irremplaçables”, sur 173.000 zones terrestres protégées examinées par les chercheurs.
Ces 78 sites – dont 38 en Amérique latine et dans les Caraïbes – abritent plus de 600 oiseaux, des amphibiens et des mammifères, dont la moitié est globalement menacée, et dont beaucoup ne peuvent être trouvées nulle part ailleurs, a indiqué l'étude.
Les parcs nationaux de Sierra Nevada (Colombie), Manu (Pérou), Canaima (Venezuela), les îles Galápagos (Equateur) et le marais de Ciénaga de Zapata (Cuba) sont quelques-uns des habitats irremplaçables énumérés par l'étude, qui s’est inspirée de la Liste rouge de l'UICN sur les espèces menacées et de la Base de données mondiale sur les aires protégées.
Le rapport a exhorté les gouvernements et organismes de défense de l’environnement de faire en sorte que tous les sites bénéficient d'une protection internationale en vertu de la Convention du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture.
* Une vue brumeuse de la vaste réserve naturelle de Mayabe Valley dans la province orientale de Holguín à Cuba. Crédit: Jorge Luis Baños/IPS