CAMEROUN: Développer les palmiers à huile des agriculteurs

DOUALA, Cameroun, 10 juil (IPS) – Dans le village de Maleke, dans l'ouest du Cameroun, un palmier à huile est considéré comme de “l'or noir”. Du moins, c'est ce que déclare à IPS, Joseph Tesse, le fabriquant local d'huile de palme.

“Chaque ménage ici a une parcelle renfermant des palmiers à huile”, indique Tesse au sujet des habitants de son village dans la région du Littoral, au Cameroun. Cet arbre, qui est originaire d'Afrique de l'ouest, porte un fruit qui peut être traité pour produire de l'huile de palme, un ingrédient essentiel utilisé pour la cuisson ici. Les palmiers sont également utilisés pour produire du vin et de l’alcool.

Mais alors que le Cameroun peut être le troisième plus grand producteur africain d'huile de palme, après le Nigeria et la Côte d'Ivoire, il a un déficit annuel d'huile pour la consommation intérieure. Plus de 80 pour cent d'huile de palme produite ici par les agro-industries est exportée vers le Nigeria, le Moyen-Orient, la France et d'autres pays européens, indique à IPS, Pierre Jonathan Ngom, coordonnateur national du Programme de développement du palmier à huile des petits fermiers (SOPDP, son sigle anglais).

Selon les statistiques du ministère de l'Agriculture et du Développement rural (MINADER), le Cameroun produit environ 200.000 tonnes d'huile de palme brute par an. La production d’huile de palme par les agro-industries représente 140.000 tonnes, tandis que les petits agriculteurs produisent le reste.

“L'offre pour la consommation locale ne cesse de chuter puisqu’une grande partie de l'huile produite est utilisée par les industries de transformation et les marchés d'exportation. Suivant cette tendance, l'huile de palme produite localement est devenue un produit de niche sur les marchés locaux”, affirme Ngom.

“La production de palmiers à huile est moins chère comparativement à d'autres cultures de rente. L'utilisation de pesticides est assez limitée et les palmiers à huile donnent le meilleur rendement d'huile par unité de surface par rapport à d'autres cultures comme le soja”, explique Ngom.

Les petits fermiers ont de difficultés à répondre à l’insuffisance de la fourniture de ce produit de base au niveau local dans le pays.

“Les palmiers à huile sont plus résistants à la sécheresse et au changement climatique et nécessitent peu ou pas d'engrais ou de produits chimiques, et ont besoin de moins de soins par rapport au cacao et au café”, déclare à IPS, Deborah Mokwe, une agricultrice dans le village de Maleke. Elle fait partie des 200 producteurs de palmiers à huile dans le village.

Gladys Njeni est une autre. “Un litre d'huile de palme se vend maintenant à 1,90 dollar sur les marchés locaux contre 90 cents au début de 2000”, explique Njeni au sujet du marché local lucratif pour le produit.

Njeni est une cliente de l'usine artisanale de Tesse et elle a amené ses noix récoltées pour être traitées. “Quand j’amène une tonne de noix mûres (pour le traitement), elle produit 200 litres d'huile de palme, que je peux vendre aux détaillants à 180 dollars la tonne”, déclare Njeni.

Mais le processus d'extraction au moulin informel de presse d’huile de Tesse est lent et laborieux – bien qu'il emploie neuf personnes pour l'aider.

“Le travail est très pesant, alors les hommes font la phase la plus difficile du job, tandis que les femmes procèdent à la sélection des noix et décident de la forme sous laquelle le produit doit être commercialisé”, dit-il.

Le processus d'extraction de Tesse implique la fermentation et le chauffage des noix dans de grands fûts en acier. Une fois l'huile extraite, elle est diluée et filtrée au moyen d’un tamis puis chauffée une fois de plus.

“La production artisanale n'est pas un moyen durable pour obtenir l'huile de palme. Elle crée beaucoup de déchets dans la quantité et la qualité de l'huile – environ 25 à 40 pour cent. La fibre de la pulpe, un sous-produit qui ne peut pas être extrait”, indique à IPS, Alain Nkonji, ingénieur agronome de la Société camerounaise de palmeraies, une entreprise impliquée dans la production des huiles de palme.

Mais les agriculteurs ici utilisent ces déchets pour fertiliser leurs cultures.

“Dans les années 1990, j'utilisais de l’engrais chimique sur ma ferme parce que ce n'était pas cher. Juste avant 2000, un sac d'engrais de 60 kilos coûtait 18 dollars, mais aujourd'hui, c’est 48 dollars, j'utilise alors la fibre de la pulpe comme engrais”, explique Njeni.

Selon le MINADER, les petits producteurs au Cameroun génèrent des rendements de moins d'une tonne d'huile de palme par hectare. Mais, en Indonésie et en Malaisie, les plantations à petite échelle fournissent des rendements qui font quatre fois ceux de leurs homologues camerounaises.

L'un des objectifs du SOPDP est d'augmenter cette production, grâce à la distribution des espèces améliorées et des prêts. Le programme vise à accroître la production nationale d'huile de palme à 450.000 tonnes d’ici à 2020.

“Nous envisageons également de créer trois usines pilotes de transformation dans les grandes localités productrices de palmiers à huile où les fermiers peuvent traiter leurs produits agricoles à un coût réduit et minimiser les déchets”, indique Ngom.