CHINE: Le pays est décidé à changer son image négative en Afrique

LE CAP, 30 mai (IPS) – La réalité de l'investissement indien et chinois en Afrique est beaucoup plus complexe que l’image de bon et de mauvais flic des deux géants économiques émergents d'Asie.

La Chine et l'Inde ont provoqué une explosion du commerce et des investissements en Afrique au cours de la dernière décennie. Pourtant, elles sont perçues très différemment: la Chine a une réputation de brutalité économique, tandis que les intérêts commerciaux de l'Inde sont généralement vus comme bénéfiques pour l'Afrique. Mais leur investissement en Afrique doit être considéré dans le contexte des tendances d'investissements plus larges sur le continent, ont déclaré des experts du commerce au cours de la conférence intitulée “L’Argent, le pouvoir et le sexe: le paradoxe d’une croissance inégale”, organisée par l'Institut d’une société ouverte en Afrique australe, du 22 au 24 mai au Cap, en Afrique du Sud.

Finalement, c’est de la responsabilité des gouvernements africains de définir des règles de base solides pour le flux des investissements étrangers et d'assurer un lien direct entre le commerce et le développement, ont estimé les experts.

“Nous ne mettons pas à profit nos communautés économiques régionales ou l'Union africaine (UA) pour obtenir de meilleurs accords et le type d'investissement dont nous avons besoin”, a déploré Buddy Kuruku, conseiller politique au Centre africain pour la transformation économique au Libéria.

Si l'Afrique faisait du développement sa priorité, avec le soutien de l'UA, ses 54 nations auraient rapidement acquis plus de contrôle sur les investissements des économies émergentes dans leur territoire.

“Les puissances mondiales rivalisent pour une présence sur le continent, et l'Afrique peut bénéficier de cela. Si les pays de l'UA travaillaient dans la solidarité, ils n'auraient pas besoin de craindre la présence de l'Inde ou de la Chine”, a déclaré Zhongying Pang, un professeur des relations internationales à l'Université Renmin de Chine, à Beijing.

Bien qu'il soit encore trop tôt pour dire ce que sera l'impact de la Chine et de l'Inde sur l'Afrique, “il est potentiellement plus positif que négatif”, affirme Howard French, un ancien chef du bureau de 'New York Times', en Chine et un membre de la 'Open Society Foundation' (Fondation pour une société ouverte), qui fait des recherches sur la migration chinoise vers l'Afrique.

“L'Afrique a été pendant longtemps coincée dans une position avec peu d'options par rapport aux pays avec lesquels elle souhaite faire du commerce”, a déclaré French.

Avec la Chine et l'Inde rivalisant pour les opportunités d'investissement avec l'Europe et l'Amérique du nord, les nations africaines ont désormais une multitude de partenaires commerciaux potentiels parmi lesquels choisir. Et davantage d’influence pour définir les règles.

Selon la Banque mondiale, l'investissement direct étranger de l’Inde et de la Chine en Afrique a augmenté de façon spectaculaire. A ce jour, la Chine a été le seul plus gros investisseur, fournisseur d’aide et partenaire commercial sur le continent, avec 127 milliards de dollars dans des accords d'extraction de ressources et d'infrastructures en 2010.

L'Inde a des muscles financiers beaucoup moins solides que la Chine, mais son influence en Afrique augmente rapidement. Elle injecte actuellement 46 milliards de dollars dans des accords commerciaux sur le continent et a annoncé qu'elle investira 70 milliards de dollars d'ici à 2015.

“L'Etat chinois est certainement un acteur majeur de l'activité économique en Afrique. Mais l'Inde s'efforce également de renforcer son investissement dans l'extraction des ressources sur le continent”, a souligné French.

Au même moment, les exportations de l'Afrique vers l'Asie ont triplé au cours des cinq dernières années, pour être à 27 pour cent du total des importations de l’Asie, selon les données de 2010 de la Banque mondiale, montrant une nette tendance vers une croissance rapide du commerce Sud-Sud.

Cette tendance a été renforcée depuis que l'Afrique du Sud a adhéré au groupe des économies émergentes formé par le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine (BRIC) en décembre 2010, désormais appelé BRICS.

La poussée de la Chine en Afrique est perçue de manière plus critique parce qu’elle repose en grande partie sur des entreprises publiques massives qui mènent de grands travaux publics et des projets d'infrastructures, tels que la construction de stades, d’autoroutes et de chemins de fer, très souvent avec des financements publics et multilatéraux.

“La Chine a une politique très formalisée visant à encourager les intérêts et l'investissement chinois en Afrique. L'Inde n'a pas une telle politique”, a expliqué Kuruku. L'Inde suit plutôt une perspective d’investissement à court terme, avec une stratégie de deux à cinq ans.

L’engagement de l'Inde avec le continent est principalement motivé par des entreprises privées et axé sur des acquisitions.

“Cela signifie que les entreprises indiennes ont tendance à générer plus d'emplois et à faciliter le transfert de compétences, alors que seulement une très petite composante de l'investissement chinois en Afrique crée des emplois”, a souligné Kuruku.

La Chine affirme qu'elle s’engage à changer son image négative. Le géant asiatique envisage de réviser sa politique étrangère en Afrique, espérant que cela apportera d’autres avantages politiques sur le continent.

“Nous avons tiré des leçons des critiques formulées par rapport à notre politique d'investissement. Si la Chine veut continuer à jouer un rôle en Afrique, elle doit maintenir son principe de non-ingérence, mais aussi en ajouter d'autres, tels que les interventions multilatérales et des politiques prudentes sur la propriété foncière”, a déclaré Pang.