OUGANDA: Des banques de femmes rurales soulagent des temps durs

WAKISO, Ouganda, 8 fév (IPS) – Pour la plupart des femmes ougandaises, l'obtention d'un prêt commercial pour démarrer une entreprise est très difficile. Beaucoup n'ont pas les garanties requises de titres de propriété foncière ou ne peuvent pas supporter les taux d'intérêt pratiqués par les banques commerciales.

Mais six banques rurales dirigées par des femmes ont commencé à changer la vie des femmes dans les zones rurales en Ouganda, facilitant leur accès au crédit et leur permettant de démarrer de petits commerces et d’améliorer leur sécurité alimentaire. A environ 20 kilomètres de la capitale ougandaise, Kampala, se trouve Wakiso. Ici, existe 'Hunger Project', une organisation internationale qui lutte pour mettre un terme durable à la faim. “C'est une banque exceptionnelle parce qu’elle est gérée par des femmes et appuie les femmes, en particulier celles qui sont engagées dans l'agriculture. Nous mobilisons les femmes et les encourageons à lutter contre la faim et la pauvreté par des épargnes ainsi que par l'accès à de petits prêts”, a déclaré Rose Nanyonga, la directrice de la banque. Nanyonga a expliqué que contrairement aux banques commerciales, cette banque villageoise est la propriété des femmes qui investissent dans sa croissance. “Nos membres achètent des actions dans la banque. Donc elles en sont les propriétaires. Et elles reçoivent des dividendes à la fin de chaque année”, a indiqué Nanyonga. Tous les sept membres du conseil d'administration de la banque sont également des femmes. La banque ne se contente pas que de fournir aux clients l'accès au crédit. En dehors de la salle des opérations bancaires, des intrants agricoles, des lanternes et même des panneaux solaires sont disponibles pour être vendus aux clients de la banque. Joel Komakec, un chargé de projets à 'Hunger Project', a déclaré à IPS qu'ils veulent s'assurer que les emprunteurs de la banque achètent la bonne graine et le vrai équipement avec l'argent qui leur est prêté. “Avec la crise énergétique actuelle dans le pays, tout le monde court pour acheter des panneaux solaires. Mais il y a des chances que l'emprunteur accède à un prêt juste pour en acheter un de qualité inférieure. Alors, nous veillons à ce qu'ils obtiennent le vrai”, a affirmé Komakec. Daisy Owomugasho, le directeur de 'Hunger Project' en Ouganda, a déclaré à IPS que le programme de micro-finance par des banques villageoises fait partie d'une stratégie en promotion en Ouganda et dans huit autres pays africains. “Alors, le crédit qu'ils obtiennent sous forme de micro-finance est censé aider les communautés soit à produire de la nourriture, soit à accéder aux intrants, ou aux semences améliorées ou à toute autre chose dont elles pourraient avoir besoin. Nous le considérons comme une approche holistique à la lutte contre la faim et la pauvreté des populations”, a expliqué Owomugasho. Owomugasho a indiqué que les hommes étaient aussi libres d’emprunter auprès de la banque. Elle a affirmé que les communautés sont formées sur la façon de gérer et d’utiliser efficacement le crédit afin d'échapper à la pauvreté. “Mais nous avons constaté que pour autonomiser les femmes, elles doivent également être en charge du crédit. Elles sont formées sur la tenue des livres, sur les compétences bancaires et elles sont capables de gérer les banques rurales elles-mêmes”, a déclaré Owomugasho. Elle a dit que toutes les six banques font non seulement de profit, mais ont aussi eu un taux élevé de remboursement des prêts parce que leurs membres se sentent propriétaires des banques. A environ 14 km de Wakiso, se trouve un kiosque métallique bleu qui fournit des services bancaires aux zones rurales situées autour de 'Kikandwa Parish' (Paroisse Kikandwa) et au-delà. Il est géré par Aisha Nansuna, qui collecte les dépôts journaliers et facilite les retraits des clients qui ne peuvent pas se rendre au siège de la banque. Nansuna a confié à IPS que l'emplacement du kiosque a permis d’insuffler une culture de l'épargne parmi les femmes rurales à Wakiso. “Vous voyez des femmes apporter même la plus petite somme d'argent pour épargner parce que la banque est proche”, a-t-elle souligné. Nansuna est aussi une bénéficiaire de la banque rurale. Derrière le kiosque, se trouve sa boutique bien remplie de médicaments. “J'ai beaucoup bénéficié de notre banque”, a-t-elle déclaré. “J'ai commencé avec un prêt pour la volaille, puis j’ai plus tard demandé 1.500 dollars que j'ai utilisés pour installer cette boutique de médicaments”. Avec l'argent qu'elle gagne de son commerce, elle a pu envoyer un de ses enfants à l'université. Dorothy Kabajungu, 50 ans, est une autre bénéficiaire. Elle a dit à IPS que les banques rurales pratiquent des taux d'intérêt plus bas par rapport aux banques commerciales. “Nous payons 20 pour cent d'intérêt et ils nous accordent une période de 10 mois pour rembourser ce montant. Mais on m’a dit que les autres banques prennent plus de 30 pour cent pour les prêts”, a-t-elle indiqué. “Cette banque est très bonne parce que c'est notre propre banque. Nous, les villageois, nous l’aimons beaucoup parce que nous ne sommes pas mis sous beaucoup de pression pour rembourser les prêts”, a-t-elle affirmé. Kabajungu a commencé avec un prêt de 125 dollars, qu’elle a investi dans la volaille. Une fois qu'il a été remboursé, elle a eu accès à un prêt plus important de 500 dollars, qu’elle a investi encore dans la volaille, mais qu’elle utilise également pour démarrer un commerce de bois de chauffage. “Je viens d’entreprendre le commerce de bois de chauffage parce que le charbon est très cher et il y a une demande pour le bois de chauffage”, a-t-elle dit, expliquant que la formation sur le renforcement des compétences qu’elle a suivie lui a permis d’identifier et de suivre un besoin. Kabajungu a confié à IPS que grâce à la formation, elle a appris à survivre même au milieu des temps économiques difficiles.